Près de 300 jours de retard: la grogne monte autour de MaPrimeRénov

Aujourd'hui une alerte sur la rénovation de nos logements. L'aide de l'Etat MaprimeRénov met de plus en plus de temps à être versée aux bénéficiaires. Des millions d'euros sont en attente de paiement depuis des mois. La situation est telle que des entreprises de la rénovation se sont mobilisées lundi devant le siège de l'Agence Nationale de l'Habitat chargée de distribuer les aides.
De quels retards parlent-on ?
C'est une bataille de chiffres entre l'Agence Nationale de l'Habitat et les professionnels de la rénovation. Selon l'ANAH, certes il y a un allongement des délais mais rien de dramatique non plus.
Ainsi, le délai moyen à l’engagement des dossiers avant les travaux est 63 jours pour la rénovation par geste et de 105 jours pour la rénovation d'ampleur. Le délai moyen de paiement des dossiers après les travaux est de 49 jours pour la rénovation par geste et de 35 jours pour la rénovation d'ampleur.
Des chiffres que contestent les professionnels de la rénovation, notamment ceux qui portent les rénovations globales. Voici, par exemple, ceux transmis par le GERE, le Groupement des Ensembliers de la Rénovation Énergétique: au sein de cette dizaine d'entreprises, il faut en moyenne 9 mois pour obtenir le paiement de MaprimeRénov après la fin des travaux. Pour la rénovation globale, ils constatent un délai de 150 jours après la validation du dossier et 272 jours après les travaux.
Pourquoi ces retards?
Plusieurs raisons, selon l'ANAH. Tout d'abord, le budget pour 2025, adopté tardivement, a créé un embouteillage avec beaucoup de dossiers en attente qui se sont accumulés. Ensuite, la lutte contre la fraude allonge les délais d'instruction et les contrôles post travaux. Le dispositif est victime de son succès, avec une forte de demande à gérer.
Et enfin, selon les entreprises de la rénovation, il y a un problème de sous-effectifs au niveau local avec des délégations départementales complètement surchargées. 800 dossiers en attente par exemple dans le département de la Gironde, qui explique qu'il faut compter aujourd'hui environ 6 mois d'attente pour la prise en charge d'un dossier. Les services précisent même qu'ils ne savent pas si d'ici là l'enveloppe qui a été attribuée au département pour cette année ne sera pas déjà entièrement consommée.
Il y a également des précautions démesurées qui aboutissent à des situations ubuesques. Un changement de RIB entre la première inscription et la demande de paiement, un deuxième nom sur le compte bancaire, qui ne figure pas sur le dossier d'inscription... ça peut bloquer le paiement. Ou alors, la demande de consentement pour les particuliers qui passent par un mandataire. En gros, l'entreprise avance les aides aux ménages et c'est elle qui recevra donc à terme l'aide publique. Là encore, pour éviter la fraude, l'administration demande une validation du ménage une fois les travaux terminés. Or il arrive que les appels soient passés en numéro masqués et restent donc sans réponse de ménages méfiants et les mails de relance dans les courriers indésirables, si bien qu'à la fin la prime est retirée.
Ou encore, il y a les contrôles chantiers confiés par l'administration à Bureau Véritas, préalable au bon paiement des rénovations globales. Certains ménages assurent que les rendez-vous fixés ne sont pas honorés.
Qui sont les victimes de ces retards?
Les particuliers évidemment, mais surtout les entreprises qui sont devenues, pour beaucoup d'entre elles, ces fameux mandataires financiers. Autrement dit, elles se substituent aux particuliers pour percevoir les aides, permettant aux ménages très modestes de ne pas avoir à avancer les fonds. On est d'ailleurs souvent sur des profils qui ne peuvent même pas obtenir un prêt de la banque ou ce qu'on appelle un ECO Prêt à taux zéro dédié à la rénovation.
Des entreprises qui, ces dernières semaines, licencient, parfois mettent la clé sous la porte car pour elles ce sont des millions d'euros qui sont en attente de paiement.
Selon le patron de la plateforme justice.cool, qui aident les entreprises et les particuliers en conflit avec l'Anah, au total plus d'un milliard d'euros seraient en attente de versement. Il a épluché les comptes de l'agence: "De 2021 à 2023, 6,3 milliards d'euros ont été autorisés par l'Anah au titre de MaprimeRénov. Or seulement 4,7 milliards ont véritablement été versés".1,6 milliard d'écart.
Que faire face aux retards ou au refus de paiement de MaPrimeRénov'?
Particuliers ou entreprises, les démarches seront longues et les résultats plus qu'incertains. Selon l'Anah sur les 2.658 dossiers portés en justice, 2.597 décisions lui ont été favorables. La plateforme Justice.cool, qui porte l'essentiel de ces dossiers affirme que ceux-là n'ont, à date, été jugés que sur la forme.
De nouveaux jugements ne devraient pas tarder, sur le fond cette fois-ci. Et là les défenseurs de ces bénéficiaires pensent pouvoir obtenir gain de cause. Concrètement si vous souhaitez contester un refus de votre aide ou une révision à la baisse de votre enveloppe il faudra aller vite. Un recours administratif à adresser directement à l'ANAH (lettre recommandée avec accusé de réception) dans les 2 mois suivant la décision de l'agence. L'Anah a alors 2 mois pour vous répondre. Une non-réponse vaudra refus. Vous aurez alors deux mois pour saisir le tribunal administratif et donc portez l'affaire devant la justice.
Attention aux fraudes
Il y a deux types de fraudes. Tout d'abord, les entreprises qui perçoivent des aides au noms de particuliers qui n'ont jamais demandé ou fait réaliser des travaux. Ensuite, des entreprises qui gonflent les devis ou lancent des travaux surdimensionnés pour percevoir davantage d'aides publiques.
Comment éviter les entreprises suspectes ?Il ne faut pas créer au téléphone son espace perso ANAH. Il faut se méfier des entreprises qui promettent 0 reste à charge. Même pour les plus modestes, MaprimeRénov n'est censé couvrir que jusqu'à 90% du coût des travaux. Quand une entreprise vous promet de ne rien payer c'est qu'elle va gonfler le devis et se faire rembourser plus et compenser ce qui aurait dû être à votre charge.
Souvent ces entreprises vous proposent de faire de la pub pour elles une fois les travaux terminés. C'est légal mais c'est un signal qui doit vous alerter. Attention, si pomper plus d'argent public que prévu est une fraude, ça ne veut pas dire forcément que les travaux sont mal faits.