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Singapour, très énergivore, lorgne les déserts et les forêts de ses voisins pour son électricité

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Si Singapour espère produire d'ici 2030 deux gigawatts à partir de son énergie solaire locale, elle manque d'espace pour construire de grandes fermes solaires.

Cette semaine, l'Australie a annoncé vouloir construire la "plus grande" centrale solaire au monde, dans le nord du pays. Elle pourrait produire assez d'énergie pour alimenter trois millions de foyers et alimenter à terme Singapour via un câble sous-marin. Il faut dire que la cité-État asiatique a les yeux rivés sur les déserts d'Australie et les forêts tropicales de Malaisie dans l'espoir qu'à terme ils lui fournissent l'énergie propre dont elle a besoin.

Singapour, qui dépend fortement des importations de pétrole et de gaz, a pour objectif d'atteindre son pic d'émissions de carbone d'ici 2030 et la neutralité carbone en 2050. Très dépendante des importations de pétrole et de gaz, elle ne dispose pas des conditions nécessaires pour produire de l'énergie éolienne ou hydroélectrique.

De nombreux défis

Même si Singapour espère produire d'ici 2030 deux gigawatts à partir de son énergie solaire locale, elle manque d'espace pour construire de grandes fermes solaires. En outre, la demande en énergie de la cité-État ne peut qu'augmenter, notamment celle des centres de données, très énergivores, qui représentent déjà 7% de la consommation nationale d'électricité, et jusqu'à 12% d'ici à 2030.

L'autorité singapourienne du marché de l'énergie a déjà accordé des autorisations soumises à conditions pour importer un gigawatt du Cambodge, deux gigawatts d'Indonésie et 1,2 gigawatt du Vietnam. Ces importations seraient un mélange d'énergie solaire, éolienne mais aussi d'énergie hydroélectrique très répandue mais controversée, car associée à la déforestation.

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Selon le groupe de réflexion Ember, les importations d'énergies renouvelables devraient représenter au moins 30% de l'électricité de Singapour d'ici 2035. "Mais les défis sont nombreux", avertit Niels de Boer, directeur des opérations au sein de l'Université de technologie de Nanyang à Singapour, notamment concernant les distances et les pertes d'énergie.

Ainsi, 4.300 kilomètres de câbles sous-marins seront nécessaires pour acheminer l'énergie solaire entre l'Australie et Singapour, un projet suspendu au feu vert des autorités de l'énergie de Singapour, le gouvernement indonésien et des communautés aborigènes australiennes.

Demande d'électricité cinq fois supérieure à la moyenne régionale

Singapour importe actuellement des combustibles fossiles achetés très facilement sur les marchés.

"Un accord bilatéral à grande échelle pour les importations d'énergie renouvelable limite la flexibilité stratégique de Singapour", note Zhong Sheng, chercheur principal à l'Institut d'études énergétiques de l'Université nationale de Singapour.

En cas de problème, "il se peut qu'il y ait peu de sources renouvelables alternatives pour compenser".

Il apparaît donc essentiel pour Singapour de diversifier ses sources d'énergie renouvelable car "plus on diversifie, mieux c'est, en termes de sécurité énergétique", souligne Euston Quah, directeur du Centre de croissance économique de l'Université technologique de Nanyang à Singapour.

Pour lui, "le fait de disposer d'une source d'énergie australienne supplémentaire ne peut être qu'une bonne chose".

La cité-État est unique, avec une demande d'électricité de plus en plus élevée, cinq fois supérieure à la moyenne régionale. Mais elle est loin d'être la seule à se tourner vers l'étranger pour répondre à la demande, affirme Bradford Simmons, directeur pour l'énergie, le climat et les ressources chez Bower Group Asia. La Thaïlande importe 12% de son électricité, produite à partir de charbon et d'hydroélectricité, selon l'Agence internationale de l'énergie.

Accélération du commerce international de l'électricité

Le "décalage" entre les pays pouvant produire de l'énergie renouvelable et ceux qui ont une forte demande "ne fera qu'accélérer les incitations au commerce international de l'électricité", et à cet égard "Singapour n'est qu'un élément d'un phénomène mondial plus large", relève Bradford Simmons.

La demande singapourienne est également prometteuse pour le potentiel inexploité des énergies renouvelables de la région, selon Dinita Setyawati, analyste de la politique de l'électricité en Asie du Sud-Est au sein d'Ember.

Cela pourrait "conduire à une transition vers l'énergie propre dans la région et renforcer les ambitions en matière d'énergie renouvelable", explique-t-elle.

Les responsables du Laos et de la région de Sarawak en Malaisie font valoir la demande singapourienne lorsqu'ils discutent des plans de renforcement de la production d'énergie renouvelable.

L'appétit et les ressources financières de la cité-État pourraient ainsi aider à surmonter les obstacles, souligne Zhong Sheng et son " leadership dans ce domaine pourrait inspirer des efforts régionaux mieux coordonnés en matière de transition énergétique à faible émission de carbone".

CL avec AFP