DPE: ces règles interdisant la location des passoires thermiques dans le viseur du RN

C'est une proposition qui touche des millions de personnes. Lors d'un entretien sur France 2, le candidat du Rassemblement National, Jordan Bardella, a annoncé: "Je vais, dans un premier temps, assouplir les réglementations sur les DPE. Aujourd'hui, les interdictions qui sont liées au diagnostic de performance énergétique, quand vous voulez mettre en vente votre logement ou le mettre en location, sont tellement compliquées que ça immobilise et ça paralyse tout le marché du logement". Et il ajoute: "Je lèverai les interdictions liées au DPE".
Le JDD croit savoir que le DPE serait maintenu comme outil de mesure. Il permettrait d'estimer les travaux de rénovation à réaliser, mais l'interdiction de louer, elle, serait abandonnée.
Jordan Bardella n'a pour l'instant pas précisé s'il comptait repousser le calendrier d'interdiction à la location prévu ou le supprimer. Il n'a pas non plus précisé s'il souhaitait réviser le DPE en lui-même.
L’interdiction de louer des logements énergivores, basée sur le DPE, doit s'appliquer progressivement:
- Au 1er janvier 2025: cela concernera les logements classés G
- Au 1er janvier 2028: ceux classés F
- Au 1er janvier 2034: ceux classés E
On notera que le calendrier n'est pas le même en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte:
- Au 1er janvier 2028: interdiction à la location des logements classés G
- Au 1er janvier 2031: interdiction à la location des logements classés F
- Il n'est pas prévu d'interdiction à la location des logements notés E en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte.
Pour rappel, le DPE classe de A à G (A étant la meilleure note, G la pire) la performance énergétique des logements. La notion de "passoires thermiques" fait généralement référence aux logements notés F et G. Si, globalement, on compte 4,8 millions de résidences principales classées F ou G au 1er janvier 2023 selon les dernières données disponibles du ministère de la Transition écologique, l'interdiction ne concerne que les locations. Or, les offices HLM disposent de moyens financiers plus importants et d'un parc plus récent. Dans le parc locatif social, on ne compte ainsi que 380.000 logements classés F et G (soit 8,1% des 4,7 millions de HLM). On dénombre toutefois 885.000 logements sociaux classés E (soit 18,8% du parc) qui seront concernés par une interdiction en 2034. Soit au total 1,26 million de logements sociaux à rénover à horizon 2034 (26,9% du parc social actuel).
La situation s'avère bien plus compliquée au niveau des propriétaires bailleurs privés.
3,5 millions de locations concernées dans le parc privé
Au 1er janvier 2023, il y avait ainsi 1,5 million de passoires énergétiques (dont 848.000 logements F et 646.000 logements G) dans le parc locatif privé, soit 18,5% des 8,1 millions de logements qui composent ce parc selon les données de l'Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE). Mais à terme, il faudra donc aussi y ajouter les logements du parc locatif privé classés E (interdits à partir de 2034), soit 1,8 million de logements supplémentaires (22,4% du parc locatif privé).
En tout, ce sont donc autour de 3,3 millions de logements loués actuellement qui ne seront plus dans les clous en 2034. Soit pratiquement 41% du parc locatif privé.
A première vue, cette levée de l'interdiction donnerait un peu d'air au marché de la location particulièrement sinistré actuellement. Cela éviterait à des millions de bailleurs de ne plus pouvoir louer leur bien au cours des prochaines années. Il faut néanmoins rappeler que l'interdiction à la location ne concerna pas les baux en cours mais s'appliquera à la relocation ou à la reconduction tacite du bail. Un locataire pourra saisir un juge pour forcer son bailleur à faire des travaux de rénovation énergétique pour se mettre en conformité mais il existe plusieurs exceptions importantes, comme l'a précisé un décret publié mi-2023.
Gel des loyers
Outre l'interdiction à la location, il existe un gel des loyers (en cours de bail, à la reconduction du bail ou à la relocation) pour les logements classés F et G depuis le 24 août 2022 pour tous les baux conclus après cette date. Cette mesure doit entrer en vigueur le 1er juillet 2024 pour les territoires d’Outre-mer.
En revanche, si une interdiction à la vente des passoires thermiques a été évoquée dans la presse, elle n'a jamais été ni votée ni proposée par le gouvernement.
De leur côté, certains politiques pointent du doigt la nécessité de rénover les passoires thermiques, comme Ian Brossat, co-président du groupe communiste au Conseil de Paris, sur X: "Le RN vous promet la joie et le bonheur de vivre dans une passoire thermique".
Les professionnels de l'immobilier ne remettent pas en cause l'objectif à long terme mais les modalités et les moyens financiers pour y parvenir. Christophe Demerson, président du think tank "35 millions de petits propriétaires" rappele sur X que "35 millions de propriétaires et de nombreux locataires subissent ce feuilleton du DPE depuis quelques années".