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Rénovation Et Travaux

Les rénovations thermiques des logements font-elles vraiment baisser la consommation d'énergie?

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Une étude anglaise montre que les économies d'énergies réalisées lors de l'isolation d'un logement disparaissent rapidement.

Cela vaut-il vraiment le coup de rénover les passoires thermiques? Une étude, repérée par Marianne, réalisée entre 2005 et 2017 par des chercheuses de l'Université de Cambridge sur un panel de 55.154 ménages en Angleterre et au Pays de Galles et publiée en janvier 2023, vient semer le doute. Les chercheuses ont étudié la consommation de gaz cinq ans avant et cinq ans après la rénovation de leur logement.

Elles ont certes constaté que l'isolation des murs entraine une réduction de la consommation de gaz la première année. Mais cette baisse de la consommation tombe à 2,7% la deuxième année et, à partir de la 4eme année, les économies d'énergie deviennent quasi nulles. L'isolation des combles est, elle, encore moins efficace puisqu'elle ne permet qu'une baisse de la consommation de gaz de 1,8% la première année et devient presque insignifiante la deuxième.

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Le comportement des ménages change

Cela signifierait-il que l'isolation des logements est inefficace? Pas forcément! Car le problème ne vient pas nécessairement du bâtiment mais plutôt du comportement de ses habitants. Les chercheuses pointent du doigt la consommation des ménages. Plutôt que de rester dans un confort équivalent et dépenser moins en gaz, ils préfèrent dépenser autant qu'avant et gagner en confort. C'est ce qu'on appelle "l'effet rebond". Les ménages, estimant avoir rentabilisé leur bien, sont aussi moins attentifs à leur consommation: chauffage trop élevé, fenêtres ouvertes…

Un autre élément peut expliquer cette remontée de la consommation d'énergie post-travaux. Les chercheuses constatent que les Anglais ont un goût très prononcé pour les extensions de maisons, notamment l'ajout d'une véranda. En 2011, 20% des ménages anglais disposaient ainsi d'une véranda. Et le marché des vérandas a tendance à progresser ces dernières années (+3% en 2018 par exemple). Ces vérandas étant souvent chauffées, la consommation de gaz augmente. Or, de nombreux propriétaires ont installé des vérandas après leurs travaux de rénovation énergétique, ce qui a annulé les effets positifs des travaux sur leur consommation.

Enfin, les chercheuses notent également que chez les ménages défavorisés, la réduction de consommation de gaz est moindre. D'une part, car ils consommaient déjà moins d'énergie à la base, mais également car une fois l'isolation achevée, ils veulent profiter d'une température plus agréable dans leur logement.

Plus efficace de financer des pompes à chaleur

Ce n'est pas la première fois qu'une étude remet en cause l'utilité des rénovations énergétiques dans le bâtiment. En juillet 2020, la plus importante fédération allemande de sociétés immobilières, la GdW, avait publié un rapport en ce sens, relayé notamment par Le Monde. Aussi, malgré 341,8 milliards d'euros consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments entre 2010 et 2018, la consommation moyenne d'un logement n'avait pas bougé: 130 kWh/m2/an en 2018... contre 132 kWh/m2/an en 2010. Là, encore, si plusieurs explications sont avancées, l'effet rebond est à nouveau mis en avant. Pour résumer: au lieu de chauffer à 19° ou 20°, les gens passent à 22° ou 23° par exemple, à budget constant. La GdW recommandait ainsi de davantage se concentrer sur la production d'énergie bas carbone pour se chauffer que sur d'hypothétiques gains énergétiques réalisés par le biais des rénovations.

En France, le fonctionnement de MaPrimeRénov' et son efficacité ont aussi été pointés du doigt. La Cour des Comptes avait par exemple estimé que le dispositif n'avait permis en 2021 de faire changer de niveau de performance énergétique que... 2.500 logements, contre un objectif de rénover 80.000 passoires thermiques. Pour un coût très élevé: le budget de maPrimeRénov' pour 2023 est ainsi de près de 2,5 milliards d'euros. C'est pourquoi Jean-Marc Jancovici, ingénieur spécialiste du climat et fondateur de The Shift Project, estime qu'il serait beaucoup plus pertinent de financer avec cet argent l'installation de pompes à chaleur.

Lors d'une conférence en 2018, Jean-Marc Jancovici expliquait déjà: "Si au lieu de mettre 100 milliards d'euros dans l'éolien et le solaire, on avait mis 100 milliards dans les pompes à chaleur, on pouvait payer une pompe à chaleur gratos à 10 millions de ménage. On aurait débarrassé la France de son fioul et de l'essentiel de son chauffage à gaz. On aurait supprimé 25% des émissions de CO² dans le pays, on aurait supprimé 15 milliards d'euros d'importations par an. Pourquoi on ne l'a pas fait? Tout simplement parce que les gens qui sont vocaux sur la question de l'énergie ne s'intéressent qu'à l'électricité et au nucléaire. Donc ils ont poussé les subventions aux énergies renouvelables électriques".

https://twitter.com/DianeLacaze Diane Lacaze Journaliste BFM Éco