"Chiche": les salariés d'Ubisoft répondent aux promesses sociales de la direction

Chez Ubisoft, l’ambiance est plutôt morose. L’entreprise sort de trois jours de grève à Paris, Montpellier, Annecy ou encore Bordeaux. "C’est tout de même plus de 25% des effectifs français et 1000 personnes", se félicite-t-on auprès de Tech&Co du côté de Solidaire Informatique, représentant des salariés d’Ubisoft.
Au lendemain de l’entretien accordé par Xavier Poix, responsable des Studios Ubisoft France, Europe du sud et Chine, à l’émission Multijoueurs, les promesses faites par l’entreprise par l’intermédiaire de son responsable ont fait réagir. Parfois bondir. "Il y a plusieurs choses qui nous ont hérissé les poils à beaucoup", explique un élu. "On aurait préféré qu’ils parlent aux salariés avant de parler à la presse. Mais au moins, ils parlent".
"On va les prendre au mot"
"La co-construction, c’est du bullshit. A Ubisoft, on ne sait pas co-construire. Tout vient d’en haut, de Yves (Guillemot, PDG du groupe, ndlr) et ses subordonnées, et après les gens doivent appliquer," déplore-t-il. Les salariés se disent néanmoins "prêts à prendre Ubisoft au mot et à le ressortir".
"On a envie de leur répondre 'chiche' pour co-construire", martèle le syndicat, promettant "d’enfoncer" la porte entrouverte par Ubisoft au micro de Tech&Co.
Il tient aussi à ce que l’entreprise tienne ses engagements de prendre son temps pour les négociations. "On leur dit 'chiche' aussi, car ce n’est pas vraiment ce qui se passe", déplore-t-on chez Solidaire Informatique, évoquant de premières réunions de travail sur la situation sociale il y a deux semaines seulement pour s’accorder sur le calendrier. "Un calendrier qui va jusqu’à fin décembre. Ce n’est pas vraiment prendre notre temps. On a un travail à côté et d’autres négociations en cours".

Quatre réunions CSE, salaires et autres sont ainsi au programme de la seule prochaine semaine. "On a des documents demandés qu’on n’a toujours pas. On a challengé le calendrier, ça ne leur va pas. Ils veulent à tout prix finir avant la fin décembre, sinon ils nous font miroiter une décision unilatérale de l’employeur sur la question sociale", regrette Solidaire Informatique qui explique qu’Ubisoft aurait une deadline au 1er avril pour que tout soit mis en place. "C’est irréaliste et précipité", clame-t-il.
"Yves Guillemot nous a quand même dit que le dialogue social était de qualité en ce moment chez Ubisoft, dans sa lettre ouverte envoyée en interne, mais 10 jours plus tard", sourit un élu. "Il assure que les RH, Xavier Poix et les directeurs de studio s’engagent à maintenir un dialogue de qualité. Bon, ce n’est pas le cas…"
Un bateau sans capitaine
Selon les syndicats, Ubisoft n’a déjà pas entendu les premiers remous sociaux en début d’année et ils déplorent l’absence de réaction de leurs dirigeants. "On est dans un bateau sans capitaine. Il y a un mal-être réel dans les studios dont ils ne semblent pas prendre vraiment la mesure. La justification du retour en présentiel trois jours par semaine sur la base de la créativité a fait sourire.
"On n’a même pas de directeur créatif de la boîte depuis le départ d’Igor Manceau. Le souci d’Ubisoft, ce n’est pas la créativité, c’est l’édito et le publishing qui dictent ce qu’on doit mettre dans les jeux, forcément en retard par rapport au marché, parce qu’ils étudient des trucs déjà sortis", nous martèle-t-on. "Il faut créer une tendance et moins s’appuyer sur les deals en tous genres pour avoir des aides, des fonds, faire du fric court-termiste. Il est là aussi le malaise dans les studios. Nous, on veut bien créer et parler de jeu."
Si le mouvement de grève est terminé pour le moment, "ce n’est pas fini pour autant", assure-t-on du côté des élus. Les négociations vont s’enchaîner et ils espèrent bien qu’elles se dérouleront aussi bien que leurs responsables l’ont promis. Renouer le dialogue social, parler aux salariés, apaiser les colères et le ressenti des employés, telles sont les priorités pour les élus. "La balle est dans leur camp", lâche-t-on avec malice.