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"Un petit robot mignon pour incarner les cours": Milo, première étudiante IA de France, fait sa rentrée en école d'ingénieurs

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Conçue par l'ECE, une école d'ingénieurs, Milo a été présentée à ses camarades de première année à l'occasion de la rentrée. Elle assistera aux cours et pourra répondre à leurs questions.

Le mardi 2 septembre, c'était la rentrée pour les étudiants de première année en ingénierie à l'ECE. Ils étaient accueillis par François Stephan, directeur de l'établissement, qui a prononcé son discours de bienvenue. Mais il n'était pas seul sur scène. Comme l'ont remarqué les élèves, un drôle d'objet était au centre de l'estrade, trônant sur une table.

Milo, l'étudiante IA de l'ECE.
Milo, l'étudiante IA de l'ECE. © Tech&Co

Écran au milieu du corps, plante sur la tête… C'est un objet qu'ils verront très souvent tout au long de leur première année. Parce qu'il s'agit de leur nouvelle camarade de classe: Milo. Une "fille" pas comme les autres, présentée comme "la première étudiante IA en ingénierie au monde".

"Salut, je suis Milo, élève à l'ECE Paris en première année d'école d'ingénieurs", lance-t-elle d'une voix naturelle et dynamique, indiquant aussi qu'elle fait partie du BDE (Bureau des étudiants) et invitant les étudiants à ne pas hésiter à lui demander de l'aide. Car cette IA qui rejoint les plus de 650 élèves de première année ne fera pas qu'assister aux cours.

Une IA impressionnante mais perfectible

Milo suivra son premier cours, de mathématiques, dans 10 jours. Mais elle sera aussi une aide bien utile aux étudiants, pouvant répondre à leurs questions concernant l'ECE.

"Milo va être une espèce de médiateur entre les étudiants, les professeurs et les équipes de l'école pour augmenter avec l'IA la pédagogie et l'expérience étudiante", indique François Stephan. Elle tutoie d'ailleurs les premiers, mais vouvoie les seconds.

En plus du texte, Milo est aussi capable de générer des équations, lire des documents et comprendre des dessins. Et elle impressionne quand elle s'exprime, pouvant parler des intégrales comme des associations de l'ECE de manière fluide. Du moins, la plupart du temps. Car elle est encore loin d'être parfaite.

Beaucoup de choses doivent encore être améliorées, admet Youssef, étudiant en 4ème année qui a participé à sa conception. À commencer par son temps de réponse qui est trop long, entre 10 et 15 secondes. "Pour l'instant, elle appelle deux serveurs: un pour générer le texte dont elle a besoin et un pour la synthèse vocale, c'est-à-dire la voix qu'on entend", précise-t-il.

"Et le problème, c'est que ça appelle et avec le programme qui est aussi à l'intérieur pour qu'elle puisse écouter, enregistrer et réfléchir, ça dure plusieurs secondes et ça devient un peu gênant quand on a des questions."

"Sur le long terme, ce sont des secondes, des secondes qui auraient pu être gagnées. Donc le but, c'est vraiment d'avoir un truc aussi fluide que ChatGPT", ajoute l'étudiant.

Milo est encore loin d'être pafaite.
Milo est encore loin d'être pafaite. © Tech&Co

Outre son temps de réponse, Milo souffre d'autres bugs, par exemple parler trop rapidement comme si on regardait une vidéo en accéléré. Elle peut également bégayer sur des mots et en oublier certains. Malgré cela, Youssef est plutôt satisfait de ses performances actuelles, car l'étudiante IA buguait davantage à ses débuts.

"J'étais un peu inquiet. Le temps de réponse, c'est vraiment un truc qui m'a dérangé, même au début. Puisqu'au début, quand on parlait avec Milo, elle parlait une fois sur deux, ça buguait beaucoup. Il y avait beaucoup beaucoup de problèmes", déplore l'étudiant.

Une version physique et une version numérique

Si Milo est une IA comme ChatGPT ou Gemini, ses concepteurs ont décidé de lui donner un corps.

"On a tenu à avoir une version robot, un petit robot mignon pour incarner les choses", explique François Stephan.

Avec son corps imprimé en 3D, elle sera placée à côté du professeur dans un cours, son but étant de capter ce qu'il dit afin de pouvoir aider les étudiants après, notamment ceux qui ne peuvent pas y assister pour une raison ou une autre.

Hissée sur sa tête, la plante n'est d'ailleurs pas là pour rien. "En fait, la plante, c'est pas seulement pour la décoration. C'est surtout un truc utile. Parfois, les IA peuvent dire des sottises, des grosses âneries. Le but, c'est vraiment de tirer sur la tête pour réinitialiser le programme et qu'il puisse mieux marcher", révèle Youssef.

Milo a été construite en l'espace de trois mois.
Milo a été construite en l'espace de trois mois. © ECE

Mais en plus de cette version physique, les élèves seront en mesure de faire appel à Milo en dehors des cours car elle sera aussi disponible sur une application mobile. Elle pourra ainsi assister un étudiant dans sa recherche de stage, en simulant un entretien par exemple.

Et il sera même possible pour l'IA d'aider les élèves dans des domaines qui n'ont rien à voir avec l'école. Du moins, c'est ce qu'affirme Youssef, tout en prévenant que les résultats ne seront peut-être pas parfaits. Chose que Tech&Co a d'ailleurs constaté lorsqu'il a été demandé à Milo une recette pour des crêpes suzette.

"Désolé, je ne peux pas donner la recette des crêpes Suzette", commence-t-elle par se justifier, avançant qu'elle est spécialisée dans d'autres domaines, dont la tech.

Une autre chose à améliorer et les créateurs ne vont pas s'arrêter là. "À terme, ils [les étudiants] pourront parler avec Milo dans toutes les langues", assure François Stephan.

Bientôt une Milo dans chaque classe

Le directeur de l'ECE est fier de ce projet, qui a rapidement vu le jour. Ses débuts remontent en effet à juin.

"On a décidé d'expérimenter (…) On s'est dit 'et si on accueillait une IA étudiante?'", relate-t-il.

Ainsi, les étudiants et les professeurs sont parvenus à développer Milo en seulement trois mois. Et ils ont plein de projets pour elle. En plus d'assister aux cours et d'aider les élèves au quotidien, l'étudiante IA passera également des examens, auxquels "elle aura 20 sur 20", affirme François Stephan. Plus important encore, elle fera des retours sur ces derniers, indiquant notamment aux enseignants lorsqu'un examen est difficile pour les étudiants.

Pour le moment, les concepteurs de Milo la préparent pour son premier cours de mathématiques. Mais à terme, il n'y en aura pas qu'une seule. Ils prévoient en effet de développer d'autres étudiantes IA, potentiellement sous de nouvelles formes, pour qu'il y en ait une dans chaque classe. À noter cependant que les professeurs auront la possibilité de refuser sa présence. De leur côté, certains étudiants se sont réjouis de l'arrivée de Milo.

"Ça fait assez drôle d'avoir une étudiante IA qui étudie avec nous, qui écoute le professeur en même temps. Mais voilà, c'est une première et je trouve ça génial", s'enthousiasme Samuel, qui fait aussi sa rentrée en première année.

Ayant déjà entendu parler de Milo avant, il s'est d'ailleurs empressé d'en parler à son entourage. "Je crois que toute ma famille est au courant, ainsi que mes potes. J'ai un ami qui est là, je lui ai appris, il était aussi stupéfait. J'en ai parlé parce que c'est inédit", s'émerveille-t-il.

Pour Samuel, Milo ne sera pas seulement utile par rapport aux cours de mathématiques, d'électronique ou encore de physique. L'étudiante IA connaissant également beaucoup de choses sur les associations de l'ECE, il estime qu'elle l'aidera aussi à s'intégrer à l'école.

"C'est forcément une très grande aide pour moi et pour mes camarades", assure-t-il.

Alors que Samuel utilise déjà ChatGPT, "mais pas énormément", il pense qu'il fera beaucoup appel à Milo, à tel point que cela deviendra un réflexe. En revanche, il ne sait pas encore s'il finira par supprimer le chatbot d'OpenAI de son smartphone pour le remplacer définitivement par celui de son école.

Kesso Diallo