Tech&Co
Télécoms

Fibre: face aux problèmes de raccordement, le Sénat veut mieux protéger le consommateur

placeholder video
Une proposition de loi au Sénat permet aux abonnés d'être indemnisés dans certains cas, notamment lorsque cela est dû à un mauvais raccordement.

2025, c'est la date que s'est fixée le gouvernement pour que l'ensemble des Français soit raccordable à la fibre. Pendant ce temps, les problèmes persistent pour ceux qui l'utilisent déjà. Le Sénat a adopté le 2 mai à l'unanimité, en première lecture, une proposition de loi du sénateur de l'Ain Patrick Chaize (Les Républicains) pour garantir la qualité des raccordements à la fibre optique et renforcer les droits des utilisateurs en cas d'interruption prolongée de l'accès à internet.

La proposition de loi prévoit deux axes d'amélioration. Un premier volet, technique, part du constat que depuis 2018, du fait de l'accélération du déploiement de la fibre, de nombreux dysfonctionnements ou dégradations lors de la réalisation des raccordements finaux ont été constatés.

"L'objectif avec cette proposition de loi est de répondre à un besoin exprimé par les élus et les administrés. Des problèmes sont fréquemment évoqués lors d'installation ou lorsqu'un voisin est raccordé: les connexions autour sont souvent débranchées", explique Patrick Chaize à Tech&Co.

Encadrer la sous-traitance

En cause, une sous-traitance en cascade permise par le modèle dit "Stoc" pour sous-traitance à l'opérateur commercial. L'opérateur d'infrastructures et les fournisseurs d'accès internet font en effet appel à des sous-traitants et à des prestataires techniques. "Cela peut parfois aller jusqu'à six rangs de sous-traitants", s'exclame Patrick Chaize.

Pour améliorer le système, le texte prévoit notamment la mise en place par le responsable du réseau d'un "guichet unique" pour assurer la prise en charge des difficultés de raccordement rencontrées par les utilisateurs.

"Il y a jusqu'à 15.000 raccordements par jour. Ce n'est pas une remise en cause de la sous-traitance, mais il s'agit de l'encadrer", précise le sénateur. Malgré tout, le texte prévoit dans certains cas l'interdiction du "Stoc".

Ainsi cet "encadrement" s'appuyera sur le renforcement des pouvoirs de contrôle et de sanction de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) en matière de qualité des raccordements à la fibre. "Le texte fournit la base juridique à l'Arcep pour qu'elle puisse procéder aux contrôles de qualité et sanctionner les opérateurs si besoin", précise le sénateur. Ce contrôle s'appuyera sur des critères de qualité inscrits dans le texte.

Ces critères regroupent notamment la labellisation des intervenants, l'instauration de comptes rendus à la fin de chaque intervention faits à l'aide de photos. "Une intelligence artificielle, dont le système est en cours de développement, sera chargée de faire les contrôles des comptes rendus de manière automatisée", explique l'élu.

Un second volet concerne les droits des usagers, en cas d'interruption prolongée de l'accès à internet. Au-delà de cinq jours consécutifs d'interruption, le paiement de l'abonnement serait suspendu. Au-delà de 10 jours, le consommateur bénéficierait d'une indemnité qui ne pourrait être inférieure, par jour de retard, au cinquième du prix mensuel de l'abonnement. Et au-delà de 20 jours, celui-ci pourrait être résilié sans frais par l'usager.

Accueil mitigé

Le ministre chargé de la Transition numérique, Jean-Noël Barrot a reconnu auprès de l'AFP que "des problèmes de qualité très significatifs empoisonnent le quotidien de nos concitoyens" et a accueilli "très favorablement" les dispositions relatives au renforcement des pouvoirs de l'Arcep et à l'amélioration de la protection des usagers.

Mais le gouvernement a "un avis réservé" sur les autres mesures. Selon Jean-Noël Barrot, "la vision du gouvernement n'est pas de supprimer le mode 'Stoc', mais bien de le corriger". Les 13 amendements présentés par le gouvernement ont été retoqués.

De son côté, la Fédération française des Télécoms, qui réunit les opérateurs nationaux, dont Orange, SFR (propriété d'Altice, tout comme Tech&Co), Bouygues Telecom et Free, a appelé dans un communiqué à "la plus grande vigilance quant aux effets qu'une telle loi pourrait produire, à rebours des objectifs de migration des accès cuivre vers la fibre, poursuivis par les pouvoirs publics".

"La Fédération des Telecoms a une position de défiance que je ne m'explique pas" plaide le sénateur. "J'ai le sentiment qu'ils n'ont pas lu le texte car au contraire, le texte permet d'anticiper la fin des raccordements cuivre qui auront lieu d'ici 2029. Par ailleurs, ils n'ont fait aucune suggestion".

Prochaine étape pour la proposition de loi, l'Assemblée Nationale. Pour le moment, l'objectif est de trouver un député qui pourrait porter ce texte. "J'ai bon espoir que les députés soient portés par la pression des citoyens qui n'en peuvent d'être confrontés à ces problèmes. Il n'est plus possible aujourd'hui que des concitoyens soient privés de connexion Internet durant deux mois", explique-t-il.

Le territoire français continue d'abriter de nombreuses disparités en matière d'accès à la fibre. Dans le Finistère par exemple, pratiquement un habitant sur deux n'a pas accès au très haut débit.

Margaux Vulliet avec AFP