Mal-logement: ces villes où les ménages les plus modestes ne peuvent plus habiter
C'est un nouveau cri d'alarme que pousse la Fondation Abbé Pierre dans sa dernière étude sur le mal-logement en France. "4,1 millions de personnes souffrent de mal-logement ou d’absence de logement personnel. Outre ces situations les plus graves, 12,1 millions de personnes sont touchées à des degrés divers par la crise du logement. Au total, sans les doubles comptes, près de 15 millions de personnes sont touchées, à un titre ou à un autre, par la crise du logement", déplore la Fondation en se basant sur des chiffres actualisés de l'enquête national Logement de l'Insee de 2013.
Et la situation se dégrade. "Le nombre de personnes sans domicile a plus que doublé depuis 2012 et même triplé depuis 2001. Celui des personnes en hébergement contraint chez des tiers de 19% entre 2002 et 2013. Les personnes en surpeuplement accentué sont de plus en plus nombreuses, alors que la tendance depuis des décennies était plutôt à la baisse: + 17 % entre 2006 et 2013 pour le surpeuplement accentué et + 6% pour le surpeuplement modéré (…). En 2013, les Français étaient 44% de plus qu’en 2006 à se priver de chauffage à cause de son coût". Pour 2022, la Fondation pointe notamment du doigt la précarité énergétique avec un bouclier tarifaire incomplet, le pouvoir d'achat en baisse et la production de logements en chute.
Les villes du littoral inaccessibles
Mais surtout, la Fondation constate que les logements sont de moins en moins abordables dans de nombreux territoires. "La hausse des prix de l’immobilier tend à se répandre dans la plupart des régions. Aujourd’hui, toutes les zones littorales ouest et sud du pays présentent des prix élevés comme la quasi-totalité des métropoles et des secteurs à proximité de l’Allemagne, de la Suisse et du Luxembourg. D’autres villes moyennes sont touchées par la hausse des prix, notamment en raison de leur relative proximité avec la région parisienne, comme Le Mans, Tours, Chartres, Reims, Orléans ou Angers", précise le rapport.
Cet élargissement des territoires d’exclusion a conduit la Fondation Abbé Pierre à examiner les conditions d’accès au logement de ménages de tailles diverses ayant des revenus inférieurs à la moyenne dans 24 villes de différentes tailles: Paris, Aubervilliers, Marseille, Lyon, Vénissieux, Nice, Nantes, Strasbourg, Schiltigheim, Lille, Roubaix, Rennes, Vezin-le-Coquet, Angers, Annecy, Metz, Besançon, Blois, Tarbes, Melun, Dax, Romorantin-Lanthenay, Pornic, Volvic, Chambéry. Dans les 13 communes (Paris, Aubervilliers, Marseille, Lyon, Vénissieux, Nice, Nantes, Strasbourg, Schiltigheim, Lille, Roubaix, Rennes, Vezin-le-Coquet) appartenant aux 8 métropoles sélectionnées, le parc locatif privé apparaît inaccessible à la majorité des ménages-types étudiés. Les prix pratiqués dans les communes de banlieue proche, pourtant historiquement plus abordables, rendent les logements souvent inaccessibles, notamment pour les familles ayant des revenus inférieurs à 2500 €/ mois et aux personnes seules en-dessous du Smic.
Les HLM comme seule option
Dans les villes moyennes et petites, la situation est plus contrastée. Parmi les 11 villes étudiées, Annecy, Metz, Melun, Besançon et Pornic ne permettent pas à une partie des ménages modestes de trouver un logement correspondant à leurs besoins. Dans l’ensemble des villes françaises sélectionnées, aucun parc locatif privé ne peut offrir un logement adapté aux personne seules et aux familles monoparentales ayant des revenus inférieurs à 900 €/mois (même avec l’APL).
"Celles-ci voient donc leurs possibilités de se loger réduites au seul parc social, quand il est disponible, ou se trouvent condamnées à devoir chercher un logement éloigné des villes-centres ou de devoir accepter de vivre dans des conditions dégradées (habitat indigne, inconfortable ou sur-occupé…) ou avec des taux d’effort peu soutenables, au-delà des 33% retenus dans notre simulation. En ce qui concerne l’accession à la propriété pour les ménages modestes étudiés ici, les perspectives sont nulles ou presque aux prix du marché", note la Fondation Abbé Pierre.