L'inquiétante hausse du cyberharcèlement... dès l'école primaire

Malgré les drames de ces dernières années, les cas de cyberharcèlement se multiplient, et notamment chez les plus jeunes. Un constat qui se confirme, une nouvelle fois, dans les chiffres.
Selon l'étude annuelle menée par l'association e-Enfance et la Caisse d'Epargne, présentée ce mercredi 9 octobre, 23% des 6-18 ans ont déjà été confrontés à une situation de cyberharcèlement. C'est 5% plus que l'an dernier.
"D’année en année, cette tendance continue de progresser des cours d’école aux réseaux sociaux", déplore Justine Atlan, directrice générale de l’association e-Enfance/3018.
Dans le détail, ce sont principalement les filles (26%) et les très jeunes qui sont touchés par ce harcèlement en ligne. Au total, 20% des enfants en primaire y ont été confrontés en 2024, contre 13% l'an dernier. C’est presque autant que les collégiens.
"On ne peut pas banaliser le phénomène. Ce n’est pas normal qu’un quart des enfants qui démarrent leur vie scolaire subissent du cyberharcèlement ou du harcèlement. C’est un échec", poursuit-elle.
"Ils n’ont pas les armes pour se défendre"
"Le problème, c’est qu’ils n’ont pas les armes pour pouvoir se défendre. Ils se sont souvent inscrits sans l’accord de leurs parents, ils n’osent donc pas aller leur parler en cas de cyberharcèlement", souligne Samuel Comblez, psychologue, directeur du 3018 et directeur général adjoint de l’association e-Enfance/ 3018.
Un phénomène qui s'explique par l'accès de plus en plus tôt de ce jeune public aux réseaux sociaux. "Plus on est exposés sur internet plus on a de risque d’être harcelé", insiste Sandrine Ziza, directrice Banque-Finance-Assurance de l’institut Audirep.
Dès le primaire, 67% des enfants sont déjà inscrits sur l’un d’entre eux, alors que les plateformes sont interdites au moins de 13 ans. C’est deux fois plus qu'en 2021. Au collège et au lycée, ce sont respectivement 93% et 96% des élèves qui sont inscrits. 22% des élèves de primaires déclarent ne pas pouvoir se passer de leur téléphone pendant plus d’une heure.
"Un enfant de 6 ans, c’est un enfant qui sort de maternelle, qui vit sa première d’école. Et parmi ces 6/7 ans, plus de 60% est déjà inscrits sur les réseaux sociaux. C’est aberrant. Je veux tirer un cri d’alarme sur cette génération d’enfants qui va apprendre avant tout à regarder un écran."
Du côté des plateformes, c'est Whatsapp qui est principalement utilisée par les bourreaux puisque 44% des enfants cyberharcelés l'ont été sur Whatsapp, dans les groupes d’amis ou les groupes de classes, contre 38% sur les réseaux sociaux. "Les adultes minimisent les risques de WhatsApp. Mais sur ces groupes, les adultes ne sont pas les bienvenus. Ils sont créés sans aucune modération. Il faut agir en prévention."
Des parents désarmés
Une situation qui peut avoir de graves conséquences sur la santé mentale et physique des victimes Un enfant sur trois se jugent en "souffrance extrême". Plus de la moitié d'entre eux déclarent avoir perdu confiance en eux (58%), se sentir dévalorisé, avoir rencontré des difficultés dans leur scolarité (57%). Assez inquiétant, 43% ont déclaré avoir eu envie de se venger en faisant pareil.
Les parents, de façon générale, se sentent démunis par les usages de leurs enfants sur internet. Selon l'étude, près de deux tiers des parents ne savent pas précisément ce que fait leur enfant en ligne. Pourtant, plus de 90% d'entre eux sont conscients des impacts de l'usage d'internet et des réseaux sociaux sur le comportement de leur enfant et attendent de l’aide sur ces sujets.
"C’est de la dissonance cognitive. On a une différence entre ce qu’on sait et ce qu’on fait. Cette situation créée de l’angoisse", observe Samuel Comblez.
"Les réseaux sociaux ne jouent pas le jeu"
Pour éviter ces situations, il est essentiel de faire de la prévention et de communiquer sur les conséquences du cyberharcèlement. Que ce soit pour les potentielles victimes, mais également les potentiels harceleurs. "Dans les familles, le numérique, c’est un non-sujet. Pour lutter contre cette dissonance, c’est important d’en parler et de se renseigner davantage sur ce que font les jeunes", conseille le psychologue.
Il est également important de poser un cadre clair et de contrôler l'accès aux messageries et autres réseaux sociaux, notamment à l'aide des fonctions parentales disponibles sur les différentes plateformes.
En cas de besoin, le 30 18 est devenu le numéro unique pour alerter sur ces situations. Depuis le début de l’année 2024, l’association e-Enfance a déjà reçu 160.000 appels et messages confondus. En 2023, c’étaient seulement 50.000 prises de contact.
"Les parents ont un rôle à jouer", confirme Justine Atlan. "Mais ils ne peuvent pas être tout seul à contenir ce flot numérique. Or, aujourd’hui, c’est ce qu’il se passe. Les réseaux sociaux ne jouent pas le jeu pour aider les parents à identifier les enfants sur leurs plateformes", conclut-elle.
Qui contacter en cas de cyberharcèlement?
Un numéro d'écoute gratuit, anonyme et confidentiel est accessible de 9h à 23h, 7 jours sur 7, 365 jours par an: il s'agit du 3018. Il est également possible de passer via un tchat en direct sur le site 3018.fr, ou via Messenger et Whatsapp.