Call of Duty: comment le jeu vidéo a été utilisé pour faire la publicité d'armes à feu

Le fabricant américain d'armes à feu et de munitions Remington Arms a signé un accord avec Activision Blizzard en 2009 pour ajouter, dans la célèbre franchise Call of Duty (COD), l’une de ses armes. Une pratique qui interroge.
Selon Josh Koskoff, l’avocat principal des familles endeuillées lors de la tuerie de l’école primaire Sandy Hook (Newtown, Connecticut, États-Unis), qui s’est procuré les documents (alors non divulgués), cet accord s’est inscrit dans le cadre d’un plan purement marketing rapporte The Wall Street Journal.
Le même document indique que le partenariat "contribuerait à créer une préférence de marque parmi la prochaine génération" et permettrait à Remington Arms de "gagner (leur) juste part de ces jeunes consommateurs".
Un ACR dans le jeu, dérivé du marché
L’arme en question est l’"Adaptive Combat Rifle" (ACR), présente dans le catalogue de COD: Modern Warfare 2 et comparable en tout point à l’ACR de Remington Arms.
Le fusil partage notamment des éléments de l’AR-15, arme qui a servi à l’assaillant lors de la tuerie de masse de l’école primaire Sandy Hook. Le 14 décembre 2012, Adam Lanza, collectionneur d’armes à feu de 20 ans, tue 27 personnes, dont 20 enfants dans l’école primaire du village avant de se donner la mort.
Les parents de neuf victimes de la tuerie avaient engagé des poursuites contre l’armurier et sa filiale Bushmaster pour avoir vendu en connaissance de cause une version du fusil semi-automatique AR-15, une arme de type militaire “pas du tout adaptée” à un usage civil avait rapporté La Tribune de Genève.
Ils avaient été dédommagés par Remington Arms à hauteur de 73 millions de dollars en février 2022.
"Dénoncer les pratiques de marketing"
"La seule raison pour laquelle nous avons engagé des poursuites contre Remington était de créer un changement, en particulier des pratiques de marketing", a déclaré Nicole Hockley au Wall Street Journal, dont le fils Dylan, âgé de 6 ans, a été assassiné à Sandy Hook. "Au fur et à mesure que la découverte deviendra publique, nous espérons qu'elle sensibilisera et créera une pression en faveur du changement."
C’est d’ailleurs pour cette raison que l’avocat a réussi à mettre la main sur ces courriels internes et des dossiers de l'entreprise Remington Arms.
Les documents indiquent "qu'avec l'urbanisation et l'accès moindre à des zones de tir ou des terrains de chasse, l'un des principaux moyens permettant aux jeunes tireurs potentiels d'entrer en contact avec des armes à feu et des munitions consiste à utiliser des scénarios de jeux virtuels".
"Un trop faible volume de vente"
Dans un premier temps, la National Rifle Association (le lobby des armes à feu américain) - qui défend fermement le droit des individus à détenir et utiliser des armes à feu - avait remis en lumière la faute sur les jeux vidéo. Sans mentionner la participation des fournisseurs d’armes.
"Le fait que l’ACR soit si populaire dans Call of Duty était un peu déroutant, c’était le seul aspect positif que nous pouvions dire à propos de ce fusil", défendait John Trull, vice-président de la gestion des produits pour les armes à feu de Remington à l’époque. "Dans la vraie vie, la production du produit s’est arrêtée car il y avait un trop faible volume de vente".
Sorti en 2009, Call of Duty: Modern Warfare 2 s’est écoulé à 22.7 millions d’exemplaires dans le monde entier selon IGN.