Au Sénat, feu vert à la surveillance des réseaux sociaux pour traquer la fraude fiscale

Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des comptes publics. - LUDOVIC MARIN / AFP
Il s'agit de donner à l'Etat "les moyens d'aller aussi vite que les voleurs". Ce 9 décembre, Gérald Darmanin a une nouvelle fois défendu l'article 57 du projet de loi de finances pour 2020. Ce dernier prévoit d'expérimenter pendant trois ans au sein de l'administration fiscale et des douanes, la collecte et l'exploitation de données mises en ligne sur les réseaux sociaux et les plateformes internet d'e-commerce.
Malgré un amendement de suppression, porté par le sénateur de la Haute-Savoie Loïc Hervé, l'article a été adopté au Sénat. Il s'agira, dès 2020, de mettre à profit les données publiques librement accessibles sur Facebook, Instagram mais aussi eBay ou Le Bon Coin pour mieux traquer trois comportements frauduleux: l'économie souterraine, et notamment de la vente illicite de tabac, des activités occultes et des fausses domiciliations fiscales à l’étranger.
Contrairement aux premières interprétations du texte, l'analyse des signes extérieurs de richesse n'entrera pas dans le champ de cette expérimentation.
Une "logique de chalutage"
La recherche manuelle de données, au cas par cas et à partir de la détection de comportements suspects, était déjà pratiquée par les contrôleurs fiscaux, a rappelé Gérald Darmanin. Il s'agit désormais de passer à la vitesse supérieure, en élargissant le volume de données brassées et en les collectant a priori, avant de les analyser au cas par cas. Alors même que le sénateur Loïc Hervé voit en cette initiative le passage d'une "logique de ciblage à une logique de chalutage", Gérald Darmanin a maintenu qu'il s'agissait de donner les moyens à l'Etat français de lutter contre les fraudeurs.
L'administration fiscale pourra être assistée d'une société privée pour la conception d'algorithme de collecte et d'analyse des données. En revanche, cette même collecte de données et leur conservation ne pourront par la suite pas être sous-traitées, ont voté les sénateurs. Par ailleurs, le Sénat a pris position sur la question des données sensibles, à même de donner des indices sur l'orientation sexuelle, les opinions politiques ou religieuses ou encore l'origine ethnique d'un individu. Ces mêmes données devront être supprimées immédiatement par Bercy et les douanes.
Dans un avis rendu en septembre, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) avait émis des réserves sur le projet initial, arguant qu'il était "susceptible de porter atteinte à la liberté d'opinion et d'expression" des personnes concernées. La Quadrature du Net, une association de défense des libertés en ligne a très vivement réagi à l'expérimentation, estimant qu'il s'agissait de "prendre un bazooka pour tuer une mouche". Prochaines étapes pour ce si décrié article 57: un nouveau passage devant l'Assemblée nationale, avant le redouté Conseil Constitutionnel.