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Lagardère conclut la vente de ses magazines à Czech Media Invest

Arnaud Lagardère ne garde que 'Paris match' et 'le Journal du dimanche'

Arnaud Lagardère ne garde que 'Paris match' et 'le Journal du dimanche' - AFP Eric Piermont

INFO BFMTV. Après six mois de négociations exclusives, Lagardère est sur le point de signer la vente de ses sept magazines (Elle, Télé 7 jours...) à l'oligarque tchèque Daniel Kretinsky.

Enfin! Il y a six mois, Lagardère annonçait des négociations exclusives pour vendre ses magazines au groupe Czech Media Invest de l'oligarque tchèque Daniel Kretinsky.

L'accord de cession est quasiment finalisé, et devrait être signé dans les semaines qui viennent. Le prix de cession s'élèverait à plus de 50 millions d'euros. Après consultation des représentants du personnel, le rachat pourrait être finalisé en janvier 2019. 

En pratique, sept magazines changent ainsi de main: Elle, Version Femina, Art & Décoration, Télé 7 Jours, France Dimanche, Ici Paris et Public. L'ensemble emploie 700 salariés et réalise une dizaine de millions d'euros de profits, sur un chiffre d'affaires estimé par Oddo à 265 millions d'euros. Le groupe d'Arnaud Lagardère ne conserve que Paris Match, le Journal du Dimanche, et la marque Elle, commercialisée sous licence.

Déjà 12 départs à Marianne

Czech Media Invest a déjà bouclé le rachat de Marianne, pour moins de 5 millions d'euros. L'hebdomadaire (24 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2015) était détenu à 86% par Yves de Chaisemartin, et était en redressement judiciaire depuis fin 2017. Initialement, Czech Media Invest avait annoncé "demander à Yves de Chaisemartin de garder les fonctions de PDG et directeur de la publication". Mais finalement Yves de Chaisemartin a annoncé son départ le 3 septembre. Sur les 46 salariés, 12 ont déjà choisi de prendre leur clause de cession. A commencer par le directeur de la rédaction Renaud Dely, remplacé par Natacha Polony. 

Petit empire de presse

Pendant ce temps, Daniel Kretinsky dessine les contours de son petit empire de presse français, qui regroupera donc Marianne et les magazines de Lagardère (qui devraient toutefois rester chacun dans leurs locaux actuels). La direction devrait être assurée par Claire Léost, directrice générale des publications "grand public" de Lagardère Active. Un autre vétéran de Lagardère, Richard Lenormand, serait le directeur financier.

Le conseil d'administration comprendra plusieurs représentants de Czech Media Invest, dont Etienne Bertier, qui conseille depuis plusieurs années Daniel Kretinsky pour ses rachats dans l'énergie. Mais un poste d'administrateur devrait être réservé à Yves de Chaisemartin ou à Denis Olivennes, patron de Lagardère Active sur le départ. La rumeur d'une délocalisation en République tchèque de l'impression des magazines est fermement démentie par l'entourage de Daniel Kretinsky.

Une passion qui intrigue

Officiellement, Daniel Kretinsky explique ces rachats par son amour de la presse et de la France, où il fit une partie de ses études. Reste que cette passion soudaine ne lasse pas d'intriguer. Car la fortune de Daniel Kretinsky vient de l'énergie, où il détient 94% de l'électricien EPH (Energeticky a Prumyslovy Holding), n°7 européen.

Certes, notre homme s'est intéressé aux médias à partir de 2013, lorsqu'il a racheté la filiale tchèque de Ringier Axel Springer Media AG. Il met ainsi la main sur le tabloïd Blesk (l'éclair), inspiré du quotidien allemand Bild. Il détient aussi trois autres quotidiens (le tabloïd people Aha!, le sportif Sport, et l'économique E15), et l'un des principaux hebdomadaires, Reflex. CNC (Czech News Center), principale filiale de Czech Media Invest, revendique 3,5 millions de lecteurs, dans ce pays de 10,6 millions d'habitants. Czech Media Invest affiche un bénéfice d'exploitation de 15 millions d'euros sur un chiffre d'affaires de 122 millions. 

Idées politiques opposées

Mais ce qui intrigue, c'est que notre oligarque ne possédait jusqu'à présent aucun journal d'opinion. Et il ne détenait aucun média hors de son pays d'origine, ni aucune activité en France. Enfin, et non des moindres, il se revendique "libéral et pro-occidental", ce qui est à l'opposé des convictions de Natacha Polony, anti-libérale et souverainiste...

Daniel Kretinsly fait donc peut être partie de tous ces industriels qui rachètent des médias pour acquérir une influence et un poids vis-à-vis des politiques. D'autant que son métier de base est l'énergie, un secteur étroitement lié au politique. Selon l'Obs, il aurait d'ailleurs déjà recherché des acquisitions dans l'énergie en France.

Inquiétude de l'Elysée

L'Obs émettait aussi un soupçon: que notre homme soit un faux nez de Moscou. Un soupçon qui inquiéterait l'Elysée, qui aurait commandé une enquêtes aux "services", selon l'hebdomadaire. Mais cette hypothèse est jugée sans fondement par l'entourage de Daniel Kretinsky. 

Et, de toutes façons, le gouvernement n'a aucun moyen légal d'empêcher Daniel Kretinsky de racheter des médias français. Certes, la loi de 1986 interdit à un groupe "étranger" de racheter plus de 20% d'une publication de langue française, mais cela ne s'applique pas aux membres de l'Union européenne. Et depuis 2005, un décret soumet bien à autorisation gouvernementale les rachats par des entreprises étrangères dans certains secteurs, mais les médias ne font pas partie de ces secteurs contrôlés...

Forbes estime la fortune de notre homme à 2,6 milliards de dollars, soit la cinquième de son pays, mais ce chiffre est sans doute sous estimé. En effet, les seules activités d'énergies régulées de EPH ont été valorisée 6 milliards d'euros lorsque le fonds australien Macquarie a pris 31% du capital. A cela s'ajoutent les activités non régulées, d'une taille comparable. 

Interrogé, le groupe Lagardère et Yves de Chaisemartin n'ont pas répondu, tandis qu'Etienne Bertier et Denis Olivennes n'ont pas souhaité faire de commentaires. 

les résultats d'eph (en milliards d'euros)

Chiffre d'affaires 2015: 4,6 2016: 4,9 2017: 6

Résultat net
2015: +0,84
2016: +0,8
2017: +0,88

Dette nette
2015: 7,8 dont dette financière 4,6
2016: 7,7 dont dette financière 4,5
2017: 9,3 dont dette financière 5,4

Effectif
2016: 10.310
2017: 10.237

Source: comptes de EPH

Jamal Henni