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Retraites: le patron du COR estime que l’entrée en économie de guerre rend "dérisoire" le débat sur les 64 ans

Sandrine Cazes, économiste principale à la Direction de l'emploi, du travail et des affaires sociales de l'OCDE, et Gilbert Cette, actuel président du Conseil d'orientation des retraites

Sandrine Cazes, économiste principale à la Direction de l'emploi, du travail et des affaires sociales de l'OCDE, et Gilbert Cette, actuel président du Conseil d'orientation des retraites - Miguel MEDINA

Si la France entre en économie de guerre comme le souhaite Emmanuel Macron, "la question deviendra plutôt (...) comment augmenter rapidement" l'âge de départ "au-delà des 64 ans décidées dans la loi de 2023...", selon le président du Conseil d'orientation des retraites, Gilbert Cette.

Sur les retraites, les partenaires sociaux entrent dans le vif du sujet. Dans le cadre du "conclave" décidé par François Bayrou, syndicats et patronat abordent depuis la semaine dernière la question de l'âge de départ. Un thème objet de désaccords profonds alors que les premiers souhaitent revenir sur la réforme de 2023 relevant l'âge légal à 64 ans, contrairement au second.

Mais pour le président du Conseil d'orientation des retraites, Gilbert Cette, le débat rouvert sur l'aménagement de la réforme de 2023 pourrait bientôt devenir "secondaire" voire "dérisoire" compte tenu des tensions géopolitiques. "Les discussions actuelles sur les retraites ne peuvent totalement ignorer le contexte international actuel", explique-t-il dans un billet publié dans la revue numérique Telos, ajoutant que "la nécessité d'augmenter considérablement nos dépenses militaires dans les prochaines années sinon les prochains trimestres, devient de plus en plus claire et pressante".

Or, "l'entrée progressive, plus ou moins explicite, dans une économie de guerre" comme le souhaite Emmanuel Macron "rendra secondaires sinon dérisoires les débats actuels sur l'âge d'ouverture des droits à la retraite à 64 ans".

À tel point que "la question deviendra plutôt, en ce domaine et parmi d'autres décisions à prendre, comment augmenter rapidement cet âge de départ au-delà des 64 ans décidées dans la loi de 2023..."

La défense "priorité budgétaire" mais "sans rien abandonner du modèle social"

Les déclarations de Gilbert Cette ne semblent pas partagées par Bercy: "Le besoin d'une économie de guerre ne rend pas 'dérisoire' les débats sur notre système des retraites. Beaucoup d'observateurs semblent pressés mais il faut donner au travail du conclave toutes ses chances et le respecter", indique une source ministérielle à BFMTV. Avant de poursuivre:

"Il y a une évidence à aller vers un équilibre financier mais le conclave n'est pas le gouvernement, il est libre de faire les propositions qu'il veut."

Début mars, Éric Lombard, avait reconnu qu'il faudra faire des réformes et des choix pour pouvoir investir davantage dans la défense: "Nous devrons faire plus d'efforts pour nous protéger, pour bâtir cette économie en faveur de la paix et renforcer la défense dans un modèle européen", avait déclaré le ministre de l'Économie. "Nous allons devoir dépenser plus d'argent public et donc effectivement, cela imposera plus d'efforts", avait-il martelé alors que les finances publiques son déjà en piteux état.

De son côté, François Bayrou avait affirmé la "priorité budgétaire" à la défense, précisant toutefois que cela devait se faire "sans rien abandonner du modèle social qui fait partie de l'identité française".

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Le contexte géopolitique "va forcément complexifier l'équation"

Reste que les partenaires sociaux reconnaissent eux-mêmes que la nécessité de dépenser davantage pour la défense risque de compliquer un peu plus les négociations sur les retraites et la remise en cause de la réforme de 2023.

"Il ne faut pas nier cette difficulté. Un contexte économique et géopolitique qui se complique comme celui qui est le nôtre va forcément complexifier l'équation qui n'était déjà pas simple", a expliqué vendredi Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT.

D'autres syndicats soulignent en effet auprès de BFM Business que toutes les pistes qu'ils avaient envisagées pour permettre le retour à l'équilibre du système (supprimer des niches, des aides aux entreprises ou encore mettre les retraités à contribution) risquent désormais d'être flechées vers la défense et non pas vers les retraites.

La CGT y voit quant à elle un nouveau prétexte pour détricoter le système de retaites, comme l'indique Denis Gravouil, secrétaire confondéral de la CGT: "Il y a toujours une bonne raison pour s’attaquer au système de retraites ou aux droits sociaux. C’était le Covid, ensuite la crise économique… Nous pensons que nous pouvons continuer à réclamer une amélioration des régimes sociaux".

Paul Louis avec Caroline Morisseau et Loïc Besson