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France Télécom: les familles des victimes attendent un procès exemplaire

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Entre 2008 et 2009, une vague de suicides a touché France Télécom. Les anciens dirigeants du groupe doivent s'expliquer à partir d'aujourd'hui devant le tribunal correctionnel de Paris sur leurs méthodes de management. Un moment très attendu par les familles des victimes.

Les faits remontent à dix ans, mais la douleur est toujours aussi vive. Jean Perrin a perdu son frère Robert, un salarié de France Télécom. Ce dernier avait mis fin à ses jours en mettant en cause dans une lettre les pressions qu'il subissait alors dans son entreprise. "J'ai essayé de vivre comme avant, mais cela ne va pas, je faiblis de plus en plus. Pardonne-moi ce geste mais je ne peux pas faire autrement", lit d'une voix chargée d'émotion Jean Perrin.

Pour lui, la pression s'est mise graduellement en place autour de son frère. Il explique les remarques constantes qu'il devait subir. "Qu'est-ce que c'est que ça, vous ne comprenez plus rien, l'entreprise va changer de destination, (...) vous n'aurez plus votre place, ce serait bien si vous partiez ", raconte-il.

Robert Perrin fait partie des 35 salariés du groupe qui se sont donné la mort en 2008 et 2009, pour certains d'entre eux sur leur lieu de travail. Douze autres salariés ont tenté de le faire, et huit ont subi un épisode de dépression ou un arrêt de travail.

Une violence verbale

A l'époque France Télécom est en pleine réorganisation et veut supprimer 22.000 postes sur 120.000 salariés. La direction veut se préparer à un marché de plus en plus concurrentiel et affronter les bouleversements technologiques que constituent internet et la téléphonie mobile. Plus de 10.000 personnes devaient aussi changer de poste, selon les plans de restructuration NExT et Act qui visaient à transformer France Télécom en trois ans.

Se met alors en place un climat délétère au sein de l'entreprise. Les syndicats évoquent la mise en place d'un système de harcèlement institutionnel. Sebastien Crozier, président de CFE-CGC Orange (ex-France Télécom) dénonce la violence verbale de la direction, qu'il juge insoutenable. Et de citer certaines phrases prononcées par le management tels que faire sortir les salariés "par la porte ou la fenêtre" ou "le crash program", "la mode des suicides"… En 2006, dans un discours devant les cadres, Didier Lombard donnait effectivement le ton: "Je ferai les départs d'une façon ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte". Le DRH de l'époque Olivier Barberot lançait lui le "crash program".

Jusqu'à un an de prison

A partir de ce lundi, France Télécom (devenue Orange en 2013) en tant que personne morale, Didier Lombard (patron du groupe de 2005 à 2010) et 6 autres anciens dirigeants comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris pour "harcèlement moral", une première pour une entreprise de cette taille. Chacun encourt jusqu'à un an de prison et 15.000 euros d'amendes.

Patrick Maisonneuve, avocat de l'un des prévenus ex-cadre de France Télécom réfute les accusations. "il y a une politique sociale qu'il faut mettre en œuvre compte tenu des motifs technologiques et de l'ouverture à la concurrence. Mais il y a des mesures d'accompagnements de formation. Il n'y a pas de mise en place d'un système ayant vocation au harcèlement moral", assure-t-il sur BFMTV.

Les familles et les syndicats attendent un procès exemplaire. "Je veux que monsieur Lombard s'excuse. Je le demande pour toutes les personnes qui sont décédées et toutes les familles qui sont en deuil et qui seront malheureuses jusqu'à la fin de leur vie parce qu'on ne peut pas être heureux comme avant", fait valoir Jean Perrin.

C.C avec AFP