"Les décisions venaient des Bahamas": l'ancien patron de FTX US charge Sam Bankman-Fried

Alors qu'il dirigeait la filiale américaine de FTX, Brett Harrison s'est retrouvé à de nombreuses reprises en conflit avec l'ancien patron du géant américain. Il a fini par démissionner fin septembre.

Brett Harrison, son nom ne vous dit peut-être rien et pourtant il était aux commandes de la filiale américaine du géant FTX pendant dix-sept mois. Ce dernier a quitté son poste le 27 septembre 2022, soit un peu moins de deux mois avant l'effondrement du géant américain. Dans un long thread sur Twitter, Brett Harrison est revenu sur son poste et sur la relation compliquée qu'il a entretenue avec l'ancien patron de FTX, Samuel Bankman-Fried (SBF).

Dès le début du thread, Brett Harrison plante le décor. Sa relation a atteint un "point de détérioration totale, après des mois de disputes sur les pratiques de gestion chez FTX", déclare-t-il.

Il avait rencontré SBF au sein de la société Jane Street, au même titre que l'ancienne patronne d'Alameda Research, Caroline Ellison.

"Je connaissais Sam comme un trader junior consciencieux à Jane Street, qui avait bien réussi le cours de programmation pour les traders que j'y ai enseigné, dans lequel il avait été mon élève", explique-t-il.

Brett Harrison avait tapé dans l'oeil de SBF qui lui proposera en mars 2021 de rejoindre l'aventure FTX, qu'il lance trois mois après, au mois de mai. Ce dernier avait été recruté pour développer la branche américaine de FTX, avec tout à construire, en terme de clients, de partenariats, de relations avec les régulateurs. Un "job de rêve" sur le papier, qui s'est avéré au fil des mois une vraie désillusion.

Une volonté de toute puissance

Assez rapidement, Brett Harrison observe une volonté de toute puissance de la part de SBF. "J'ai remarqué que même si Sam était rarement engagé dans les affaires américaines, les décisions ayant un impact sur les États-Unis venaient, sans avertissement, des Bahamas", explique Brett Harrison.

En effet, SBF avait choisi d'établir le siège social de FTX aux Bahamas, où les conditions peuvent être plus favorables au développement des sociétés cryptos. A partir de là, des "fissures" se sont créées entre les deux hommes.

Brett Harrison a par ailleurs commencé à "plaider" pour établir une séparation et une indépendance des équipes "exécutives, juridiques et de développement de FTX US". Une demande qui s'est heurtée au refus de SBF, qui a commencé à changer de personnalité.

"Il n'était pas d'accord"

"J'ai vu dans ce premier conflit son insécurité totale et son intransigeance quand ses décisions étaient remises en cause, sa méchanceté et les changements de son tempérament. J'ai réalisé qu'il n'était pas celui dont je me souvenais", admet-il.

Selon ce dernier, SBF aurait pris de nombreuses décisions avec lesquelles il "n'était pas d'accord", envenimant les relations entre les deux hommes au point que Brett Harrison ait été coupé de toute communication avec l'équipe dirigeante de FTX. Dans une plainte écrite déposé en avril 2022 sur les problèmes de gestion et d'organisation de la société, il demandait plus de transparence et une meilleure séparation des responsabilités.

Outre les problèmes organisationnels pointés, également révélés dans les premiers documents juridiques partagés par le nouveau patron de FTX John Ray III, Brett Harrison précise néanmoins qu'il était loin d'imaginer la relation étroite entre Alameda Research et FTX, qui ont conduit à la chute du géant le 11 novembre dernier.

"Je n'aurais jamais pu deviner que sous-jacent à ce genre de problèmes - que j'avais vus dans d'autres entreprises plus matures au cours de ma carrière et que je pensais ne pas être fatals au succès de l'entreprise - se cachait une fraude de plusieurs milliards de dollars", explique ce dernier.

Une filiale stratégique

Pour rappel, le géant FTX s'est effondré le 11 novembre dernier, avec toutes ses filiales notamment américaine et japonaise. La filiale américaine de FTX était une entité stratégique. Dans un post publié la semaine dernière, SBF a expliqué que "FTX US reste entièrement solvable".

"Lorsque j'ai transmis FTX US à M. Ray et à l'équipe du chapitre 11, il disposait d'environ 350 millions de dollars de liquidités nettes en plus des soldes des clients. Il est ridicule que les utilisateurs de FTX US n'aient pas encore été rétablis et n'aient pas encore récupéré leurs fonds", a écrit SBF.

D'abord emprisonné aux Bahamas, Sam Bankman-Friend (SBF) a été extradé aux Etats-Unis puis libéré contre une caution de 250 millions de dollars. Il est désormais assigné à résidence dans la maison californienne de ses parents.

L'ancien géant FTX doit 3,1 milliards de dollars à ses 50 principaux créanciers, qui passeront en priorité dans le processus de remboursement. Les dettes de FTX se situent entre 10 et 13 milliards de dollars, contre un actif de 2 à 4 milliards de dollars.

Pauline Armandet