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Au Royaume-Uni, la vérification d'âge sur internet entraîne la censure de contenus d'intérêt public

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Le Royaume-Uni est confronté à une vague de censure involontaire après la mise en vigueur de l'Online Safety Act, un texte qui limite l'exposition des mineurs à des contenus inappropriés sur Internet.

Guerre à Gaza, conflit en Ukraine, mais aussi débat parlementaire. La nouvelle loi britannique sur la régulation des contenus en ligne provoque une vague de censure incontrôlable.

En vigueur depuis le 25 juillet, l'Online Safety Act vise à protéger les internautes britanniques de moins de 18 ans en imposant une vérification d'âge avant d'accéder à des contenus sensibles. Ce texte cible notamment les contenus pornographiques, mais aussi ceux contenant de la violence ou de l'auto-mutilation, ainsi que ceux encourageant les troubles alimentaires ou le suicide.

Mais comme noté par la BBC, les contenus censurés vont au-delà de ce qui était prévu par le texte. Des sujets d'intérêt général, notamment sur des conflits internationaux, sont inaccessibles aux mineurs, ou pour toute personne qui n'aurait pas vérifié son âge sur le web britannique.

"Nous restreignons temporairement ce contenu"

Sur X, plusieurs utilisateurs du Royaume-Uni sont confrontés à la censure. Certaines publications en lien avec la guerre à Gaza se retrouvent bloquées. À la place, les internautes peuvent voir: "En raison des lois locales, nous restreignons temporairement l'accès à ce contenu jusqu'à ce que X vérifie votre âge."

Si non-authentifiés, les internautes britanniques n'ont accès qu'à une version édulcorée du réseau social. Il est de même sur Reddit, certains forums d'information sur la guerre en Ukraine sont interdits aux utilisateurs non-reconnus comme étant majeurs, bien que la plupart des contenus soient inoffensifs.

S'agit-il d'une application excessive de l'Online Safety Act? En tout cas, la loi "n'était pas supposée être utilisée pour supprimer des faits d'intérêt public", note auprès de la BBC Sandra Wachter, professeure à l'Oxford Internet Institut. Le gouvernement britannique confirme les propos de la chercheuse dans un communiqué de presse datant du 1er août 2025.

"La loi n'a pas pour objectif de censurer le débat politique et n'impose pas aux plateformes de restreindre l'accès à des contenus autres que ceux qui présentent les risques les plus graves pour les enfants, tels que la pornographie ou les contenus liés au suicide et à l'automutilation", précise le site du gouvernement britannique dans son communiqué.

Là est tout le dilemme des entreprises derrière ces plateformes: censurer excessivement pour être sûr de respecter la loi ou rester garant de la liberté d'expression. Le gouvernement britannique exige que les plateformes trouvent un juste-milieu.

"Le non-respect de l'une ou l'autre de ces obligations peut entraîner des sanctions sévères, notamment des amendes pouvant atteindre 10% du chiffre d'affaires mondial ou 18 millions de livres, le montant le plus élevé étant retenu", ajoutent les autorités.

La vérification d'âge s'étend à l'Europe

Si la France a un peu de retard sur le Royaume-Uni, le pays compte bien aussi faire la chasse aux contenus non-adaptés aux mineurs. Les sites pornographiques et les réseaux sociaux sont progressivement contraints de mettre en place des systèmes de vérification d'âge, fixés respectivement à 18 ans minimum, et 15 ans minimum.

L'engouement pour l'authentification tend d'ailleurs à s'étendre à l'ensemble de l'Union européenne. Une application de vérification d'âge sera prochainement lancée dans cinq pays parmi les Vingt-sept.

Cette mesure viendra contrarier les internautes qui préfèrent utiliser les réseaux sociaux anonymement. Depuis le 29 juillet 2025, les contenus pornographiques sur X sont inaccessibles aux Européens qui n'ont pas vérifié leur âge. Selon les chiffres de X, en 2024, dans l'Union européenne, 37% des utilisateurs de X préfèrent aller sur la plateforme sans se connecter, sans vérifier leur âge donc.

Théotim Raguet