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En France, un immigré sur trois se considère surqualifié pour son job

S'ils étaient embauchés à leur niveau de qualification, les immigrés feraient gagner 0,6 point de PIB à l'économie française, selon l'OCDE.

S'ils étaient embauchés à leur niveau de qualification, les immigrés feraient gagner 0,6 point de PIB à l'économie française, selon l'OCDE. - Kenzo Tribouillard - AFP

Un tiers des immigrés a le sentiment d'être surqualifié par rapport au métier qu'il exerce. Même avec une meilleure maîtrise du français, leur situation ne s'améliore qu'à la marge. Pourtant, s'ils étaient embauchés à leur niveau de qualification, l'économie française en profiterait.

"Combien de gens aujourd'hui ne font pas le job de leurs rêves?", s'interrogeait Muriel Pénicaud fin septembre. La ministre du Travail pensait-elle aussi aux immigrés qui travaillent en France?

Parmi les actifs (les personnes en âge de travailler, soit les 15-64 ans) qui résident dans l'Hexagone, un sur dix est né à l'étranger de nationalité étrangère, soit 2,7 millions de personnes.

Travailler n'est pas la principale raison de leur venue en France -une grande majorité (61%) évoque en priorité des raisons familiales. Mais à leur arrivée ils sont confrontés à "la nécessité de travailler rapidement" et cette situation "peut conduire les immigrés à accepter des emplois dans lesquels ils ont le sentiment d’être surqualifiés", écrit l'Insee dans une étude publiée ce mercredi.

Pour leur premier job 85% sont ouvriers ou employés

En effet, 36% des immigrés de 15 à 64 ans "avaient le sentiment d'être surqualifiés" pour le premier job qu'ils ont occupé après leur arrivée en France, "par rapport à leur niveau d'études, leur expérience et leurs compétences", révèle l'Insee.

Il faut dire que pour 85% des immigrés arrivés à l'âge de 15 ou plus occupaient un poste d'employé ou d'ouvrier pour leur premier emploi, malgré un niveau d'étude plus élevé pour certains. Ils sont près de six sur dix à être titulaires d'un diplôme au moins supérieur au brevet des collèges. Dans le détail, 31% ont l'équivalent du CAP, BEP ou Bac et 27% ont fait des études supérieures (Bac + 2 ou plus). La moitié a obtenu son diplôme en France.

Mieux maîtriser le français, la solution?

Cette situation peut-elles s'expliquer par le niveau de maîtrise de la langue française des immigrés? Lorsqu'ils ont obtenu leur premier job, plus de quatre sur dix déclarent qu'ils ne parlaient pas ou peu français.

Certes, "la facilité pour trouver un premier emploi est globalement peu liée à la maîtrise de la langue", observe l'Insee, même si des disparités existent selon les sexes. Mais pour progresser dans sa carrière et obtenir des postes plus qualifiés, souvent à responsabilité, ce critère prend-il de l'importance?

C'est en tout cas ce que semble penser le gouvernement. La loi Asile-immigration, adoptée par le parlement début août, va doubler dès l'année prochaine le nombre d'heures de cours de français dispensées aux étrangers qui souhaitent s'installer durablement en France. Ce volume horaire va même tripler pour ceux qui ne savent ni lire ni écrire. La France va ainsi se mettre à hauteur de l'Allemagne, souvent citée en exemple dans ce domaine.

Malheureusement, cette mesure ne pourrait améliorer la situation qu'à la marge. Depuis leur premier emploi, les immigrés interrogés dans l'enquête de l'Insee déclarent avoir fait des progrès en français (voir graphique ci-dessous). Plus que 15% environ déclarent avoir une faible maîtrise de la langue. Pourtant, la proportion de personnes qui se considèrent surqualifiées par rapport à leur job ne baisse que de 3 points (33%), seuls 17% des nationaux ont ce sentiment.

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Insee maîtrise du français.png © -

De plus en plus d'immigrés diplômés du supérieur

Les immigrés seraient-ils alors victimes d'une discrimination à l'embauche? Certains doivent le penser puisque, parmi les immigrés actifs qui ont obtenu la nationalité française à partir de leur majorité, 34% a déclaré "qu’ils avaient acquis la nationalité française pour avoir un emploi plus intéressant ou une meilleure carrière".

L'Insee ne donne pas de réponse définitive. Le taux de chômage des immigrés explique aussi cette situation. Si trouver un emploi est déjà une tâche complexe pour certains nationaux, ça l'est encore plus pour les immigrés. En France, le taux de chômage s'élève à environ 9%, mais il culmine à 20% pour les immigrés et même 25% si on exclut les ressortissants de l'Union européenne.

Pourtant, si les immigrés étaient embauchés à leur niveau de qualification cela ferait gagner 0,6 de point de PIB à la France, selon l'OCDE. Et ce chiffre pourrait être plus élevé dans les années à venir. Car l'Hexagone accueille plus d'immigrés très qualifiés. En effet, parmi ceux arrivés avant 1998, 21% étaient diplômés de l'enseignement supérieur alors que ceux arrivés après cette date sont 33%.

Jean-Christophe Catalon