Qui est Masimo, l'ambitieux et discret géant de la santé qui va faire plier Apple?

Son nom ne vous dit sans doute rien. Pourtant, Masimo est un groupe qui trace sa route dans la tech de manière aussi anonyme que fracassante, avec une ligne de conduite: la santé connectée à mettre au service du plus grand nombre pour préparer l’avenir.
Et cette santé, cela fait longtemps que le groupe californien sait qu’elle ne passera pas par les seuls centres de santé et hôpitaux, ni même par du matériel de pointe onéreux. Mais par chaque individu amené à vivre chez lui, parfois avec une santé déclinante et donc à surveiller. Masimo a donc pour projet d’intégrer les foyers et de les équiper en matériels médicaux, sa spécialité, mais du matériel portable et utilisable par chacun. Et cela passera donc par les wearables.
Joe Kiani, le visionnaire de la santé
C’est l’idée indéfectible dans l’esprit de Joe Kiani, un émigré iranien arrivé jeune et pauvre aux États-Unis, devenu milliardaire en voulant pousser la santé vers des exigences plus importantes. Et sa première invention fut un appareil de surveillance de l’oxygène dans le sang, plus communément appelé oxymètre de pouls à mettre au bout du doigt et que l’on trouve dans tous les hôpitaux pour calculer la saturation en oxygène dans le sang. L’objet de la discorde désormais avec Apple que Masimo vient de pousser à suspendre ses ventes d'Apple Watch aux Etats-Unis au moment de Noël.
Car Kiani a une idée en tête: s’implanter dans les enceintes connectées, les écouteurs et autres objets devenus des éléments du quotidien. C’est pour cette raison qu’il n’a pas hésité en début d’année à débourser à la surprise générale plus d’un milliard de dollars pour racheter Sound United, le groupe audio détenant notamment les marques Bowers & Wilkins, Denon, Polk, Marantz ou encore Boston Acoustics dans sa constellation de sociétés spécialisées. Wall Street n’avait pas compris et le cours des actions de l’entreprise avait chuté de 37%, lui faisant perdre plus de 5 milliards de dollars de valeur.

Peu importe, l’homme est sûr de son fait et de sa vision. Les savoir-faire technologiques et audio de ces sociétés alliés à son savoir-faire médical vont concourir au bien-être de l’humanité.
Il a d’ailleurs fait tomber dans son escarcelle Nura, une marque australienne spécialisée dans la personnalisation d’écoute et d’ajustement auditif issue de technologies médicales avec un fonctionnement autour des ondes acoustiques pour se caler sur la sensibilité des oreilles de l’utilisateur et optimiser la qualité sonore. Une idée qui traduit bien un possible suivi de la santé auditive à l’aide d’écouteurs sans fil de qualité, car c’est Denon qui en a hérité dans ses PerL Pro. Et l’on envisage facilement l’implantation des technologies médicales maison (fréquence cardiaque, oxygénation du sang, température, etc.) dans ces écouteurs.
Le rachat de spécialistes de la conception d’enceintes pour la maison, fixes ou portables, avec ou sans assistants vocaux, ainsi que d’autres équipements sont aussi de possibles éléments pour élargir et renforcer un suivi médical à domicile où tout serait connecté pour faciliter les interactions avec, par exemple, du personnel soignant loin du patient, des informations fournies en permanence.
Finalement, Masimo suit une voie dans laquelle d’autres géants de la tech sans ses connaissances médicales cherchent aussi à s’engouffrer. Les montres connectées sont devenues de véritables petits assistants médicaux au poignet. Garmin, Samsung, Withings et surtout Apple, le plus avancé du lot dans la recherche médicale et tech, ont des produits qui promettent multiples fonctions de santé. Mais elles sont avant tout tournées vers les consommateurs quand Masimo veut aussi parler à de potentiels patients. Et le groupe de Joe Kiani se bat également pour ça. Au point de défendre ses brevets et ses positions.
David contre les Goliath de la tech
Il n'a ainsi pas hésité à s'attaquer à de plus gros poissons que lui. Dès 1999, il s'en prend à son principal concurrent Nellcor, autre fournisseur d'oxymètres, violation de brevet, obtenant près de 800 millions de dollars 10 ans plus tard et 45 millions supplémentaires dans une autre action antitrust parallèle contre ce même Nellcor. Philips Healthcare a également subi ses foudres et été sommé de payer 300 millions de dollars pour un brevet de monitoring de santé avant que les deux entreprises ne signent un partenariat autour d’un système de surveillance continue et de solutions thérapeutiques. C’est désormais autour d’Apple d’être dans le viseur de Joe Kiani.
Depuis trois ans, Masimo cherche à faire valoir ses brevets et accuse son voisin californien de violation de brevet et vol de secrets industriels. L’entreprise basée à Irvine a ainsi indiqué à la justice, qu’après le lancement de son oxymètre en 2013, elle avait reçu un appel d’Apple proposant une collaboration. Cela n’avait pas abouti, mais le médecin-chef de Masimo avait ensuite fait ses bagages pour Cupertino, ainsi qu’un des chercheurs de pointe du groupe.
Selon Masimo, les brevets déposés ensuite par Apple auraient été basés sur sa technologie et une plainte a été déposée dès 2020 avant que le procès ne soit annulé et aucun accord trouvé l’année suivante. Mais avec l'intervention de l'ITC, l'instance internationale, Apple doit suspendre ses ventes en attendant un ajustement logiciel pour échapper aux poursuites et sanctions.

Loin d'être son seul appareil au catalogue, l’oxymètre reste le produit phare de Masimo, représentant près de 80% de ses revenus. Lors du Covid, l’oxymètre avait même été miniaturisé dans des bracelets fournis aux hôpitaux et fonctionnant avec une application. C’est devenu par la suite une montre connectée baptisée Advanced Health Tracking, avec de multiples fonctions de santé (fréquence cardiaque, oxygénation du sang, hydratation, rythme cardiaque, etc.). L’appareil est actuellement en test des hôpitaux saoudiens. Si l’idée séduit, la montre cherche encore à se faire un nom et une renommée.
"Même dans une société de consommation, je crois que la meilleure technologie l’emporte toujours", confiait Joe Kiani à Forbes il y a quelques années. "Plus l’entreprise est engagée, plus elle gagne et je m’y engage." En tout cas, il est engagé à se lancer dans des bras de fer avec les plus gros. Autant pour défendre sa cause, son entreprise, que pour se faire une place au soleil.