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"Ça m'a pris deux minutes": comment un Belge a fait croire qu'il était à l'origine de la panne informatique mondiale

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Vincent Flibustier, formateur en citoyenneté numérique et fondateur de l'ancien site d'information parodique Nordpresse, a joué au stagiaire fautif. Feignant d'être le responsable de la panne qui a touché plus de 8,5 millions d'ordinateurs Windows vendredi dernier.

Sa publication a fait le tour du monde. C'est peu dire. Vendredi dernier, en fin de matinée et alors que la planète entière est sous le coup de l'une des plus grosses pannes informatiques de l'histoire, Vincent Flibustier, un Belge de 33 ans, publie une photo de lui sur Twitter. Le cliché prend la forme d'un selfie, où on le voit assis sur une chaise devant le logo de Crowdstrike, l'entreprise ayant causé la panne géante, avec un commentaire ironique.

"Premier jour chez Crowdstrike, j'ai publié une petite mise à jour et je prends mon après-midi", peut-on ainsi lire sur cette publication qui dépasse désormais les 45 millions de vues.

De quoi, évidemment, se désigner comme principal responsable de l'immense chaos numérique mondial.

La publication, dont le montage grossier aura alerté les plus observateurs, joue en réalité la carte humoristique. Le commentaire surfe sur la véritable origine de la panne, qui résulte justement d'une mise à jour vérolée d'un logiciel de Crowdstrike installé sur des millions de machines dans le monde, provoquant leur mise à l'arrêt.

"Cela m'a pris deux minutes", lance l'intéressé auprès de Tech&Co. "Je me suis pris en photo alors que j'étais chez un client. J'ai fait un détourage automatique de l'image et le tour était joué. Les yeux les plus avertis auront remarqué que le détourage était mal fait et que ma main droite est anormalement petite."

Des proportions discutables liées au fait que la main en question a été générée par intelligence artificielle, comme l'explique Vincent Flibustier sur Twitter.

"Les gens aiment bien identifier le coupable"

Ce formateur en citoyenneté numérique et spécialiste en "fake news" se dit "surpris" par la portée de sa publication. "Car ce n'est pas un contenu très original. C'est le genre de trucs que l'on voit en boucle sur les réseaux sociaux."

Vincent Flibustier a su casser ce qu'il appelle "le mur du con". Autrement dit: le fait que l'information soit "poussée au second degré par des gens qui savent que c'est une blague" pour qu'elle arrive "au premier degré". "Ça marche encore mieux."

"Je pense que ça a aussi fonctionné, car les gens aiment bien identifier un coupable. C'est plus facile de désigner un couillon à qui l'on peut attribuer l'erreur, plutôt que de commencer à faire une enquête très sophistiquée et pas à la portée de tout le monde. Et cette fois-ci, le couillon, c'était moi."

Mais le Belge de 33 ans ne s'est pas arrêté là et a publié, trois heures plus tard, une vidéo expliquant, dans un anglais parfait, "ce qu'il s'est passé". Là encore, un récit qui est imaginé de toutes pièces.

"Je me suis pris en selfie pendant une minute en détaillant toute (la fausse, ndlr) histoire. Il ne m'a fallu qu'une prise et la modique somme d'un euro pour réaliser cette fake news", poursuit-il.

À l'aide d'un outil de traduction vocale fonctionnant grâce à l'intelligence artificielle (IA) générative nommé HeyGen, Vincent Flibustier a ainsi diffusé un supposé récit oral de sa (fausse) mésaventure chez Crowdstrike.

"Des milliers de personnes y ont cru. Pour pousser le bouchon au maximum, j'ai même changé ma biographie sur Twitter en indiquant que j'étais un ancien employé de Crowdstrike".

Un succès "pas mérité"

Le fondateur de l'ancien site d'information parodique Nordpresse, déplore le "manque de vigilance" de beaucoup de personnes sur les réseaux sociaux. "À la suite de ces deux publications, j'ai fait des démentis. J'y j'explique pourquoi et comment j'ai fait de telles blagues. Mais ces vidéos-là ont eu 20 fois moins de succès que les deux précédents contenus."

Même si le succès de sa publication "n'est pas mérité" du fait "de sa qualité", Vincent Flibustier a été appelé par de nombreux médias pour donner des interviews partout à travers le monde. Parfois face à des journalistes persuadés qu'il était véritablement le malheureux salarié de Crowdstrike qui avait diffusé la mise à jour fatale.

"On m'a même contacté depuis le Japon ou l'Arabie Saoudite pour témoigner de mon expérience", s'est-il amusé.

Sur Twitter, son nombre d'abonnés est passé de 63.000 à presque 80.000 en un week-end. Mais la plus grosse progression a eu lieu sur Linkedin. "C'est là où j'ai reçu des centaines d'invitations, de la part d'Américains, notamment", explique-t-il.

Willem Gay