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Publicité en ligne: Utiq, l'alternative aux trackers qui promet de protéger le consommateur

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Un an après la signature d'un pacte entre plusieurs opérateurs européens, Utiq commence à être déployé en France au sein de grands groupes médias. Mais qu'est-ce qui se cache derrière cette solution qui veut remplacer les cookies tiers?

Si Google ne mettra finalement pas fin aux cookies tiers - ces petits logiciels intégrés à chaque site web pour pister les internautes - les professionnels de la publicité cherchent de nouveaux moyens pour mieux comprendre les audiences du web.

Car au fil des années et avec une aversion de plus en plus forte pour la publicité chez les internautes, les cookies sont devenus de moins en moins fiables, poussant les acteurs d'internet à développer d'autres projets pour mieux les pister. C'est de cette manière qu'a pu naître Utiq, dont les principaux actionnaires sont les opérateurs Orange ou encore Deutsche Telekom et Telefonica.

Cette fois-ci, il ne s'agit plus de déposer un petit fichier au sein du navigateur lorsqu'un internaute consent à partager ses habitudes, mais plutôt à le suivre directement grâce à son abonnement mobile. Concrètement, lorsqu'un panneau de consentement Utiq apparaît et qu'il est accepté, un identifiant de l'internaute va être créé au niveau de sa carte SIM reliée à son abonnement, récoltant donc des habitudes de consommations et de visite, le tout en l'anonymisant.

C'est quoi, un cookie? Avec Nacera Bekhat (CNIL)
C'est quoi, un cookie? Avec Nacera Bekhat (CNIL)
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Un anonymat "total" et une désinscription "en un clic"

"Le principal intérêt, c'est qu'on conserve un anonymat total tout en ayant la possibilité de puiser dans les informations de son abonnement," explique Sophie Poncin, directrice générale d'Utiq, auprès de Tech&Co.

"Les opérateurs (qui gèrent cette solution, ndlr) ne peuvent pas se permettre de jouer avec les données de leurs abonnés, ce serait complètement contre-productif," ajoute-t-elle, "Utiq est une vraie alternative saine aux GAFAM."

Dans les faits, Utiq préserve-t-il plus la vie privée des utilisateurs que les antiques cookies publicitaires? Les promoteurs de cette solution mettent en avant un centre de contrôle (hub) au sein duquel un utilisateur a la main sur l'ensemble des sites où il a pu donner son consentement et peut se désinscrire "en un clic" nous promet-on.

Celui-ci est d'ailleurs très simple et peut-être utilisé à tout moment depuis le site d'Utiq, ou directement via le pop-up de consentement lorsqu'on visite un des sites partenaires: "Cela permet de montrer qu'Utiq est un service utile aux abonnés des opérateurs télécoms." On peut ainsi refuser d'être suivi pendant un an par Utiq, ou simplement enlever son consentement sur un site en particulier.

Le hub de consentement de Utiq
Le hub de consentement de Utiq © Tech&Co

Avec cet identifiant qui est lié à l'abonnement mobile, l'utilisateur est identifié qu'importe le navigateur ou la plateforme utilisés: "Nous ne partageons aux sites web partenaire que ce qui est nécessaire pour personnaliser l'expérience de marketing numérique."

Le 23 mai dernier, Intermarché avait communiqué les résultats de ses tests avec Utiq, réalisés dans l'objectif d'évaluer "comment cette solution améliorait la portée et l'efficacité des publicités". Le géant de la distribution a ainsi pu constater comment sa campagne publicitaire était reçue par les internautes, et si, par exemple, ils décidaient ensuite d'acheter des produits en magasin.

Les résultats semblent être au rendez-vous, notamment en matière de consentement - plus élevé que des cookies classiques. Mais Publicis, l'un des principaux acteurs du secteur, s'inquiète néanmoins d'un "biais de renouvellement", auprès du média Minted. La technique de récupération d'ID n'étant pas la même qu'un cookie, l'annonceur peut croire qu'il s'agit d'un nouveau contact: "Cela le conduit donc à surestimer la couverture de sa campagne et sous-évaluer la répétition de cette dernière."

En clair, ce n'est pas parce que les chiffres sont bons à ce stade que la solution a foncièrement été adoptée par une plus large audience.

Des "courageux" parmi les médias partenaires

La quasi-totalité des opérateurs français ont rejoint l'aventure Utiq, dont Orange, SFR et Bouygues Telecom. Les discussions avec Free "sont toujours en cours," a appris Tech&Co.

Parmi les clients ayant mis en place la solution Utiq, on compte des grands groupes de presse, dont Reworld Media (AuFeminin, Autoplus...), Prisma Media (Voici, Télé 2 semaines) ou encore Webedia (Puremédias, jeuxvideo.com). Interrogés par Tech&Co, ces derniers confirment avoir mis en place Utiq sur certains de leurs sites parfois pour réaliser des tests qui se sont jusqu'ici révélés "performants" et "à la hauteur des attentes".

"Sans conteste, la solution fonctionne et répond à nos attentes," explique à Tech&Co Marion Collombat, directrice CRM & Data chez Reworld Media, "un point crucial à souligner est que le déclenchement de la seconde popin CMP [le second popup de consentement, ndlr] n'a eu aucun impact défavorable sur nos performances."

Le groupe, qui a lancé Utiq sur trois de ses principaux sites en janvier dernier, annonce disposer de "plusieurs millions d'ID actifs" chaque mois, ajoutant avoir "réussi à délivrer [des] campagnes avec succès": "[Cela] confirme l'efficacité et la fiabilité d'Utiq dans des conditions réelle."

"Il y a eu les courageux", estime Sophie Poncin, ceux qui ont accepté de tester cette solution avant même qu'elle ne soit déployée à grande échelle, et les résultats parlent d'eux-mêmes: l'entreprise dispose, selon elle, de 12 millions d'identifiants à ce jour.

En 2024, ils seront plus nombreux encore à utiliser Utiq, dont le groupe TF1, France Télévisions, Dailymotion ou encore CMI France. De quoi satisfaire aussi bien les régies publicitaires que les internautes cherchant à améliorer leur vie privée.

"D'ici à la fin de l'année en France, 35 éditeurs nous auront rejoint, ce qui fait 150 sites au total avec comme objectif de disposer de 35 à 40 millions d'identifiants," espère Sophie Poncin.

Après les abonnés mobiles, Utiq sera ainsi déployé au niveau de l'internet fixe d'ici à la fin de l'été 2024.

Sylvain Trinel