BFM Business
Des paquets de chips de la marque Brets.

BFM Business

Tartiflette, pastis et côte de bœuf: comment le roi breton des chips Brets imagine ses nouvelles saveurs

Avec leurs saveurs originales, les chips Brets ont conquis les supermarchés français. BFM Business s'est rendu en Bretagne, dans l'une des usines du groupe Altho, pour découvrir les coulisses de la production.

"Au nez, j'ai une note viandée un peu grasse", constate Manon, jetant un regard sur le tas de chips au milieu de la table. Dans les locaux du groupe Altho, en plein milieu de la Bretagne, l'ingénieure en recherche et développement est occupée à déguster quelques propositions de nouvelles chips aromatisées, en compagnie de trois autres collègues. À ce moment-là, un assaisonnement de "poulet laqué aux épices" est présenté sur la table. S'il passe toutes les étapes nécessaires, ce dernier pourrait peut-être rejoindre la florissante gamme de l'entreprise bretonne. Méconnu du grand public, le groupe Altho abrite en effet le nouveau roi français des chips: Brets.

Pesto-mozzarella, aïoli, côte de bœuf: impossible de passer à côté des chips Brets à l'heure de l'apéritif. "Il y a des soirées où les gens viennent avec plein de paquets pour les faire goûter", avance le patron Laurent Cavard, avec un sourire. La marque a conquis une large clientèle avec ses saveurs originales, parfois osées, souvent franchouillardes, auxquelles s'ajoutent une promesse d'arômes naturels et un positionnement tarifaire abordable -de quoi plaire aux jeunes adultes, sa cible favorite. En forte croissance sur le marché français, Brets n'est plus qu'à quelques points du leader Lay's*, propriété du géant américain Pepsico, et espère lui ravir la place d'ici peu.

Stars des réseaux sociaux

Cet été, l'engouement autour du goût "pastis" lui a valu un nouveau coup de projecteur et quelques ruptures dans les magasins. Ces chips anisées ont été taillées sur mesure pour la belle saison. "C'est un produit qui a fait parler de la marque", comme "lorsque nous avions sorti les chips saveur 'marine", au goût d'huître, en 2012", note le dirigeant. Les chips "tartiflette", elles, avaient apporté une touche montagnarde à l'été 2023.

Sans surprise, Brets cartonne sur les réseaux sociaux. Faute de pouvoir se payer une campagne publicitaire à la télévision, et "partant du constat que les jeunes ne la regardent plus beaucoup", selon les mots de Laurent Cavard, Brets a misé sur Instagram et Tiktok pour gagner de nouveaux adeptes. Si quelques influenceurs ont été sollicités pour des collaborations ponctuelles, l'entreprise assure toutefois qu'un "élan de sympathie" s'est créé spontanément autour de Brets et de ses paquets colorés, identifiables au premier coup d'œil. Les stars de Youtube McFly et Carlito, pour citer l'exemple le plus connu, ont demandé à visiter l'usine de leur propre chef.

Fondée en 1995, l'entreprise s'est longtemps concentrée sur la marque de distributeur (MDD), des produits vendus sous les couleurs de Leclerc, Intermarché ou Lidl. Sa marque propre Brets se contentait de 15% des volumes en 2009, avant que les ventes ne décollent dans la décennie suivante. Aujourd'hui, elle assure 50% des volumes. Le chiffre d'affaires du groupe Altho, au cours de la première partie de son existence, a ainsi été presque entièrement assuré par les MDD, laissant le champ libre à la marque Brets pour prendre des risques et bâtir son image.

"C'est vraiment par l'innovation que nous avons pu nous différencier" des concurrents, confirme Laurent Cavard.
Des chips de la marque Brets en cours de fabrication dans l'usine bretonne du groupe Altho.
Des chips de la marque Brets en cours de fabrication dans l'usine bretonne du groupe Altho. © BFM Business

Pour y parvenir, Altho s'appuie sur des entreprises extérieures, spécialisées dans les mélanges aromatiques pour l'industrie agroalimentaire. Tout au long de l'année, ces aromaticiens se succèdent en Bretagne pour apporter leurs dernières propositions, à partir des indications données par Altho ou de leurs propres suggestions. Charge aux services R&D et marketing de faire le tri.

"Il y a des idées qui sont parfois un peu trop en avance ou trop décalées", explique Laurent Mollard, directeur recherche et développement (R&D) d'Altho.

Lorsqu'une idée interpelle le groupe breton, elle passe à l'épreuve de plusieurs dégustations internes au fil des ajustements nécessaires.

Une séance de dégustation, au sein du groupe Altho, de nouvelles propositions de saveurs pour la gamme de chips aromatisées Brets.
Une séance de dégustation, au sein du groupe Altho, de nouvelles propositions de saveurs pour la gamme de chips aromatisées Brets. © BFM Business

Bientôt des chips "gratin dauphinois"?

Ce mardi-là, des chips "gratin dauphinois" suscitent la curiosité des quatre salariés du groupe Altho autour de la table, parmi lesquels Laurent Mollard. L'équipe est unanime: la proposition est intéressante, mais il faut la retravailler pour lui donner un goût plus "gratiné". Certains pensent qu'il manque aussi un peu de muscade. Un nouvel aller-retour sera nécessaire avant d'avoir un feu vert pour l'étape suivante, celle des tests consommateurs. Régulièrement, des petits groupes de clients sont invités à évaluer et noter les différentes propositions sélectionnées par Altho. Quelques-unes traversent toutes les mailles du filet et finissent, enfin, dans les rayons des supermarchés.

"De temps en temps, des produits créent des déceptions", reconnaît Laurent Cavard. "C'est normal: statistiquement, il y a deux innovations sur trois qui ne marchent pas dans un processus d'innovation."

Certains nouveaux produits ne rencontrent pourtant pas leur public. "Très souvent, c'est parce qu'on ne s'est pas positionné nous-mêmes comme étant le consommateur lambda", en étant parfois "trop pointus", souligne Laurent Cavard, citant l'exemple des paquets de chips au goût de "pommes de terre rôties, ail et romain". La saveur avait obtenu l'une des meilleures notes lors des tests consommateurs, mais l'équipe n'a pas réussi à trouver le nom adéquat pour le produit, ni la bonne illustration sur l'emballage. Le client final, dans les magasins, ne s'y est pas intéressé. "Au bout de 18 mois, on a retiré le produit du marché, alors qu'il était super bon", se souvient-il.

Un paquet de chips au "fromage du Jura" de la marque Brets et un paquet de chips au "fromage du Jura et poivre noir" de la marque Lays.
Un paquet de chips au "fromage du Jura" de la marque Brets et un paquet de chips au "fromage du Jura et poivre noir" de la marque Lays. © BFM Business

La gamme évolue continuellement au fil des entrées des innovations et des sorties des références vieillissantes (avis aux adeptes: "chili et pointe de menthe" ne devrait pas tarder à disparaître). D'autant plus que la concurrence est rude entre les grandes marques sur le segment des chips aromatisées, car la création de valeur s'y concentre, les marques de distributeurs ayant raflé la mise sur les chips nature. La saveur "fromage du Jura", best-seller de Brets, a logiquement suscité quelques vocations dans les rayons: Lay's a lancé ses propres chips au "fromage du Jura" avec un packaging très ressemblant, de même pour les chips Vico au "fromage de Franche-Comté".

50.000 tonnes de chips cette année

Environ 50.000 tonnes de chips, tous circuits confondus, seront sorties des usines du groupe Altho en 2024 –soit une chips sur deux consommée en France. Mais il ne parvient plus, pour l'heure, à répondre à toutes les sollicitations.

"Nos outils de production sont saturés", explique Laurent Cavard, qui craint "d'ouvrir la porte à des concurrents étrangers" sur les marques de distributeurs.

Une troisième usine est donc en train d'être construite juste en face du site de production historique de Pontivy. La première phase du projet, qui a nécessité 80 millions d'euros d'investissement, ajoutera 15.000 tonnes de capacité de production supplémentaire à l'horizon 2026.

*Selon les chiffres du panéliste NielsenIQ fournis par le groupe Altho, Brets possédait 18,9% de parts de marché sur la P11 2024 (c'est-à-dire la 11ème période de 4 semaines de l’année, sur 13 périodes) contre 24,9% pour Lay's. Les marques de distributeurs (MDD) occupaient 38,9% de parts de marché.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV