Et si vous amélioriez vos connaissances financières en jouant?

Le jeu de société Dilemme est une initiative de l'association Cresus, qui lutte contre le surendettement et promeut l'éducation financière auprès du grand public. - Cresus
"Plus tard, je veux être homme d'affaire!" affirme d'un ton décidé Takkieddine, 14 ans. L'ambition chevillée au corps, ce collégien participe avec sept camarades à un atelier d'éducation financière sous forme... de jeu de société, une formule qui fait florès. Un joyeux brouhaha règne au trente-quatrième étage de l'une des tours Société Générale, dont le siège surplombe le quartier d'affaire parisien de La Défense. Le groupe bancaire accueille cet atelier dans le cadre d'une journée de découverte du monde de l'entreprise.
Sur une table, un imposant plateau de jeu est déployé et les huit élèves du collège Louise-Michel de Clichy-sous-Bois rangent soigneusement des faux billets, s'inquiètent du poids de leurs charges fixes et définissent une enveloppe pour satisfaire des dépenses dites "plaisir".
Apprendre à gérer un budget
Ce jeu de société, baptisé Dilemme, est une initiative de l'association Cresus, qui lutte contre le surendettement et promeut l'éducation financière auprès du grand public. L'objectif? Apprendre à gérer un budget mensuel, se familiariser avec les notions économiques de base et préparer le jeune "homo oeconomicus" aux décisions de sa vie future.
Souscrire une complémentaire santé? Faire des heures supplémentaires pour gagner davantage en fin de mois? Utiliser des ampoules basse consommation pour réduire le montant de ses charges? Nombre de problèmes du quotidien sont passés en revue.
Autour de la table, les collégiens prennent un plaisir manifeste à se frotter à "la vraie vie", mais en découvrent aussi les inévitables servitudes: "hé, mais en fait on paye tout le temps!", s'écrit l'un d'eux peu après le début de la partie.
Recourir au jeu, "ça change tout, on peut s'amuser et en même temps apprendre", explique à l'AFP Martine Prélot, ambassadrice à Dilemme, soulignant qu'"on n'apprend pas forcément dans le milieu scolaire l'éducation budgétaire".
Initier les écoliers et les étudiants
L'apprentissage par le jeu a fait ses preuves dans de nombreux domaines et de plus en plus d'organisations y ont recours pour promouvoir l'éducation financière, matière souvent jugée rébarbative et trop complexe aux yeux du grand public.
Depuis quelques années, la Fédération bancaire française (FBF) organise ainsi une opération "Un banquier dans ma classe", qui invite des écoliers à participer à un jeu de plateau collaboratif pour s'initier aux notions de budget, de moyens de paiement ou encore d'épargne.
La Banque de France a quant à elle lancé depuis quelques mois "Aventure Entrepreneur", jeu de plateau destiné aux élèves, étudiants et jeunes entrepreneurs souhaitant s'initier à la gestion d'entreprise et à l'analyse financière. "On cherchait une manière différente de présenter des concepts économiques et financiers, plus ludique et plus accessible", explique à l'AFP Sylvie Bonneau, chargée de mission à la Banque de France et créatrice du jeu.
"On a un succès incroyable sans faire plus de publicité que ça", affirme Sylvie Bonneau. L'intérêt est tout particulièrement vif parmi les écoles d'ingénieur, IUT et universités en quête d'une approche neuve sur les questions financières, explique-t-elle. Au total, 500 boîtes du jeu ont déjà été vendues depuis le début de sa commercialisation fin 2018.
Les Français fâchés avec les pourcentages et la règle de trois
À la Banque de France, cette thématique est prise très au sérieux, comme en témoigne la création récente d'une direction de l'éducation financière, rassemblant les initiatives pédagogiques à destination des particuliers et des créateurs d'entreprises.
Selon un récent sondage réalisé pour la Banque de France, plus des deux tiers des Français interrogés estiment en effet avoir un niveau de connaissance moyen ou faible concernant les questions financières. Mais "les dirigeants d'entreprise, et notamment des petites et moyennes entreprises, manquent aussi souvent de culture économique et financière", déplore Sylvie Bonneau.
"Il y a un intérêt pour l'économie en France, mais tout à la fois une méfiance et une certaine détestation vis-à-vis de tout ce qui est financier et de l'économie de marché de manière plus générale, qu'on retrouve moins dans d'autres pays", relève Daniel Haguet, professeur à l'EDHEC Business School et docteur en finance comportementale.
"Il y a aussi une mauvaise maîtrise de l'outil du chiffre, du pourcentage rapporté à un autre pourcentage ou par exemple des règles de trois", d'où une difficulté à se confronter aux questions économiques pratiques, souligne le chercheur.