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"Des choses très intimes, voire violentes": Apple visé par une plainte, accusé d'avoir enregistré des conversations grâce à Siri

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La Ligue des droits de l'homme a déposé une plainte, doublée d'un signalement ce jeudi 13 février. Elle reproche à Apple de violer la vie privée de ses utilisateurs en analysant des conversations enregistrées via son assistant Siri. Apple dément.

Une plainte dont Apple se serait bien passé. Ce jeudi 13 février, la Ligue des droits de l'homme a transmis un signalement, doublé d'une plainte au parquet de Paris visant Apple l'accusant d'une collecte massive d'enregistrements de son assistant vocal Siri, révèlent Le Monde et Radio France.

Cette plainte intervient alors que la justice californienne doit approuver un accord à l'amiable dans une affaire similaire, aux Etats-Unis, ce vendredi 14 février. Selon cet accord, Apple a accepté de payer 95 millions de dollars pour mettre fin à des accusations d'utilisateurs lui reprochant d'avoir enregistré, à leur insu, des conversations privées via Siri.

Enregistrements déclenchés par erreur

En France, la plainte s'appuie principalement sur le témoignage du lanceur d'alerte Thomas Le Bonniec, un Français qui a travaillé chez Globe Technical Services, une société analysant le contenu de sons enregistrés par les appareils d'Apple (iPhone, iPad...) pour le compte de l'entreprise. En tant qu'analyste de données, il devait traiter 1.300 enregistrements par jour, notamment pour étiqueter des fichiers lorsqu'ils sembaient être des "enregistrements accidentels".

Si Apple assure que ces analyses lui permettent d'améliorer la qualité des services de son assistant vocal, tout en opérant sur des données anonymisées, Thomas Le Bonniec affirme, lui, qu'il était possible d'identifier, par recoupement, à qui appartenait l'appareil. Car, certains analystes de données travaillant sur ces fichiers avaient aussi accès à des données provenant d'applications présentes sur l'iPhone ou l'iPad.

Cela, alors qu'une part importante des fichiers transmis par Apple étaient des enregistrements déclenchés par erreur ou à l'insu des utilisateurs, soit sans qu'ils n'activent volontairement Siri, selon le lanceur d'alerte. Ils comprenaient ainsi des informations particulièrement sensibles, indique-t-il.

"Il y a des moments banals, choquants ou gênants où vous entendez des choses très intimes, voire violentes, qu'on ne partage pas avec des inconnus. Des conversations où il est question de données de santé (...) On entend aussi des opinions politiques ou syndicales. Beaucoup d'enregistrements d'enfants sur les iPad", a-t-il précisé.

"Je me souviens avoir entendu quelqu'un parler de son compte en banque en Suisse. Les collègues entendaient régulièrement des couples faire l'amour", a-t-il ajouté.

"Système d'écoute généralisé"

Ayant démissionné après avoir écouté l'enregistrement d'un homme décrivant des fantasmes pédophiles, Thomas Le Bonniec a conservé des captures d'écran des interfaces de travail et documents de formation qui lui avaient été fournis. Parmi ces documents figurent un guide distribué aux analystes de données, qui avertit ces derniers sur la nature des enregistrements.

"Sachez que ce projet impliquera des données privées et personnelles des utilisateurs. Un langage vulgaire, des thèmes violents, des sujets pornographiques ou criminels peuvent apparaître. Si cela vous dérange, veuillez en parler à votre responsable", y indique Apple.

C'est ce qu'a fait Thomas Le Bonniec avant de quitter la société. Ayant écouté près de 50.000 enregistrements, il dénonce un "système d'écoute généralisé". Il accuse Google, Microsoft et Amazon de se livrer aux mêmes pratiques qu'Apple. "Les GAFAM qui déploient des assistants vocaux y trouvent tous un intérêt. Il faudrait qu'il y ait des enquêtes approfondies pour réussir à déterminer quel est cet intérêt et s'ils ont violé la loi", a déclaré le lanceur d'alerte.

La Ligue des droits de l'homme accuse ainsi Apple d'induire en erreur les consommateurs en affirmant, dans ses campagnes de communication, que ses produits protègent mieux la vie privée de ses utilisateurs que ceux de leurs concurrents.

L'entreprise s'était déjà défendue de tromper ses utilisateurs dans la procédure américaine, assurant que "Siri a été conçu dès le début pour protéger la confidentialité des utilisateurs. "Les données Siri n’ont jamais été utilisées pour créer des profils marketing et n’ont jamais été vendues à qui que ce soit à quelque fin que ce soit. Apple a réglé cette affaire pour éviter des litiges supplémentaires et afin d’aller de l’avant, alors que nous avions déjà traité les préoccupations concernant la notation par des tiers en 2019" assure la marque, contactée par Tech&Co. "Nous utilisons les données Siri pour améliorer Siri, et nous développons constamment des technologies pour rendre Siri encore plus privé."

Selon la société, les faits reprochés par la Ligue des droits de l'homme ne sont plus d'actualité d'ailleurs plus d'actualité puisque les utilisateurs doivent désormais donner leur consentement pour accepter ou non l'utilisation de ses données par Apple.

De la même manière, la marque assure ne pas conserver les enregistrements audio des interactions avec Siri sans l'accord explicite des utilisateurs.

Kesso Diallo