Star Wars Jedi Survivor: comment les équipes ont créé un jeu original sans dénaturer la saga

Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine.... remplie de multiples personnages, ennemis, planètes, histoires parallèles qui se multiplient et s'entrecroisent. Bienvenue dans la galaxie Star Wars avec ses films, ses séries, ses personnages, ses histoires, mais aussi ses jeux vidéo.
Depuis 1978 et une adaptation non officielle sur Apple II — un jeu de simulation de combat—, l’univers créé par Georges Lucas a vu naître pas moins d’une quarantaine de jeux plus ou moins fidèles à La Guerre des Etoiles et ses suites, qu'ils soient adaptés des films (Star Wars, L’Empire contre-attaque…), ou s’en éloignent pour trouver leur propre style (Knights of the Old Republic, LEGO Star Wars, Star Wars Pinball…), avec parfois de très gros ratés (La Menace Fantôme, Star Wars : Masters of Teras Kasi).
Tous les grands noms ont épousé au fil du temps la cause Jedi (Nintendo, Atari, Sega, JVC, Bioware, Namco…), avec l’approbation de George Lucas, qui s’y collera aussi avec son studio LucasFilm Games/LucasArts (absorbée par la Walt Disney Company en 2012, fermée en 2013 avant de rouvrir en filiale en 2021). Si Lucas avait décidé que les jeux vidéo feraient partie du canon officiel Star Wars, Disney ne l’entend pas ainsi. Depuis 2014, toute œuvre hors film officiel compose l’"univers étendu" sur lequel la célèbre souris a un droit de regard.
Du tir, des LEGO et des Sims
Longtemps, Electronic Arts fut le seul détenteur adoubé des droits d’adaptation en jeux vidéo, statut qu’il doit désormais partager avec d’autres, Disney voulant un jeu tous les six mois. Cela donna notamment naissance à deux jeux de tir Star Wars: Battlefront développé par le studio DICE (reboot de ceux créés par Pandemic Studios en 2004), un jeu de batailles spatiales (Star Wars: Squadrons) et une extension pour sa poule aux œufs d’or (Les Sims 4 Star Wars: Voyage sur Batuu). Tous ces jeux ont un point commun: ils ont dû créer de toutes pièces une histoire, inventer des lieux et des personnages qui n’existent pas dans la saga, mais s’y glissent aisément. Non sans quelques contraintes…
"Je ne parlerais pas de règles à proprement parler pour concevoir un jeu Star Wars, mais nous travaillons en étroite collaboration avec LucasFilm à chaque étape pour que le concept réponde aux exigences de la saga", reconnaît à Tech&Co Kasumi Shishido, productrice de Star Wars Jedi: Survivor, le nouveau jeu de Respawn.
Un peu plus de trois ans après la sortie du premier épisode Jedi: Fallen Order, le studio californien poursuit les aventures de Cal Kestis, un personnage qui n’existe pas dans les épisodes canoniques de la saga, mais dont l’épopée se déroule entre les épisodes III et IV, après la chute de l’Ordre 66. Apprenti dans le premier opus, il est cette fois devenu un véritable Jedi en quête de revanche. Star Wars Jedi: Survivor embarque alors les joueurs à travers la galaxie sur différentes planètes aux noms déjà connus, mais jusque-là peu exploitées comme Koboh.
"Quand ils jouent dans un univers comme Star Wars, les joueurs veulent le Star Wars qu’ils connaissent. Cela va être quelque chose d’un peu différent dans Jedi: Survivor, mais pas tant que cela", rassure Kasumi Shishido qui explique qu’il fut plus simple de créer les multiples environnements (montagneux, verdoyant, forestier, désert…) d’une planète nommée dans la saga et pouvant ainsi être pleinement exploitée selon leur créativité pour le jeu.

"On a trouvé un équilibre entre des choses nouvelles et d’autres très familières. On a gardé des droïdes de combat par exemple pour apporter à la jouabilité, car ils sont identifiables, drôles et faciles à éliminer pour le joueur", ajoute Jason de Heras, design director du jeu. "C’est l’un des avantages de travailler avec LucasFilm et Disney: nous avons accès à un très large catalogue de choses existantes dans lesquelles piocher pour le gameplay et pour apporter de la cohérence à l’ensemble."
Trouver un équilibre entre des choses familières et nouvelles
Laisser libre cours à sa créativité tout en respectant un cahier des charges assez strict: de l’aveu même des équipes, c’est un peu un numéro d’équilibriste. Ainsi, il n’est jamais possible de reprendre des personnages existants — qui engendreraient aussi des droits à l’image à verser à des acteurs identifiables — (exception faite de Dark Vador et quelques autres méchants "masqués" très emblématiques), et surtout ne pas reprendre un héros. Cal Kestis a donc les traits de Cameron Monaghan, acteur aperçu dans les séries Shameless et Gotham, mais dans aucun film Star Wars. Cela ne l’a pas empêché d’en faire un véritable héros digne de la saga.

Dans ce nouveau jeu, son personnage est même approfondi, plus vieux et plus mature. Plus endurci aussi, mais avec des repères, des attitudes de Jedi, une façon de manier le sabre laser qui répondent aux critères Star Wars. Son passé, son évolution, tout a été élaboré par Respawn, non sans un passage pour vérification auprès de Disney et LucasFilm. "Ils nous ont toujours laissés suivre la voie que nous voulions, notamment pour le personnage de Cal", explique la productrice du jeu. "Nous voulions qu’il soit plus marqué, que l’on comprenne ce qu’il a traversé, ce qui en fait un survivant. Nous n’avons pas eu de contre-ordre ou de refus dans ce que nous avions proposé", ajoute Jason de Heras, saluant aussi la "relation forte avec LucasFilm depuis le premier épisode et la liberté qui va avec". "Les équipes aiment l’histoire que nous avons créée et nous font confiance," se félicite-t-il.
Pour Respawn, avoir des stars dans le jeu ou des éléments de l’univers très identifiables serait presque un piège. "Il faut être sûr qu’ils sont exacts et authentiques, qu’ils font les mêmes bruits que dans les films que connaissent les fans. C’est valable pour les droïdes, les ennemis, la faune et la flore des environnements choisis, l’ambiance", résume Kasumi Shishido, sans cacher qu’il est sans doute plus excitant pour des fans de Star Wars comme eux d’avoir la liberté de créer leur saga dans la saga. Mais avec le risque aussi de trop s’emballer ou d’être trop exigeant.
Le jeu Star Wars que les fans attendaient
Nous avons pu plonger dans le nouveau jeu d’action-aventure. Si Jedi: Fallen Order paraissait plutôt dirigiste dans l’évolution de l’aventure, Star Wars Jedi: Survivor apporte plus de profondeur à la trame générale, aux personnages et aux décors. Tout y est plus sombre à l’instar de ce que L’Empire contre-attaque fut par rapport à La Guerre des étoiles. L’Empire est aux trousses du héros qui doit tout faire pour survivre, se trouver des alliés, protéger des populations (il y a davantage d’options de jeux pour gérer des ressources, des aides de défense…). Les combats sont âpres, fluides et énergiques. Le sabre laser reste l’arme absolue et se décline de différentes manières (simple, double, long), pouvant même améliorer ses techniques en acquérant de l’expérience.

L’exploration large (mais pas en monde ouvert pour autant) nous fait parcourir des environnements dignes d’un film Star Wars. Rarement, un jeu vidéo a su autant donner la sensation à un joueur-fan d’y être. Notre héros grimpe partout, alterne les séquences de plateformes, les duels au sabre laser et les énigmes pour progresser. À cela s’ajoute une histoire bien écrite, un jeu agréable et facile à apprivoiser grâce aux 5 niveaux de difficulté proposés. Un tour de Force savamment dosé.
STAR WARS JEDI: SURVIVOR - Disponible le 28 avril sur PlayStation 5, Xbox Series X⎜S et PC