Réforme des retraites: faut-il diminuer le niveau des pensions?

Ne pas diminuer le montant des retraites: l'objectif a été réaffirmé à plusieurs reprises au sein de l'équipe ministérielle d'Elisabeth Borne. La cheffe du gouvernement doit présenter cet après-midi le projet de réforme des retraites, l'un des points phares de la dernière campagne présidentielle d'Emmanuel Macron. "Ce qu'on veut c'est préserver notre système de retraites par répartition. Le nombre d'actifs finançant les retraites ne cesse de baisser. Si on ne veut pas baisser les pensions, alors il faut progressivement travailler plus longtemps", avait souligné elle-même la Première ministre sur Franceinfo mardi dernier.
"Le principe, c'est d'équilibrer le régime sans augmenter les impôts ni baisser les pensions. Plusieurs scénarios permettant d'y parvenir sont mis à la concertation. Tous passent par un recul de l'âge", insistait quelques jours plus tard le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.
Pour progressivement résorber les 12 milliards d'euros de déficit du système de retraite, la formule pour laquelle devrait opter Matignon mêle l'accélération de la réforme Touraine avec une augmentation de la durée de cotisation, probablement d'un trimestre par an à un tous les trois ans, et celle progressive de l'âge minimum légal, qui sera vraisemblablement de 64 ans plutôt que 65 ans. La combinaison de ces deux volets devrait permettre d'économiser jusqu'à 22 milliards d'euros en 2035. Serait-il préférable de réduire les pensions de retraite? BFM Business vous fournit quelques éléments de réponse.
Une voie politiquement complexe
Il est vrai que ce levier peut paraître exploitable à l'heure où le niveau de vie des Français à la retraite reste légèrement au-dessus de celui du reste de la population, en plus d'être l'un des plus élevés au monde selon les données de l'OCDE. Une situation qui ne devrait pas durer selon l'économiste Antoine Bozio en raison d'une accélération plus rapide des salaires par rapport aux prix alors que les retraites sont indexées non plus sur les premiers mais sur l'inflation depuis 1987.
"Aujourd’hui, les retraités ont plutôt un niveau de vie supérieur au niveau de vie moyen. Mais dans les 20 à 30 ans, cela ne sera plus le cas", indique à Médiapart celui qui avait activement participé à l'élaboration du premier projet de réforme des retraites d'Emmanuel Macron au cours du premier mandat, dont la vision était plus "systémique".
De toute façon, il semble difficile de faire adhérer les Français à une baisse des pensions et notamment les seniors alors même que le simple projet de réforme des retraites a surtout les faveurs de cette tranche d'âge de la population. D'où la décision de privilégier l'allongement de la durée de travail qui a pour effet conjoint d'augmenter les cotisations récoltées tout en réduisant mécaniquement le temps passé à la retraite.
Un plancher pour les petites retraites... mais conditionné
Pas de quoi empêcher la contestation politique qui reste forte à gauche: "Les cadres partent déjà à 65 ans, déplore la députée EELV de Paris Sandrine Rousseau auprès de 20 minutes. La réforme va juste faire en sorte de diminuer les pensions des plus précaires, qui ne partiront plus à taux plein. Des économies pour financer la baisse continue des prélèvements sur les entreprises. C’est le ruissellement à l’envers!" A ces accusations, l'exécutif tente de répondre par la promesse d'une augmentation des petites retraites à 85% du SMIC, soit environ 1200 euros.
Si elle permettra de distancer le minimum vieillesse, aujourd'hui plafonné à 953 euros, cette mesure ne s'appliquera en revanche qu'aux Français ayant réalisé une carrière complète comme le rappelait Le Point en amont de la présentation initiale du projet de réforme le mois dernier. Le gouvernement a ainsi annoncé que ceux ayant des carrières hâchées devraient partir à la retraite à 67 ans pour ne pas se voir appliquer de décote sur leurs pensions.
Les gouvernements ont déjà agi sur le niveau des pensions
Si une baisse directe des pensions est donc écartée par l'exécutif, il est toujours possible d'agir indirectement dessus et certains gouvernements récents l'ont déjà entrepris. Comment? En faisant progresser ces pensions à un rythme inférieur à celui des prix. Selon le gouvernement repris par La Croix, "cette sous-indexation des pensions permettrait d’économiser 2,5 milliards d’euros par an mais avec le risque [...] que la pension relative des retraités rejoigne le niveau des années 1980 à horizon 2050."
Antoine Bozio plaide pourtant pour cette piste: "On dépense chaque année 300 milliards pour payer les retraites. Si on en retire un pour cent, on gagne un quart des 12 milliards de déficits prévus. Cette année, l’inflation est forte et les salaires ne suivent pas. C’est un argument fort pour choisir cette voie: pourquoi le choc négatif du pouvoir d’achat ne devrait-il reposer que sur les actifs et pas sur tout le monde?"
"On pourrait par exemple revaloriser le montant des pensions de 5 % au lieu de 6 % [NDLR, le niveau de l'inflation sur un an en décembre]. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut baisser le niveau des pensions chaque année pendant 15 ans, car le système de retraite doit pouvoir garantir un niveau de pouvoir d’achat aux retraités."