Sportifs, étrangers, hommes? Qui sont les abonnés de Tibo InShape, le nouveau "roi" de Youtube

Qui sont vraiment les abonnés de Tibo InShape? Qu’aiment-ils dans son contenu? Quelques-uns ont accepté de raconter à BFMTV.com ce qu’ils apprécient chez le nouveau premier youtubeur de France.

Près de 19 millions. C'est le nombre de personnes suivant Tibo InShape sur YouTube, faisant de lui le créateur de contenus le plus suivi sur la plateforme en France. Le vidéaste a dépassé son concurrent Squeezie ce 26 mai, après des mois de croissance exponentielle. Car il y a moins d’un an, fin juillet 2023, Thibaud Delapart de son vrai nom, fêtait ses 10 millions d’abonnés.

Ce développement s’explique par une stratégie qu’il a lui-même revendiquée dans une vidéo publiée le 26 janvier sur Youtube. Depuis plusieurs mois, l'influenceur multiplie les shorts, des formats très courts sur la plateforme, où tout passe par l’image et dans lesquels il ne parle pas.

Des petits sketchs à portée "internationale", expliquait-il dans une vidéo fin janvier, qui permettent de toucher un public bien plus large que les seuls francophones. Force est de constater que cela a marché, puisqu’il a gagné près d’un million d’abonnés par mois depuis. Mais qui sont vraiment les abonnés de Tibo InShape? Qu’aiment-ils dans son contenu?

Une communauté plutôt diversifiée

Dans sa vidéo fin janvier, l’influenceur dévoilait quelques statistiques de sa chaîne. Premier constat: les personnes qui regardent ses vidéos ne sont pas que des hommes. Selon Charles Perez et Karina Sokolova, professeurs associés à la Paris School of business et spécialistes des réseaux sociaux, les influenceurs fitness ont tendance à avoir des communautés très homogènes au niveau du genre: des créateurs hommes vont être très largement suivis par des hommes et des créatrices femmes par des femmes.

Pour Tibo InShape, la réalité est plus contrastée. Selon ses statistiques partagées en janvier, 36,7% des personnes ayant regardé ses vidéos au cours du mois précédent étaient des femmes. Une position singulière dans le milieu du fitness qui s’explique en partie par les collaborations qu’il a effectuées avec sa compagne, Juju Fitcats. Des collaborations "qui ont contribué à la diversité de leurs réseaux respectifs", selon Charles Perez.

L'âge de l'audience de Tibo Inshape selon des statistiques partagées dans une vidéo du 26 janvier 2024 © Tibo InShape/Youtube

Face aux "personnes qui disent qu’il n’y a que des gamins qui regardent Youtube", l’influenceur affichait aussi qu’en moyenne, seules 7,8% des personnes qui avaient regardé sa chaîne au cours des 28 derniers jours avaient entre 13 et 17 ans.

28,1% des vues venaient des 18-24 ans, 23,4% des 25-34 ans et 24,2% des 35-44 ans. 9,9% venaient des 45-54 ans.

"Je me suis mise à faire pas mal de sport grâce à lui"

Sabine appartient à cette catégorie. Âgée de 45 ans, elle a découvert la chaîne de Tibo InShape "il y a 5 ans environ", par le biais de sa fille désormais adolescente. "J’ai regardé avec elle, et comme j’aime bien le sport, j’ai trouvé ses vidéos hyper intéressantes", témoigne-t-elle. "Je me suis mise à faire pas mal d’abdos, pas mal de sport, grâce à lui", affirme cette factrice qui est également abonnée au programme sportif payant de Tibo InShape, sur son application Shape You.

Car, comme son pseudo l’indique, le sport a longtemps été le fondement de ses contenus en ligne. C’est ainsi que Nathan*, 20 ans, s’est abonné à lui. “J’ai commencé à le suivre à l’époque du confinement quand je me suis mis au sport”, se rappelle-t-il.

"Je me suis intéressé à lui parce que c’était le premier producteur de contenus dans le domaine du sport et qu’il y avait pas mal de tutos qui sont parfaits quand on veut commencer", estime le jeune homme.

Il juge que Tibo InShape a réussi à donner une image positive du sport, "une activité souvent vue comme pas excessivement passionnante mais plus comme une corvée". "Avant ça, j’étais plutôt dans les derniers en cours d’EPS, on va dire", sourit-il. Nathan apprécie la vision véhiculée, selon lui, par Tibo Inshape: "On fait du sport pour s’amuser et pour prendre du plaisir et c'est comme ça qu’on est en bonne santé".

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Axel, 21 ans, a aussi commencé à suivre Tibo InShape pour le sport, "il y a 9-10 ans": "Si on cherchait des tutos, celui qui revenait le plus, c'était Tibo". Le jeune homme a trouvé beaucoup de motivation dans ses contenus: "Il explique comment faire pour ne pas lâcher, on a l’impression d’avoir un coach derrière nous", dit-il.

Des abonnés qui cherchent du divertissement

Comme le relèvent Charles Perez et Karina Sokolova, professeurs associés à la Paris School of Business et spécialistes des réseaux sociaux, Tibo InShape est devenue une figure incontournable du sport sur Youtube -il a d’ailleurs porté la flamme des Jeux olympiques à Toulouse le 17 mai. Les deux chercheurs ont publié deux articles sur les comportements des communautés des influenceurs fitness.

"Quand on a commencé à étudier ce sujet il y a cinq ans, on a demandé aux gens de citer un influenceur fitness qu’ils suivaient et la grande majorité citait Tibo", explique Karina Sokolova. Mais "la moitié" de leurs répondants "ne faisait pas de fitness et n’avaient aucune intention d'en faire", ajoute-t-elle. De nombreux abonnés cherchent donc "du divertissement et un lien avec l’influenceur", plus que des conseils sportifs.

"Une posture de présentateur TV"

Probablement pour répondre à cette catégorie d’abonnés, mais également pour élargir son public, Tibo InShape a multiplié ces dernières années les contenus non liés au sport -ces derniers se trouvent désormais plutôt sur sa chaîne secondaire ou ses autres réseaux sociaux.

Dans ses dernières vidéos Youtube, on a pu le voir dans une centrale nucléaire, manger “comme un militaire pendant 24 heures”, faire témoigner un homme atteint de la maladie de Charcot… “C’est ses choix éditoriaux personnels. Moi, j’aime bien le fait qu’il se serve de sa visibilité pour donner la parole à des gens qui l’ont pas forcément, je pense aux gens qui ont eu des histoires compliquées ou des gens qui ont eu des handicaps”, affirme Nathan, qui ne regarde toutefois pas toutes ces vidéos.

Sabine, elle, juge qu'"il fait découvrir des choses très intéressantes": "Il nous a montré des tas de choses qu’on ne connaissait pas forcément", apprécie-t-elle. Axel, lui, est même redevenu un abonné actif de Tibo InShape avec ce virage, après avoir un peu délaissé son contenu. "Il faisait des journées avec la gendarmerie, ou dans des magasins... Les gens qui ne sortent pas de chez eux, ça leur permet de faire découvrir des choses", juge-t-il.

“Sur Youtube, il se professionnalise et on a l’impression qu’il est plus dans une posture de présentateur TV”, observe Charles Perez. Quitte à perdre son lien avec sa communauté? Pas pour Axel en tout cas: "Il garde le même rythme (de publication de vidéos, NDLR) qu’avant, tout en rajoutant les shorts, ça montre qu'il n'a pas délaissé sa communauté Youtube".

"Bonne humeur" et "bonne volonté"

Les ingrédients expliquant son succès aujourd'hui sont donc multiples. Mais l'un d'entre eux, souligné par tous ses abonnés, est simplement sa personnalité. Nathan souligne la "bonne humeur" du vidéaste et apprécie "le fait qu’il reconnaisse ses torts" lorsque ses déclarations font polémique.

En juin 2022, Tibo InShape a par exemple présenté ses excuses après avoir publié sur Tiktok une vidéo destinée à motiver ses abonnés à faire du sport dans lequel il déclarait: "Rien à foutre de la dépression”. Il avait reconnu le lendemain que "la dépression est une vraie maladie".

Plus récemment, en février, il a annoncé qu’il ferait désormais valider le contenu de ses vidéos par différents experts, après avoir été accusé de promouvoir la culture du viol. Il avait reçu dans une vidéo une sexologue qui affirmait qu’un couple devrait avoir des relations sexuelles une fois par semaine, "grand minimum". Nathan reconnaît que l'influenceur "a eu parfois des sorties très maladroites, c’est indéniable". "Mais il y a une bonne volonté de sa part, il va toujours chercher à rectifier le tir", par exemple lorsqu’il a tourné une vidéo sur la dépression avec une psychologue après sa sortie controversée sur cette maladie mentale.

Ses différentes positions ont pu lui donner une image de personne sexiste, entre autres, ce qu'il déplorait en février, affirmant avoir "évolué" par rapport à ses débuts, lorsqu'il dédicaçait les poitrines de femmes ou parlait de "petites" pour mentionner des femmes par exemple.

De son côté, Sabine "s'éclate" devant les vidéos de Tibo InShape: "Il est hyper marrant, c’est pas un mec qui se prend la tête", assure-t-elle. "Il a une bonne personnalité, je le trouve marrant et il est honnête", résume aussi Maxime*.

Le profil de ses abonnés a toutefois probablement beaucoup changé ces derniers mois. Toujours dans cette optique d’aller chercher des abonnés supplémentaires, Thibaud Delapart double désormais ses vidéos en anglais.

L'origine de l'audience de Tibo InShape sur ses vidéos selon des statistiques partagées dans une vidéo du 26 janvier 2024 © Tibo InShape/ Youtube

Les chiffres qu’il partageait en janvier montraient que ses vidéos longues restaient vues quasi-exclusivement par un public francophone. Ce n’était toutefois pas le cas de ses shorts. Si la France reste le premier public, elle représente seulement 11,4%. Viennent ensuite l’Inde, la Russie, les Etats-Unis, le Brésil…

L'origine de l'audience de Tibo InShape sur ses shorts selon des statistiques partagées dans une vidéo du 26 janvier 2024 © Tibo InShape/Youtube

"Oui j’ai gagné beaucoup d’abonnés étrangers, internationaux" via les shorts, revendiquait-il en janvier. "Je trouve ça trop cool! Parce que vive la France et on va continuer de faire rayonner notre magnifique pays à l’international!"

Une course aux abonnés assumée et qui a fini par payer pour le premier youtubeur de France, même si la rémunération des shorts n'est pas très élevée, comme il le dit lui-même. Quel est donc l'intérêt? "C'est de l'ego", souriait-il début janvier dans une vidéo sur la chaîne de LeBouseuh.

*Les prénoms ont été modifiés

Sophie Cazaux