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Football: pour lutter contre la violence dans les stades, le Brésil mise sur la reconnaissance faciale

Joao Pedro pris de vomissements après avoir heurté Gabriel Martinelli lors du match Brésil-Chili (3-0), le 4 septembre 2025

Joao Pedro pris de vomissements après avoir heurté Gabriel Martinelli lors du match Brésil-Chili (3-0), le 4 septembre 2025 - Alexandre Loureiro/SUSA/ICON Sport

Interdite dans l'Union européenne, pour préserver la vie privée, la reconnaissance biométrique est désormais obligatoire dans les plus grands stades brésiliens, avec un certain succès, même si le déploiement de la technologie ne fait pas tout.

Gabriela Anelli, 23 ans, est morte après avoir été atteinte par un jet de bouteille lors d'une bagarre entre supporters à Sao Paulo, une énième tragédie dans le football sud-américain.

Le coupable a été arrêté quelques heures plus tard, grâce à un système de reconnaissance faciale qui s'est généralisé au Brésil, alors qu'il est interdit dans l'Union Européenne.

C'était en juillet 2023, près d'une entrée du stade Allianz Parque, où Palmeiras recevait Flamengo pour un choc entre les deux meilleures équipes brésiliennes de ces dernières années.

Cette année-là, Palmeiras était le premier club du pays à miser sur cette technologie, avant de faire des émules.

Depuis juillet, les clubs brésiliens n'ont plus le choix: tout stade de plus de 20.000 places doit être doté de contrôles biométriques à l'entrée, soit par empreinte digitale, soit par reconnaissance faciale.

Données confidentielles

À l'Allianz Parque, les supporters de Palmeiras n'utilisent pas de billet. Il leur suffit de prendre un selfie sur leur téléphone et de fournir des données personnelles sur une application pour qu'ils soient reconnus par un écran à l'entrée.

Cela permet "une diminution draconienne" de la revente de places au marché noir, explique à l'AFP Oswaldo Basile, dirigeant de Palmeiras. "Nous savons exactement qui est assis à chaque place (...) et nous pouvons retrouver les responsables en cas de problème", résume-t-il.

Dans le cas de Gabriela Anelli, Palmeiras à identifié sur des caméras de vidéosurveillance le moment exact où la bouteille en verre a été lancée dans sa direction.

Les visages de toutes les personnes passées par l'entrée du stade où a eu lieu le drame ont été comparés via l'intelligence artificielle à ceux qui apparaissent sur la vidéosurveillance de la rue pour reconnaître l'agresseur.

Cette technologie a fait l'objet de tests dans des stades en Europe, mais la reconnaissance faciale en temps réel est interdite dans l'UE au nom de la protection des données personnelles.

Certains clubs y ont recours en Premier League anglaise, ainsi qu'aux Etats-Unis, pour le basket (en NBA) ou le football américain (NFL), mais son usage demeure controversé. Au Brésil, la loi en vigueur stipule que les données fournies dans le système doivent demeurer confidentielles.

Une "grande avancée" pour la "prévention"

Pour Tironi Paz Ortiz, patron d'Imply, une entreprise qui fournit des systèmes de reconnaissance faciale à des clubs de plusieurs pays sud-américains, la loi qui oblige son utilisation au Brésil représente une "grande avancée" pour la "prévention" de la violence dans les stades.

Il cite l'exemple d'un match de Copa Libertadores entre Fortaleza, équipe du nord-est du Brésil, et les Chiliens de Colo Colo. Le système en vigueur dans le stade Arena Castelao a bloqué 500 tentatives d'achats de supporters chiliens interdits de faire le déplacement pour des raisons de sécurité.

Un mois plus tôt, lors d'un autre match entre les deux clubs à Santiago du Chili, deux adolescents de 13 et 18 ans sont morts durant un mouvement de foule. La reconnaissance faciale dans les stades permet également d'identifier des individus recherchés par la police pour d'autres délits.

Au stade de Palmeiras, plus de 200 suspects ont été arrêtées, y compris des narcotrafiquants ou meurtriers présumés, selon le club. Avant d'entrer dans l'Allianz Parque, Lucas Lagonegro, dit se sentir "plus en sécurité". "Il y a davantage de femmes et d'enfants en tribunes", estime cet avocat de 32 ans.

Un système qui requiert une coordination avec les autorités

Le système est également utilisé par l'Internacional de Porto Alegre (sud), au stade Beira Rio, qui a accueilli des matches du Mondial-2014.

"Depuis la Coupe du Monde, nous avons un grand nombre de caméras de vidéosurveillance dans le stade, mais il était difficile d'identifier les auteurs d'infractions" avant la mise en place de la reconnaissance faciale, déclare à l'AFP André Dalto, vice-président du club.

Les experts estiment néanmoins que la coordination avec les autorités est essentielle. Les systèmes biométriques "peuvent être utiles tant que les autres composantes (de la sécurité dans les stades) sont efficaces", déclare à l'AFP le sociologue colombien German Gomez, auteur du livre "Football et supporters ultras, un phénomène urbain".

Il souligne également la nécessité d'accompagner ces mesures de campagnes de sensibilisation.

P. F. avec AFP