Tech&Co
Vie numérique

Parcoursup: ce que révèlent les algorithmes publiés par le gouvernement

-

- - -

La mise en ligne du code de Parcoursup permet de mieux comprendre de quelle manière les futurs étudiants sont triés. Certains devront prendre leur mal en patience.

Ce 22 mai à 18 heures, le système Parcoursup rend son premier verdict aux 810.000 élèves de terminale. Pour inaugurer ce nouveau mode de tri, le gouvernement a décidé d’en publier le code sur une plateforme dédiée aux développeurs. Un effort de transparence qui permet de mieux comprendre à quoi seront confrontés les futurs étudiants. Afin de mieux comprendre les lignes de code de Parcoursup, nous nous sommes entretenus avec plusieurs spécialistes de l’informatique et avec Hugo Gimbert, chercheur au CNRS, qui a écrit le code à la demande du ministère de l'enseignement supérieur.

Une plateforme collaborative

Parmi les développeurs consultés, tous saluent l’effort de transparence du gouvernement et notamment l’usage de Framagit, une plateforme participative. Grâce à elle, n’importe quel développeur peut proposer à Hugo Gimbert d’optimiser le code - sans modifier le système en lui-même. “Depuis hier soir, des commentaires provenant de développeurs ont été pris en compte dans les correctifs”, se réjouit Daniel Le Berre, enseignant et chercheur en informatique.

Les développeurs rappellent également la portée des algorithmes de Parcoursup, qui n’ont pas vocation à effectuer la sélection des étudiants dans chaque formation. La charge de choisir les élèves acceptés incombe toujours aux différents établissements, qui peuvent utiliser leurs propres algorithmes (non publiés) ou le faire à la main. Ils ont ensuite pour mission de renvoyer leurs listes de préférences à Parcoursup, qui va les confronter avec les choix des élèves. Dans les faits, Parcoursup ne permettra donc pas à un étudiant de comprendre pourquoi il est refusé par un établissement.

La moitié des élèves dans le doute ?

Sur le fond, le code de Parcoursup confirme en grande partie ce qu’ont avancé les différents membres du gouvernement, notamment sur le nombre d’élèves qui resteront dans l’incertitude ces prochains jours. D’après Jean-Michel Blanquer, la moitié des candidats auront droit à une réponse positive ce 22 mai. Ce qui en laisse 400.000 sur le carreau. A court-terme, la performance est médiocre: la Cour des comptes estime que sans utiliser d’algorithme, 300.000 candidats resteraient sans proposition à l’issue du premier tour. L’an dernier, APB ne laissait que 148.000 candidats sans affectation à l’issue du premier tour.

Ces chiffres défavorables sont liés au principe même de Parcoursup, qui laisse la main sur la sélection aux formations plutôt qu’aux étudiants. “Sur APB, les candidats triaient leurs voeux. En face, les formations triaient les candidats. APB venait faire correspondre ces deux listes en affectant automatiquement les candidats à leurs meilleurs voeux, les faisant disparaître des listes des autres formations” explique Guillaume Ouattara, étudiant en informatique et blogueur invité au monde.

Une prime à la patience

Avec Parcoursup, les candidats n’ont plus à trier leurs voeux. Ce 22 mai, les “meilleurs” d’entre eux seront donc confrontés à une liste de propositions. Ils ont une semaine pour en choisir une. Un délai durant lequel ils occuperont une place dans chaque formation, qui ne profitera pas à un autre. Le code publié confirme la stratégie de Parcoursup pour faire fondre les listes d’attente: lors des premiers tours, les élèves auront une semaine pour se décider. Ce délai se réduira à trois jours à partir du mois de juillet, avant de tomber à quelques heures début septembre.

Dans les faits, le code de Parcoursup, qui offre aux meilleurs élèves du temps pour faire leur choix, implique que ceux qui sont moins bien classés fassent preuve de patience. Pour partir en vacances l’esprit tranquille, nombreux sont ceux qui feront leur choix en juillet, bien qu’une formation plus cotée puisse leur être proposée en août, après la libération de nouvelles places. Les plus patients - ou ceux qui ont la chance de ne pas avoir de contrainte de logement - devraient donc être récompensés.

Les petites formations devront viser large

Si ces délais assureront quelques sueurs froides aux bacheliers, ce sera aussi le cas pour les petites formations, qui ne figurent pas toujours parmi les premiers choix des meilleurs élèves. “Lorsque les responsables d’un BTS informatique de 50 places reçoit 500 candidatures, il sait qu’aucun des 250 premiers n’optera pour sa formation. Il peut donc choisir d’attendre plusieurs semaines pour récupérer ses premiers élèves, ou faire de l’overbooking, qui consiste à proposer 300 places. Mais si 80 candidats choisissent sa formation, l’établissement devra tous les accueillir à la rentrée” précise Guillaume Ouattara.

Par ailleurs, les algorithmes intègrent également leur propre tri, qui va s’ajouter à la sélection des différentes formations. Le but est de tenir compte des contraintes liées aux quotas de boursiers et de non-résidents. Autrement dit, un élève boursier pourra passer devant un élève non boursier dans l’ordre d’appel, bien que ce dernier soit préféré par une université. A l’inverse, un élève non-résident pourra être rétrogradé derrière un autre élève, même si le profil de ce dernier est moins intéressant.

“Le code est là pour appliquer la loi”

Joint par BFM Tech, Hugo Gimbert, qui a travaillé sur les algorithmes et le code de Parcoursup, rappelle que sa première contrainte est de traduire les décisions politiques en langage informatique.”Avec Claire Mathieu [directrice de recherche au CNRS, ndlr], nous sommes arrivés sur le projet à l’automne 2017. Des arbitrages avaient déjà était faits et nous devions concevoir des algorithmes capables de faire appliquer la future loi. Le code est là pour appliquer la loi” rappelle Hugo Gimbert.

Malgré la publication du code, certains développeurs restent cependant dubitatifs. Vincent Devillers, développeur et consultant en big data, regrette l’absence de données liées à l’interface, qui auraient permis de mieux comprendre l’utilisation concrète de Parcoursup. Il évoque notamment l’impossibilité de procéder à des simulations. Des tests qui ont été effectués par les équipes de Parcoursup. “Nous avons réalisé des simulations avec des scénarios optimistes et pessimistes. La majeure partie des propositions et acceptations se feront dans les dix jours qui viennent. La situation devrait se clarifier lors des écrits du bac”, promet Hugo Gimbert. Le chercheur réfléchit par ailleurs à l'organisation d'un hackathon, un événement durant lequel des développeurs pourraient tester le code en conditions réelles.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co