La Banque de France abaisse sa prévision de croissance pour le pays à 2,3% en 2022
Pas de récession mais une croissance économique qui se tasse nettement à 2,3% en 2022, et une inflation plus forte et plus longue que prévu: la Banque de France affiche sa prudence pour l'économie française face aux "chocs" qui la frappent. La banque centrale française a ainsi abaissé mardi sa prévision de croissance pour la France, à 2,3%, contre une fourchette comprise entre 2,8% et 3,4% publiée à la mi-mars, peu après le déclenchement de la guerre en Ukraine, une révision qui s'explique notamment par une hausse plus forte des prix de l'énergie.
Cette prévision est moins optimiste que celles publiées mi-avril par le FMI et mi-mai par la Commission européenne, qui tablent respectivement sur une croissance de 2,9% et de 3,1% pour la France. L'Insee publiera la sienne vendredi, tandis que le gouvernement doit dévoiler sa nouvelle prévision à l'occasion de la présentation de son projet de budget rectificatif, attendu en principe pour le 6 juillet même si ce calendrier pourrait être remis en question par le résultat des élections législatives.
"La croissance serait affectée par le niveau actuel de l'inflation qui pèse sur le pouvoir d'achat, et par la détérioration de la conjoncture économique internationale ainsi que par le contexte géopolitique très incertain qui dégrade la confiance de tous les agents économiques", a expliqué de son côté la banque centrale française dans ses projections économiques sur la période 2022-2024.
Les "chocs actuels" persisteraient l'an prochain dans une moindre mesure, entrainant un nouveau ralentissement de l'économie, avec une croissance de 1,2%, avant que l'activité ne reprenne de manière plus vigoureuse en 2024, le produit intérieur brut (PIB) progressant de 1,7%.
"L'activité semble résiliente"
"L'activité semble résiliente", a toutefois voulu rassurer le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, dans un entretien au Figaro, soulignant que "la consommation des ménages, tout comme l'investissement des entreprises, résistent" et que "les entreprises ont bien traversé la crise du coronavirus".
Mais la hausse du PIB de cette année "tient essentiellement à l'élan" apporté par la forte croissance de l'an dernier (7%), note la Banque de France, alors que "les trimestres de l'année en cours contribueraient peu à la croissance", signe du coup de frein de l'activité économique, qui a même vu le PIB reculer de 0,2% au premier trimestre par rapport au dernier trimestre 2021.
Du côté de l'inflation, la Banque de France prévoit une accélération à 5,6% en moyenne cette année de l'indice IPCH, qui sert de base de comparaison entre pays européens, avant de ralentir à 3,3% en 2023 puis 1,9% en 2024. "L'inflation sera plus élevée, plus large et (durera) plus longtemps", en se diffusant progressivement aux services après s'être concentrée sur l'énergie et l'alimentation, résume la banque centrale française.
C'est toutefois moins que ce que subissent d'autres pays européens, le bouclier tarifaire sur l'énergie appliqué en France ayant notamment permis de limiter l'impact de la hausse des prix.
Perte de pouvoir d'achat
Au total, la guerre en Ukraine et ses conséquences engendreraient donc une perte de 2 points de PIB entre 2022 et 2024 en France, ainsi qu'une hausse de 3,5 points de l'inflation, estime la Banque de France. Pour les ménages, cela se traduirait par une perte de pouvoir d'achat d'environ 1% cette année, tandis que les entreprises verraient leur taux de marge amputé de 2 points, soit deux fois moins que ce qu'elles avaient subi lors de la forte inflation des années 70.
Mais la banque centrale prévient que des risques existent qui pourraient venir noircir ce tableau déjà obscurci. Dans un scénario "défavorable", marqué par une poursuite du conflit en Ukraine l'an prochain avec son intensité actuelle et un durcissement des tensions sur les prix de l'énergie, elle estime que la croissance ne serait plus que de 1,5% cette année. Le PIB reculerait même de 1,3% en 2023, avec une récession "qui commencerait dès 2022, même si cela ne se refléterait pas dans le PIB" annuel.
Toujours dans ce scénario, l'inflation atteindrait 6,1% cette année, puis 7% en 2023, avant de freiner brutalement à 0,7% en 2024.