Bercy va déployer un outil pour détecter les faux avis en ligne

Les avis déposés en ligne par les consommateurs peuvent être un excellent baromètre pour estimer la qualité d'un produit ou d'un service de vente. S'il n'est pas rare de se référer à eux pour orienter un choix, ces appréciations ne sont toutefois pas toujours fiables. C'est dans ce cadre, et pour lutter contre les commentaires, notes ou autres évaluations frauduleuses disponibles publiquement, que la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) s'apprête à mettre à disposition de ses enquêteurs, "Polygraphe", un outil pour les détecter.
Un arrêté de Bercy, examiné le 15 décembre dernier par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), doit permettre la mise en place de ce dispositif, dont le coût de développement a été évalué en 2019 à 300 000 euros sur deux ans, qui doit permettre d’épingler des professionnels coupables de diffusion d'avis suspects ce qui est considéré comme un délit rapporte, ce mardi 3 janvier, L'Informé.
Exploitation de données brutes
Dans le détail, selon le Ministère de la Transformation et de la fonction Publiques, Poygraphe récupérera et exploitera de nombreuses "données pertinentes" sur la plateforme en question (site, numéro de téléphone, localisation…) ainsi que sur le contributeur (nom ou pseudo, identifiant sur la plateforme, URL de sa page…). En outre, des éléments concernant les avis (texte du commentaire, texte de la réponse éventuelle à l’avis…), ou encore des datas de connexions et autres journaux d’évènements (ajout ou suppression de compte, nature des requêtes effectuées, modification des contenus par les administrateurs…).
L'algorithmes va ensuite"identifier les commentaires suspects à l’aide de différents indicateurs de suspicion définis avec les enquêteurs expérimentés sur ce sujet", indique le Ministère de la Transformation et de la fonction Publiques. La dernière phase consiste à "la visualisation des résultats sous forme d’une interface à destination des enquêteurs ". S'agissant de l'encadrement de l'exploitation de ces données, la DGCCRF souhaite pouvoir les conserver jusqu’à 6 mois à compter de leur récolte. Par ailleurs, le droit pour les internautes de s’opposer à ces traitements ne s’appliquera pas.
Le Conseil constitutionnel pourrait mettre son veto
Toutefois, ce dispositif pourrait être retoqué par le Conseil constitutionnel. Ce dernier avait estimé, dans le cadre d'un article issu de la loi de finances pour 2020 qui autorisait les services fiscaux à collecter et exploiter les données rendues publiques sur les plateformes en ligne, comme Facebook ou Instagram à des fin de détection de fraude à la domiciliation fiscale, que "ne peuvent faire l’objet d’aucune exploitation à des fins de recherche de manquements ou d’infractions les données qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne, les données génétiques et biométriques et celles concernant la santé et la vie ou l’orientation sexuelle".
Or, l’exploitation des avis en ligne pourrait potentiellement permettre à la DGCCRF d'être en capacité d’élaborer un profil personnel à partir de l’ensemble des remarques d’un internaute. Par exemple, l'organisme pourrait être capable de déduire l’opinion religieuse d’une personne si, par exemple, cette dernière a laissé une appréciation sur le site d’une boucherie halal ou encore connaître son état de santé après avoir repéré un avis laissé sur le site Internet d'un opticien.