Tech&Co
Tech

Pourquoi Meta est prêt à miser 10 milliards de dollars sur cette start-up spécialisée dans l'IA

placeholder video
La start-up Scale AI s'est spécialisée dans le traitement des données. Un levier stratégique pour le développement des modèles d'intelligence artificielle générative.

Une semaine après avoir annoncé son rapprochement avec le secteur nucléaire, Meta (ex-Facebook) continue ses très coûteuses emplettes. Selon les informations de Bloomberg, la société de Mark Zuckerberg serait entrée en discussions avec Scale AI, l'une des principales start-up américaines dans le domaine de l'intelligence artificielle aux Etats-Unis.

Le deal pourrait être scellé autour des 10 milliards de dollars, rapporte encore l'agence américaine, ce qui en ferait le plus gros investissement consenti par Meta dans le domaine, depuis l'émergence des robots conversationnels courant 2022. Scale AI avait été valorisée à 14 milliards de dollars courant 2024, et avait même discuté avec des investisseurs d'une possible offre publique d'achat à 25 milliards de dollars. Elle dégage un chiffre d'affaires de 870 millions de dollars (2024), mais estime pouvoir doubler ce résultat en 2025, pour atteindre 2 milliards.

Des données et un retard à rattraper

Fondée et pilotée par Alexandr Wang, Scale AI s'est spécialisée dans le traitement et l'annotation des données employées par les modèles d'IA. La société permet donc - en s'appuyant sur le travail minutieux de plusieurs centaines d'employés dans des pays en développement - de trier les textes, images et vidéos qui servent de base à l'entraînement des modèles. Une étape cruciale, puisque la disponibilité de données de qualité est l'un des principaux freins au développement de l'intelligence artificielle générative. Sans ces données, pas de robot conversationnel; avec des données dégradées, des risques d'erreurs de "d'hallucinations" beaucoup plus importants.

Scale AI propose donc de calibrer, de qualifier et de vendre des données aux grands opérateurs de modèles. Elle offre aussi une plateforme d'échange d'informations pour les chercheurs et ingénieurs IA - lesquels proviennent de 9.000 villes et localités différentes selon Scale AI. Ses clients regroupent OpenAI ou Microsoft, ce dernier ayant également soutenu financièrement la start-up, tout comme Meta ou Nvidia, le principal concepteur de puces.

Pour Meta, ce possible investissement revêt un intérêt stratégique: mettre la main sur une matière première rare et amenée à le devenir de plus en plus, à mesure que les modèles consomment les données existantes. Le géant cherche aussi à rattraper ses concurrents: alors que Microsoft a soutenu OpenAI (13 milliards $) et que Google ou Amazon ont investi dans Anthropic, Meta défend depuis plusieurs années un modèle d'IA open source, baptisé LLaMA, dont les données, l'entraînement et les résultats sont accessibles à tous.

Stratégies communes dans la défense

Début 2025, Meta annonçait son intention d'investir lourdement - jusqu'à 65 milliards de dollars - dans l'IA, pour développer notamment ses infrastructures IA. Après des datas centers, et des approvisionnements énergétiques, l'achat de Scale marquerait un tournant stratégique vers un modèle moins participatif.

Scale AI a notamment pour intérêt de permettre une gestion très sûre des réponses des chatbots: pour cette raison, les applications dans des domaines sensibles sont possibles, et Scale s'est tourné vers la santé ou la défense pour se développer. La start-up fait partie du club très fermé de "Thunderforge", programme lancé par le Pentagone et son bras armé techologique Defense Innovation Unit, pour développer des applications IA au service de l'armée américaine.

Ce positionnement sur des segments sensibles intéresse Meta, qui s'est de son côté rapproché du monde de la défense ces derniers mois. Fin mai, le groupe annonçait par exemple un partenariat avec Anduril, une autre pépite de la Silicon Valley, pour élaborer des casques connectés. ll a aussi contribué au modèle Defense Llama, un modèle dédié aux recherches dans des documents classifiés, mis en service, précisément, par Scale AI.

Valentin Grille