TOUT COMPRENDRE - Les cryptomonnaies sont-elles vraiment anonymes?
Alors qu’Edward Snowden a contribué au lancement du ZCash, la cryptomonnaie anonyme, BFM crypto vous propose de faire le point sur la différence entre les cryptomonnaies anonymes et pseudonymes.
• Pourquoi parle-t-on de cryptomonnaies pseudonymes et anonymes?
On croit souvent à tort que les cryptomonnaies sont anonymes. Ce n'est pas le cas. En réalité, elles sont "pseudonymes".
"Les cryptomonnaies fonctionnent sur des grands registres publics et immuables, appelés des blockchains. N'importe qui peut consulter l'historique complet des transactions des cryptomonnaies qui utilisent des blockchains publiques, comme le bitcoin”, explique Kim Grauer, directrice de la recherche chez Chainalysis.
“Cela signifie que les cryptomonnaies sont plus transparentes que la plupart des formes traditionnelles de transfert de valeur”, ajoute ce dernier.
Lorsqu'un utilisateur détient des cryptomonnaies comme le bitcoin ou l'ether, il possède une adresse publique (un peu comme un RIB en français). Cette adresse publique est une suite de chiffres et de lettres qui lui permet de réaliser des transactions sur la blockchain, c'est à dire d'envoyer et de recevoir des cryptomonnaies sur cette même adresse.
La cryptomonnaie est dite pseudonyme car il est possible de suivre sur la blockchain l'adresse publique d'un utilisateur - considérée comme un pseudonyme - qui répertorie toutes les transactions effectuées par ce dernier.
En revanche, une cryptomonnaie anonyme permet, comme son nom l'indique, de réaliser des transactions de manière privée grâce à une technologie de cryptage. Par conséquent, les adresses des utilisateurs ou encore les montants de leurs transactions sont cryptés et donc non visibles.
Dans l'univers des cryptomonnaies, les cryptomonnaies anonymes restent minoritaires (Monero, Zcash…) et s'opposent aux cryptomonnaies dites pseudonymes, telles que bitcoin et ethereum, dont les transactions sont consultables sur leur blockchain respective. Pour rappel, une blockchain regroupe tous les blocs (transactions) d'un réseau, du plus ancien au plus récent. De même, il existe des explorateurs de blocs, comme ETH scan, qui permettent de regarder toutes les transactions sur la blockchain, avec toutes les adresses.
• Quels sont les problèmes soulevés par le caractère anonyme ou pseudonyme des cryptomonnaies?
On l'aura compris: même si les blockchains gardent en mémoire les transactions, il demeure difficile de savoir quels services se cachent derrière les transactions sur la blockchain, car elles sont pseudonymes. Mais la difficulté monte encore d'un cran lorsqu'elles sont anonymes.
“Ainsi, les enquêteurs ont besoin de données fiables attribuant ces adresses à des services et des organisations afin de tirer des enseignements exploitables des enregistrements de transactions des blockchains. Des attributions d'adresses incorrectes ou absentes [liées au caractère anonyme, ndlr] et des malentendus sur la façon dont les entreprises de cryptomonnaies gèrent les fonds peuvent conduire les enquêteurs à de fausses conclusions”, souligne Kim Grauer.
En clair, les cryptomonnaies anonymes posent davantages de difficultés pour remonter à la source des transactions.
Par nature, les blockchains sont transparentes et traçables. Même si l'on considère les technologies conçues pour brouiller les pistes, comme les cryptomonnaies anonymes et les dispositifs dits de "mixing", il est très difficile de développer une confidentialité totale.
“Les blockchains fonctionnent comme un grand registre immuable. Cela signifie que les preuves de transactions criminelles existeront toujours. Si quelqu'un trouve le moyen de visualiser les transactions en cryptomonnaie privée ou de 'démêler' les dispositifs de brouillage, tout acte criminel constaté pourra faire l'objet d'une enquête rétroactive et éventuellement de poursuites”, explique De Kim Grauer.
• Pourquoi les institutions parlent principalement d'anonymat plutôt que de pseudonymat?
Sur la page web du site de Bercy, à la question de savoir quels sont les risques associées aux cryptomonnaies, l’organisme répond que “par leur caractère anonyme, les cryptoactifs favorisent le contournement des règles relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux ou peuvent participer au financement du terrorisme ou d'activités criminelles.”
De son côté, Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d’argent et de financement du terrorisme de Bercy, précise dans une lettre publiée en mars 2022 parle de "l’anonymat dont est porteur la plupart des projets d’actifs numériques".
De même, début avril, les députés des commissions des affaires économiques et monétaires et des libertés civiles du Parlement européen ont adopté une proposition sur la règlementation TFR.
"Les flux illicites de cryptoactifs passent majoritairement inaperçus à travers l'UE et le monde, ce qui en fait des instruments idéaux pour garantir l'anonymat. Comme l'ont montré les scandales du passé sur le blanchiment de capitaux, allant des Panama Papers aux Pandora Papers, les criminels se multiplient là où l'anonymat est garanti en raison des règles de confidentialité. Avec cette proposition de législation, l'UE comblera cette lacune”, a déclaré Ernest Urtasun (Verts/ALE, ES), co-rapporteur de la commission des affaires économiques et monétaires.
Plus précisément, le texte de la règlementation fait référence à deux reprises au terme anonymat, et aucune mention du pseudonymat. “La portée mondiale, la rapidité avec laquelle les transactions peuvent être effectuées et l'éventuel anonymat offert par leur transfert, rendent les cryptoactifs particulièrement attrayants pour les criminels qui cherchent à effectuer des transferts illicites entre juridictions et à opérer au-delà des frontières nationales”, souligne le texte en cours de négociations.
Selon nos informations, la référence à la notion d’anonymat plutôt que de pseudonymat serait par soucis de clareté et de lisibilité du discours des différentes instances.
Le pseudonymat ne serait pas "suffisant" pour comprendre qui sont les utilisateurs détenteurs de cryptomonnaies, et donc dans certains cas de figure n'aide pas à lutter contre le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme.