Livret A, LDDS… Comment est utilisée votre épargne réglementée

Au cœur de la politique énergétique d’Emmanuel Macron, la relance de la filière nucléaire s’annonce particulièrement coûteuse. D’après les estimations d’EDF, la construction de six nouveaux réacteurs EPR2 promise par le chef de l’Etat nécessitera un investissement de plus de 50 milliards d’euros au bas mot.
Selon une information des Echos, plusieurs pistes sont à l’étude à Bercy pour trouver cette somme, dont une jamais explorée jusqu’alors: mobiliser une partie de l'épargne dont les Français disposent sur leur Livret A. Il faut dire qu’avec un encours de 375 milliards d’euros fin 2022, ce produit d’épargne réglementé ultra-populaire (55 millions de détenteurs) a de quoi susciter la convoitise.
Au-delà du seul Livret A, Eric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts, bras financier de l’Etat qui gère une large partie de l’épargne réglementée des Français, s’est récemment dit "convaincu que l’épargne populaire, du Livret A, du Livret de développement durable et solidaire (LDDS) et du Livret d’épargne populaire […] peut davantage encore financer la transformation de notre appareil de production énergétique".
Recourir aux fonds disponibles sur les Livrets A pour financer la construction de réacteurs nucléaires conférerait un nouveau rôle à l’épargne réglementée déjà mobilisée pour la réalisation de multiples projets, et pas seulement la construction de logements sociaux comme on pourrait le croire.
60% des fonds centralisés à la Caisse des Dépôts
Aujourd’hui, l’épargne réglementée des Français est utilisée par la Caisse des Dépôts pour financer des projets d’intérêt général dont des "projets verts" avec le LDDS. Reste que l’institution financière publique ne collecte pas l’intégralité de la manne disponible (508 milliards d’euros en 2021). Si la répartition peut légèrement varier d’une année sur l’autre, la Caisse des Dépôts centralise en général environ 60% (59,5% en 2021) des fonds collectés sur les Livrets A et LDDS et 50% des fonds du Livret d’épargne populaire (LEP).
Les ressources non centralisées restent quant à elles à la disposition des banques qui sont légalement contraintes dans leur affectation. Ainsi, 80% des fonds de l’épargne réglementée conservés par les établissements de crédit doivent être dédiés à des prêts pour la création ou le développement de PME. 10% doivent également être fléchés vers le financement de la transition énergétique (prêts à des particuliers pour travaux d’économies d’énergie…) et 5% consacrés à l’économie sociale et solidaire.
Les banques qui proposent des produits d’épargne réglementée et gèrent au quotidien des millions d’opérations de retrait et dépôts sont directement rémunérées par le Caisse des Dépôts pour ce service. Celle-ci leur verse une commission équivalent à 0,3% des fonds du Livret A et LDDS qu’elle centralise et de 0,4% des fonds des LEP.
193 milliards d'euros de prêts de long terme
Selon le rapport annuel Fonds d’épargne, les banques conservaient en 2021 plus de 205 milliards d’euros de fonds provenant de l’épargne réglementée des Français. De son côté, la Caisse des Dépôts, après déduction des commissions versées aux banques et des intérêts dus aux épargnants, centralisait 297,7 milliards d'encours auxquels il faut ajouter 32,7 milliards de fonds propres et autres ressources.
Sur cette somme 120,6 milliards ont été investis dans des actifs financiers, essentiellement des obligations (88%) dont 2,55 milliards d’obligations vertes et le reste dans des actions et fonds. Cette part non consacrée aux financements de projets d’intérêt général sert à assurer la rémunération des épargnants et la liquidité de leurs dépôts.
En parallèle, les prêts de long terme (30 à 60 ans) de la Caisse des Dépôts représentaient en 2021 192,9 milliards d’euros, dont 170,7 milliards destinés au logement social et à la politique de la ville et 21,8 milliards à des investissements divers portés par le secteur public local (écoles, transports, réseaux d’eau, infrastructures numériques). A noter que les taux de ces prêts accordés aux bailleurs sociaux et collectivités locales dépend directement du taux du Livret A. Lorsque celui-ci baisse, la Caisse des Dépôts est davantage en capacité d’accorder des prêts à un taux avantageux, et inversement.
Grâce à ces prêts, la Caisse des Dépôts contribue chaque année à la construction d’un quart des logements en France. En 2021, ses 12,8 milliards de prêts nouveaux (dont 5,75 milliards dans la transition écologique) ont notamment servi au financement la construction de 85.300 logements sociaux, la réhabilitation de 81.600 d’entre eux et la réalisation de 505 projets d’intérêt général sur tout le territoire.