Combien de Français risquent vraiment de basculer dans l'impôt en l'absence de Budget 2025?

Le sort de millions de contribuables toujours en suspens. Votée en urgence pour pallier l'absence de budget, la "loi spéciale" n'a pas permis de revaloriser au 1er janvier le barème de l'impôt sur le revenu à hauteur de 2% pour compenser l'inflation, comme cela était prévu dans le projet de loi de finances présenté par l'ex-gouvernement Barnier.
Conséquence: des millions de foyers qui ont vu leurs revenus augmenter en 2024 risquent de payer plus d'impôts si la France n'est toujours pas dotée d'un budget à l'issue de la campagne de déclaration de revenus qui s'ouvrira en avril. En outre, plusieurs centaines de milliers de Français, jusqu'alors non imposables, sont en passe de le devenir puisque l'entrée dans la première tranche de l'impôt, à 11%, a été maintenue à 11.294 euros, alors qu'elle aurait dû passer à 11.520 euros en l'absence de gel du barème.
En décembre, l'ancien ministre délégué aux Comptes publics, Laurent Saint-Martin, assurait que "380.000 foyers" non imposables basculeraient dans l'impôt sur le revenu sans la traditionnelle revalorisation du barème. Avant que sa successeure, Amélie de Montchalin, n'évoque lundi le nombre de "600.000 contribuables".
Contribuables ou ménages?
Comment expliquer un tel écart? Du côté de Bercy, on précise que le gel du barème "impliquerait l'entrée dans l'impôt de 619.000 nouveaux contribuables qui se verraient imposés lors du calcul de l'impôt à l'été 2025, à l'issue de leur déclaration de revenus du printemps prochain, alors qu'ils ne le seraient pas si les tranches du barème étaient revues". "Il s'agit du dernier chiffre de la Direction générale des Finances publiques", poursuit le ministère de l'Économie.
Le chiffre de 380.000 mentionné par Laurent Saint-Martin semble lui provenir d'une publication d'octobre de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Son auteur, l'économiste Pierre Madec, expliquait que "près de 380 000 ménages deviendraient imposables au titre de l’impôt sur le revenu alors qu’ils en seraient exonérés si l’indexation du barème sur l’inflation était pratiquée".
Contacté par BFM Business, Pierre Madec indique que "plusieurs éléments peuvent expliquer un possible écart entre (son) estimation d'octobre et les chiffres avancés par la ministre". Le premier, c'est que l'économiste parle de "ménages" dans son étude et non de "contribuables". Si un contribuable représente une personne, un ménage désigne l'ensemble des habitants d'un même logement. Ce qui peut déjà expliquer une part importante de l'écart.
Ensuite, "les données que j'ai mobilisées sont des projections pour l'année 2022. Autrement dit, il est possible que des chiffres plus récents" à la disposition de Bercy "fournissent des entrants plus nombreux (les revenus par exemple ont pu augmenter plus rapidement entre 2022 et 2023)", poursuit l'économiste, jugeant que l'estimation des "600.000 contribuables paraît plausible". Le ministère de l'Économie confirme de son côté que le chiffre de 380.000 "ne reflète pas les dernières informations sur les revenus catégoriels des contribuables".
Reprise des débats le 15 janvier
Le gouvernement, qui a lancé des concertations avec les différentes forces politiques espère trouver des compromis pour faire voter un budget à temps et éviter d'augmenter l'impôt des Français: "Nous aurons un budget qui comportera une indexation du barème", a promis fin décembre le ministre de l'Économie, Éric Lombard.
Le Premier ministre François Bayrou avait dit pour sa part espérer l'adoption d'un budget "à la mi-février" sans toutefois être "sûr d'y arriver". Les débats budgétaires doivent reprendre le 15 janvier au Sénat, là où ils s'étaient arrêtés avant la censure du 4 décembre, c'est à dire en plein examen de la deuxième partie du budget consacrée aux dépenses.