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"Certains multipropriétaires préfèrent laisser leur bien vide": à Paris, de moins en moins de logements à louer

Plus d'une cinquantaine de biens immobiliers seront proposés à la vente lors de la Soirée de l'Investissement.

Plus d'une cinquantaine de biens immobiliers seront proposés à la vente lors de la Soirée de l'Investissement. - Shutterstock / Alexander Sorokopud

Face à la hausse des logements inoccupés, des élus ont déposé des amendements au Budget 2025 afin de permettre aux villes d'augmenter les taxes sur les logements vacants et les résidences secondaires.

Ce n'est pas qu'une impression. Le parc de logements à louer se réduit d'années en années dans la capitale. Selon une nouvelle estimation de la mairie de Paris, ils ont presque été divisés par deux depuis les années 1980, passant de 600.000 à 350.000* aujourd'hui.

Toujours selon les chiffres de la municipalité, la capitale perd environ 8.000 logements locatifs chaque année depuis 10 ans. Dans le même temps, le nombre de logements vacants ou de résidences secondaires augmente de 7.000 tous les ans, selon l'Insee.

Pour Jacques Baudrier, adjoint PCF au logement à la mairie de Paris, la hausse des logements vides et la baisse des biens à louer sont directement liées. "Ce sont les deux seules catégories qui évoluent. Le nombre de propriétaires occupants est stable et le nombre de logements rachetés par la mairie pour en faire du logement social est d'environ 700", détaille l'élu.

"J'en conclus donc que certains multipropriétaires préfèrent laisser leur bien vide plutôt que de le mettre en location."

Les parlementaires communistes (et d'autres) veulent endiguer ce phénomène. Ils ont déposé des amendements au projet de loi de finances débattu actuellement à l'Assemblée afin de d'autoriser les villes à augmenter les taxes sur ces logements inhabités.

Seulement 1,3% de logements durablement vacants

La part des logements inoccupés à Paris est passée de 14% en 2011 à 19% en 2020 selon l'Insee, soit presque un logement sur cinq. Ainsi, sur les près de 1,5 million de logements parisiens, 270.500 sont inoccupés. La moitié sont des résidences secondaires, l'autre moitié des logements vacants. Ils représentent chacun environ 9,5% de l'ensemble de l'habitat parisien.

"Les propriétaires peuvent passer d'une catégorie à l'autre simplement en cochant une case", détaille Jacques Baudrier, ce qui explique qu'ils sont considérés ensemble. Mais cela ne veut pas dire qu'ils sont tous mobilisables pour répondre à la crise du logement, loin de là. En réalité, il faut regarder les chiffres à la loupe.

Prenons d'abord les logements vacants. L'Apur (Atelier parisien d'urbanisme) considère qu'un taux de 6 ou 7% correspond à la vacance "frictionnelle", soit "une vacance de courte durée nécessaire à la rotation des ménages dans le parc privé".

À Paris, l'Apur estime que ce taux est plus élevé, du fait de la forte mobilité des ménages. Au final, selon l'Insee, en 2021 seuls 18.600 logements relèvent de la vacance dite structurelle (plus de 2 ans) dans la capitale.

Cela peut paraître peu (1,3% du parc) mais l'agence assure que leur nombre n'est pas négligeable dans une ville comme Paris.

"Cela représente environ 5 années de construction dans une ville aussi dense et constituée que Paris."

Passons maintenant aux résidences secondaires. Leur nombre a en effet explosé depuis 2011, passant de 6,8% à 9,6%. Mais impossible de savoir lesquelles sont habitées régulièrement par leurs propriétaires et lesquelles sont continuellement vides. L'Insee note tout de même que 42% de ces logements appartiennent à des propriétaires résidant en Île-de-France, dont certains à Paris.

36% de logements inoccupés dans le 8e arrondissement

Selon l'institut statistique, dans certains quartiers, le taux de logements inoccupés est particulièrement élevé, comme à Paris Centre (28%), dans les 6e (30%), 7e(34%) et surtout dans le 8e arrondissement (36%).

"Les logements inoccupés se concentrent dans les quartiers où vivent les ménages les plus riches (...) Cette corrélation est en large partie due à la distribution géographique des résidences secondaires, qui se concentrent dans les quartiers les plus aisés", écrit l'Apur.

"Si on ne fait rien, on va se retrouver avec un Paris à moitié vide", alerte Jacques Baudrier.

Mais alors pourquoi tant de logements restent-ils vides? Au vu de l'explosion des prix à l'achat dans la capitale, l'investissement locatif n'est pas rentable. Et selon Jacques Baudrier, l'encadrement des loyers n'y change rien. "Pour que louer soit rentable à Paris, il faudrait que les loyers doublent, donc les locataires n'auraient de toute façon pas les moyens de suivre", explique-t-il.

"Ce sont souvent des personnes âgées et multipropriétaires. Elles ont acheté il y a longtemps, n'ont pas envie de s'embêter à louer et n'en n'ont pas besoin financièrement", assure l'élu.

Une taxe plus dissuasive?

Pour tenter de contrer ce phénomène, ses équipes ont mis en place un dispositif appelé "Louez solidaire et sans risque". Il propose, pour les propriétaires qui seraient frileux à cause de potentiels impayés, de garantir le versement des loyers et la remise en état des lieux à la fin du bail. Mais même avec ces garanties, très peu ont accepté de remettre leur bien sur le marché locatif (1.300).

"Avoir un appartement à Paris est devenu un produit d'affichage et de luxe, comme une Rolex, bien plus qu'un investissement locatif", juge Jacques Baudrier.

Avec l'évolution des prix à la vente sur le long terme, ces propriétaires sont de toute façon assurés de faire une opération rentable. "En effet, tant que la valeur d’un bien augmente, celui-ci génère un revenu potentiel (à la revente) par sa simple détention et cette hausse du prix couvre le coût de détenir un logement inoccupé", écrit l'Apur. En résumé, pas besoin de louer le bien pour réaliser une plus-value.

Selon Jacques Baudrier, même les taxes existantes sur les logements vacants et les résidences secondaires ne convainquent pas les propriétaires de mettre leur bien en location. "Il faudrait un montant plus dissuasif. Aujourd'hui, ils préfèrent payer 2.000 euros par an plutôt que de louer. Si on passe à 6.000 euros, peut-être qu'ils changeront d'avis." La mairie espère ainsi réintégrer jusqu'à 100.000 logements dans le parc locatif privé.

*Un chiffre différent de celui (déclaratif) de l'Insee, qui en dénombre près de 500.000 (sans les locataires de logements sociaux). Ce qui s'explique, selon l'adjoint à la mairie de Paris au logement Jacques Baudrier, par le fait que les personnes se trompent souvent en remplissant le questionnaire et n'indiquent pas qu'elles habitent dans un HLM. La ville détient le décompte précis du nombre de logements sociaux. Elle déduit donc ces logements sociaux ainsi qu'une estimation de locations touristiques non déclarées pour arriver au nombre de logements locatifs longue durée.

La location de courte durée via des plateformes comme Airbnb est encadrée à Paris. Ainsi, les propriétaires ne peuvent louer que leur résidence principale et pas plus de 120 jours par an. Ces biens ne sont donc pas compris dans les 270.000 logements inoccupés. Reste les Airbnb "illégaux", c'est-à-dire qui ne respectent pas cette règle, que la mairie estime à 25.000. Elle espère pouvoir réduire ce nombre grâce à une proposition de loi qui sera discutée à l'Assemblée en commission mixte paritaire le 28 octobre.

Marine Cardot