BFM Business
Economie et Social

Le CPF finance pour 453 millions d'euros par an des bilans de compétences et des permis de conduire: le gouvernement réfléchit à tailler dans ses dépenses

Faire un bilan de compétences nécessite de la rigueur, de la motivation et de l’organisation

Faire un bilan de compétences nécessite de la rigueur, de la motivation et de l’organisation - Gary Burchell / Getty

Le gouvernement souhaite faire le ménage dans le compte personnel de formation. Dans son viseur: les bilans de compétences qui fleurissent sur la plateforme, avec le souci de mieux "piloter la qualité et l'efficacité de la dépense publique".

Coup de rabot en vue sur les bilans de compétences. Alors que le compte personnel de formation (CPF) est dans le viseur du gouvernement en matière de lutte contre la fraude, le ministère du Travail entend faire le ménage sur la plateforme, où les offres destinées aux travailleurs en quête de reconversion fleurissent.

Et pour cause: "Sur le bilan de compétences, côté formateur, il y a un vrai sujet car la qualité est très variable, on cherche donc à mieux encadrer la façon dont la formation est faite", souligne le cabinet d'Astrid Panosyan-Bouvet auprès de BFM Business.

Plafonnement des prises en charge par le CPF

Pour enrayer ces dérives, le ministère étudie à ce jour plusieurs pistes. Comme le plafonnement des prises en charge des bilans de compétences. À combien? "Les plafonds ne sont pas vraiment arbitrés", indique l'entourage de la ministre à BFM Business alors que le journal les Échos avance une fourchette allant de 1.200 à 1.700 euros maximum. "Les chiffres sont les siens et totalement non confirmés à ce stade", insiste néanmoins l'entourage d'Astrid Panosyan-Bouvet.

Les fédérations représentatives des organismes de formation n'ont, selon nos informations, pas encore été sollicitées par le ministère du Travail pour rediscuter des prises en charge des formations du catalogue du CPF, et en particulier des bilans de compétence. "Des rendez-vous devraient se caler d'ici fin août ou début septembre", indique à BFM Business Garance Yverneau, secrétaire générale des Acteurs de la compétence.

"Des bruits de couloirs annoncent le plafonnement des prises en charge des bilans de compétences, ce qui serait catastrophique pour le secteur", s'inquiète-t-elle.

Une telle mesure pénaliserait les travailleurs alors que "un actif sur deux envisage ou doit faire un plan d'actions pour une reconversion professionnelle", compte tenu des "mutations économiques" comme la "transition écologique" et "l'intelligence artificielle", souligne Garance Yverneau auprès de BFM Business. "Le risque en plafonnant les montants pris en charge, c'est de baisser la qualité des bilans de compétences", alerte Bérénice Le Pêcheur, présidente de la Fédération française des professionnels de l'accompagnement et du bilan de compétences (FFPABC).

"Et puis, il faut rappeler quand même que le bilan de compétences ne représente que 7,3% des montants dépensés par le CPF", appuie la secrétaire générale des Acteurs de la compétence. En 2023 selon les chiffres de la Caisse des dépôts qui gère le CPF, 165 millions d'euros ont été dépensés dans des bilans de compétences. Soit 1,7 fois moins que les 288 millions d'euros dépensés dans le permis B.

Limiter la fréquence des bilans de compétences financés par le CPF

Autre piste à l'étude: réduire la fréquence des bilans de compétences réalisés grâce au financement du CPF. "On n'en fait pas tous les quatre matins, donc on réfléchit à instaurer un délai minimum entre deux bilans de compétences", admet le ministère du Travail et de l'Emploi auprès de BFM Business. "Sauf cas exceptionnel où une personne aurait réalisé un bilan de compétences avec un organisme peu qualitatif, on ne voit pas d'objection à espacer les bilans pris en charge", commente Bérénice Le Pêcheur.

Pour autant, si Les Échos avancent une durée minimum de 5 ans, celle-ci "n'est pas du tout arbitrée", insiste-t-on. Cette durée rappelle pourtant d'anciennes règles, qui étaient en vigueur avant la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018. "Avant cette loi, les bilans de compétences étaient financés par des organismes paritaires collecteurs agréés, comme Fongecif qui était le plus répandu. Et cet organisme limitait, le plus souvent, les financements à un bilan tous les cinq ans", se souvient la présidente de la FFPABC.

Enfin, s'agissant toujours du bilan de compétences, le ministère du Travail songe à imposer aux organismes financés par le CPF un nombre d'heures plancher. Une manière, selon l'entourage d'Astrid Panosyan-Bouvet, de garantir la qualité des bilans financés grâce au CPF. "L'impératif pour nous, c'est que chaque euro dépensé soit sur une formation de qualité, au bénéfice des formateurs vertueux et au bénéfice de tius les citoyens", confie-t-on.

Réduire la voilure sur le permis de conduire

Et ce n'est pas tout. Au delà du seul bilan de compétences que le gouvernement entend sérieusement réguler, il est aussi question de réduire voilure sur le financement, par le CPF, des permis de conduire. Comme pour le bilan de compétences, un plafonnement de la prise en charge est à l'étude. Là encore, "les chiffres ne sont pas arbitrés", insiste le ministère, alors que les Échos dévoilent une fourchette de 700 à 1.000 euros. A eux deux, bilans de compétences et permis de conduire représente 453 millions d'euros de financement par le CPF.

En revanche, il n'est a priori pas question de plafonner les prises en charge des autres formations disponibles dans le catalogue du CPF, ni de limiter la fréquence des formations réalisées à l'aide du CPF, à l'exception du bilan de compétences.

Pour rappel, depuis le 2 mai 2024, une participation forfaitaire est toutefois imposée aux bénéficiaires d'une formation financée à l'aide de leur CPF. D'un montant initial de 100 euros, elle a été indexée sur l'inflation est revalorisée à 102,23 euros au 1er janvier 2025. Autrement dit, pour une formation tarifée à 1.000 euros, le reste à charge du bénéficiaire s'élève au moins à 102,23 euros, voire plus s'il ne dispose pas des fonds suffisants sur son CPF.

Caroline Robin