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Canicule: à partir de quand peut-on exercer son droit de retrait?

Une vague de chaleur qui pourrait se transformer en canicule s'abat cette semaine sur la France. Quels sont les droits des salariés?

35 voire 40 degrés, une vague de chaleur déferle sur certaines régions françaises cette semaine, une vague qui pourrait se transformer en épisode caniculaire. De quoi provoquer des effets néfastes sur la santé de nombreux salariés (déshydratation, migraines, malaises...), notamment ceux qui travaillent à l'extérieur, sur les chantiers ou sur les toits.

Ainsi, selon l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), le travail par fortes chaleurs (au-dessus de 33 °C) présente des dangers.

Mais il faut savoir que la loi (le Code du travail) ne prévoit aucune disposition permettant de ne pas venir travailler lorsque les températures sont trop élevées.

Pas de température maximale pour travailler dans le Code du travail

Par contre, l'employeur doit prendre des mesures (pas seulement en cas de canicule) dans le cadre de son obligation de garantir la sécurité et la santé physique et mentale de ses salariés au travail par la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés (article L4121-1 du Code du travail). Il s'agit bien d'obligations.

Concrètement en cas de canicule, il doit:

  • Veiller à ce que l'air soit renouvelé et ventilé de façon à éviter les hausses exagérées de température dans des locaux fermés (article R4222-1 du Code du travail). Par contre la loi et la réglementation n'imposent pas à l'employeur d'installer un système de climatisation.
  • Mettre à disposition de l'eau fraîche et portable pour les salariés travaillant en intérieur ou en extérieur (article R4225-2 du Code du travail).
  • Dans des conditions particulières, notamment sur les chantiers où il faut boire fréquemment, l'employeur doit mettre à disposition gratuitement au moins une boisson non alcoolisée (article R4225-3 du Code du travail).

Obligations et recommandations

Il peut également appliquer une série de recommandations de l'INRS en cas de canicule, à savoir:

  • Décaler les horaires en commençant plus tôt
  • Limiter la cadence de travail
  • Arrêter les appareils électriques non-indispensables qui émettent de la chaleur
  • Augmenter le nombre de pauses

En cas d'activation du plan national canicule par le gouvernement, l'employeur doit également suivre les recommandations liées à ce plan concernant les salariés exposés: ouvriers sur les chantiers de BTP, salariés travaillant dans des secteurs spécifiques comme la restauration, la boulangerie, les pressings, les jardiniers...

Le salarié a également des obligations en cas de canicule: il doit ainsi dans la mesure du possible rester à l'abri, boire régulièrement, se rendre dans un endroit climatisé pour prendre ses repas ou faire une pause ou encore porter des vêtements légers et se couvrir la tête s'il travaille en extérieur.

Reste que si ces obligations ne sont pas suivies, si la protection et la sécurité des salariés n'est pas assurée, ou si malgré les précautions mises en place, le salarié a un "motif raisonnable" de se sentir en danger à cause de chaleurs extrêmes (au-delà de 33° donc), le droit au retrait peut être exercé.

Pas de retenue de salaire

Ce droit (article L4131-1 du Code du travail) s'applique à tous les salariés, quelque soient leur contrat de travail. Il permet de se "retirer", sans l'accord de l'employeur, dès lors que ce dernier a été immédiatement alerté par un salarié estimant être exposé à un danger grave et imminent. Un danger est considéré comme grave dès lors qu'il représente une menace pour la vie ou la santé du salarié. Ou si si le salarié constate que les systèmes de protection dont il dispose à son travail sont défectueux.

Le CHSCT, comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, présent dans les établissements d'au moins 50 salariés devra également être alerté.

Ce retrait ne peut être refusé. Si l'employeur l'estime abusif, il devra se retourner vers les Prud'hommes. Par ailleurs, la rémunération est maintenue pendant la période du droit de retrait et aucune sanction ne peut être prise contre le salarié concerné (article L4131-3 du Code du travail).

Enfin, l'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait, de reprendre son activité si le danger grave et imminent est la conséquence de la non application de ses obligations de protection, persiste toujours. Il doit en revanche prendre toutes les dispositions pour mettre fin à cette situation.

A l'inverse, si l'entreprise se conforme à ses obligations de protection et de moyens adaptés et applique les éventuelles recommandations gouvernementales, le salarié n'a a priori pas de motif raisonnable pour exercer son droit de retrait, sous réserve de l'appréciation des tribunaux en cas de litige.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business