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Celsius sera-t-elle le prochain Lehman Brothers?

De plus en plus de facteurs peuvent faire penser que la plateforme de prêts fondée en 2017 a mal géré ses liquidités, courant à sa propre perte.

La société Celsius sera-t-elle le premier Lehman Brothers de l'écosystème crypto? La question peut se poser. Ce qui est certain, c'est que le parallèle entre la crise financière de 2008 et le récent crypto-krach est de plus en plus frappant, si l'on prend le prisme de la liquidité.

"Le problème vient de la course à la liquidité, c’est ce qui a perdu Lehman et ce qui met en faillite certaines sociétés liées à la cryptomonnaie", explique Vincent Boy, analyste chez IG, à BFM Crypto.

En 2008, certaines banques qui n'avaient plus suffisamment de liquidités pour couvrir leurs positions - comme Lehman Brothers - ont fait faillite. Depuis la chute des cryptomonnaies en mai - le bitcoin a perdu 70 % de sa valeur depuis son plus haut à 69.000 dollars en novembre dernier - certaines crypto sociétés sont pointées du doigt pour la mauvaise gestion de leurs liquidités, à l'instar Celsius.

Fondée en 2017, Celsius voulait agir comme "une banque" au sein de l'écosystème des cryptomonnaies, mais des documents consultés par le Wall Street Journal révèlent que la société était loin d'avoir les mêmes garanties qu'une banque en cas de pépin.

Un ratio d'actifs/fonds propres déséquilibré

On apprend notamment que lors de sa dernière levée de fonds de 750 millions de dollars à l'automne dernier, Celsius disposait de 19 milliards de dollars d'actifs et d'environ 1 milliard de dollars de fonds propres (19:1), un ratio clairement disproportionné dans un marché qui se caractérise par sa forte volatilité.

A cette période, Celsius avait un ratio deux fois plus important que le ratio actifs/fonds propres médian d'une banque américaine du S&P 1500, qui est de 9:1 souligne le journal. Les grandes banques "ont souvent des ratios proches de celui de Celsius, mais elles détiennent des actifs beaucoup plus stables et ont accès aux prêts de la banque centrale pour disposer de liquidités", ajoute le journal.

"C'est juste une structure risquée", considère Eric Budish, un économiste de l'école de commerce de l'Université de Chicago. "Elle me semble diversifiée de la même manière que les portefeuilles de prêts hypothécaires étaient diversifiés en 2006", en référence à une caractéristique de la crise financière de 2008. "C'était tout le logement, ici c'est toute la crypto".

Comme beaucoup de crypto-sociétés, Celsius a grandi très vite dans un contexte d'intérêt croissant des utilisateurs vis-à-vis des cryptomonnaies. Celsius avait d'ailleurs prévu que ses dépôts (qui était de 12 milliards avant le gel de ses avoirs le mois dernier) devaient dépasser...108 milliards de dollars en 2023. Elle tablait également sur des revenus de 6,6 milliards de dollars en 2023. C'était avant de prévoir le premier crypto-krach.

Il y a trois semaines, dans un contexte de forte chute des cryptomonnaies, Celsius a indiqué a ses 1,7 million de clients qu'ils ne pouvaient plus ni retirer ni transférer leurs fonds. Elle était considérée comme l'une des plateformes de prêts crypto les plus en vogue du marché.

Cette décision a été justifiée par un besoin de gérer "ses liquidités et ses opérations, tout en prenant des mesures pour protéger les actifs des clients", avait indiqué l'équipe. "Nous avons pris cette mesure afin de mettre Celsius dans une meilleure position pour honorer, à terme, ses obligations de retrait", avait-elle ajouté.

La plateforme de prêts avait réussi à conquérir de nombreux clients, attirés à l"idée de réaliser des rendements allant jusqu'à 18 % en y déposant certaines cryptomonnaies.

Chapitre 11 ou mode "Hold"?

Où en est Celsius actuellement? Selon le média spécialisé The Block, Celsius chercherait à résister aux conseils de ses avocats de faire usage du chapitre 11 de la loi sur les faillites.

"La direction de l'entreprise étant empêchée de se prononcer publiquement en raison des conseils juridiques, Celsius pense que beaucoup de ses clients particuliers préféreraient que l'entreprise évite la faillite, selon des personnes ayant connaissance de la situation. À cette fin, les utilisateurs peuvent montrer leur soutien en activant le "mode HODL" dans leur compte Celsius, ont indiqué ces personnes", explique The Block.

Une banque qui se place sous le chapitre 11 de la loi américaine, ça ne vous rappelle rien? Ce fut le cas de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008.

Pauline Armandet