"Revenir à la nature": des drones funéraires dispersent désormais les cendres dans le ciel

Représentant près de 50% des cérémonies funéraires en 2022, et avant de devenir majoritaire d'ici à 2030, la crémation est une solution moins coûteuse pour de nombreux Français dont les frais d'inhumation peuvent parfois devenir de véritables casse-tête pour la famille.
Mais les cérémonies pourraient à l'avenir devenir un peu moins mornes avec l'apparition de nouvelles technologies. Depuis quelques mois, une méthode se distingue par son originalité: celle du drone disperseur de cendres. Un pilote vient ainsi lâcher les cendres d'un défunt, contenues dans une urne, au-dessus d'un site spécifique, offrant en quelque sorte un ultime voyage au ciel.
Une demande croissante
Une pratique dont Franck Siguier, fondateur de Drones Pluriel, s'est fait une spécialité à travers Terra Ciela. L'entreprise s'est lancée sur ce marché en juin 2023 après une étude de marché concluante, le tout, avec une technologie brevetée permettant de disperser les cendres (de personnes ou d'animaux) via une urne spéciale aux dimensions spécifiques. Car la loi ne permet pas tout en la matière, si bien qu'il n'est pas question de pouvoir rejeter des cendres qui ne sont pas d'abord contenues dans une urne.
"L'étude de marché nous a prouvé qu'il y avait effectivement de la demande," confie Franck Siguier à Tech&Co.
Avant le lancement commercial, il explique qu'une phase de recherche et développement a été nécessaire afin d'obtenir quelque chose de "fiable" et de "sécurisé": "Depuis le mois de septembre on sait que ça fonctionne, et on multiplie depuis les points de dispersion à travers la France."
Si on peut aisément imaginer que cette méthode plaira aux amateurs de voyage ou à d'anciens pilotes, les activités de Terra Ciela ont néanmoins prouvé qu'elle touche tous les publics.
"On a par exemple fait une dispersion à Chamonix, avec des gens qui venaient de Singapour" raconte Franck Siguier.
Pour offrir ce dernier voyage à un défunt, les tarifs démarrent à 420 euros, mais peuvent grimper à plus de 1750 euros dans le cas d'une demande personnalisée, qui comprend les démarches administratives et la réception des proches. Un montant élevé, qui s'explique par la nécessité de déplacer et héberger une équipe, dont un pilote, sur le lieu de la dispersion, explique l'entreprise.
Lorsque l'entreprise - initialement spécialisée dans les films en drones - s'est finalement concentrée sur Terra Ciela, et donc le domaine de l'inhumation, il a fallu revoir certaines bases: "Quand les gens nous appellent, il faut être là. Il faut être à l'écoute, il faut avoir du temps. On n'a pas le droit à l'erreur. C'est aussi ma mentalité d'être là pour être à l'écoute des gens."
"Plus intime"
"Lors d'une cérémonie classique, il y a parfois beaucoup de monde. Les familles se sentent peut-être un peu oppressées. Lors d'une dispersion, c'est un peu plus intime" décrit Franck Siguier.
Du côté des collectivités et des autorités, l'arrivée de cette méthode ne semble pas susciter de méfiance particulière: l'entreprise dispose de sites disponibles sur le long terme, dont les contrats sont reconduits tacitement chaque année: "On n'a alors pas besoin d'autorisations pour chaque cérémonie, hormis les règles de l’aéronautique traditionnelles. Si on a des retours des autorités, c'est qu'il y a un problème, et jusqu'ici, nous n'en avons jamais eus."
Mais pour les sites moins conventionnels, ou qui ne disposent pas d'autorisations particulières, Terra Ciela se charge de réaliser les demandes, ainsi que le repérage, afin de s'assurer que la dispersion est possible. Ce qui peut prendre plusieurs semaines.
Ce choix du drone, Gregory Ros l'a fait, pour son père, décédé en septembre 2023. C'est ce chirurgien gastro-entérologue qui a pris la décision, peu avant sa disparition. A Tech&Co, son fils admet avoir été dans un premier temps étonné par cette demande.
"Mon père avait décidé d'une crémation, et on avait déjà vécu ça avec notre mère qui était partie un peu avant. On s'était posé la question de savoir ce qu'on allait faire des cendres. On est tombé sur un reportage qui parlait de cette solution."
La famille décide alors de réaliser cette dispersion au-dessus de la montagne Noire, située dans le Massif central. Après une étude de faisabilité de la part de l'entreprise, Gregory et ses proches ont pu réaliser l'ultime souhait de leur père, appuyant sur le bouton permettant la libération de l'urne par le drone.

Un moment "puissant"
Un moment fort en émotion, qui restera gravé dans sa mémoire: "Il y avait une symbolique forte. C'était un chirurgien qui avait passé sa vie à sauver des gens, et ça lui semblait évident de revenir à la nature."
"Il y a vraiment un côté cathartique très puissant. C'est comme une dernière étape," explique-t-il, voyant dans les cendres ainsi dispersées une "libération": "Quand c'est fait, on se dit que c'est fini, on peut avancer dans notre deuil d'une certaine manière. C'est beau et poétique. La technique disparaît au profit d'une justesse de la fragilité qu'est la vie."
"Je peux comprendre quand on me dit qu'il y a encore l'urne d'un proche à la maison, mais selon moi, il y a une partie du deuil qui ne se fait pas." Pour lui, la dispersion permet à "autre chose" d'apparaître:
"Les souvenirs peuvent s'envoler, surtout les plus douloureux, et il ne reste que l'amour rendu durant toute sa vie."