Pourquoi le nombre de ventes aux enchères immobilières augmente à Paris

Ces ventes judiciaires immobilières sont organisées sous la supervision du tribunal. - Bertrand GUAY / AFP
41 euros par mètre carré pour un appartement situé à Grigny, 1.434 euros par mètre carré pour une maison située à Palaiseau... Le tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes (Essonne) organise mercredi 23 octobre une mise aux enchères publiques de trois maisons, trois appartements et deux parkings situés en Île-de-France, à des prix pour le moins… attractifs.
Les prix sont en effet dérisoires pour ces zones géographiques. D’après le site PAP, le prix au mètre carré à Grigny (Essonne) est fixé à 1.644 euros pour un appartement et 5.113 euros à Palaiseau (Essonne) pour une maison. Mais cela n’augure rien du prix final de vente, qui se fera le plus souvent au prix du marché.
Une mise à prix basse, mais des biens qui se vendent au prix du marché
La mise à prix du bien est fixée par le créancier poursuivant, en fonction du montant de la créance et de la valeur du bien. "Ce prix est bas pour attirer les acheteurs, il ne correspond pas à la réelle valeur du bien", explique Emmanuel Constant, avocat spécialisé dans la vente judiciaire chez CB Avocats et enseignant à Paris 1 . Mais cela ne veut pas dire que la vente aux enchères judiciaire va être forcément une bonne affaire.
"En Île-de-France, c’est très rare que le bien ne parte pas au prix du marché", explique Emmanuel Constant, avocat.
"C’est un moyen comme un autre d’acheter un bien immobilier", analyse t-il. "Ce n'est ni la poule aux oeufs d'or, ni l’eldorado", prévient-il. "Il n’y a pas de frais d’agence, mais il y a des frais d’avocat", ce qui rend la procédure équivalente en terme de coûts à une procédure d’achat classique (via un site ou une agence).
Parfois, les prix peuvent aller au-delà du marché "en cas de forte spéculation immobilière" dans le secteur immobilier, précise l’avocat. En revanche, le bien peut aussi partir en deçà du prix du marché. Cela va être le cas si le bien est "occupé, nécessite des travaux ou en fonction de la période de l’année", explique maître Amir Ben Majed, avocat spécialisé en droit des affaires.
L’adjudicataire (personne qui remporte le bien lors de la vente aux enchères) doit consigner 10% de la mise à prix afin de pouvoir enchérir. Ensuite, il aura deux mois pour payer le prix. La vente se déroule au tribunal sous l’autorité du juge de l'exécution. Les enchérisseurs sont représentés par un avocat.
Comment expliquer de telles mises aux enchères judiciaires?
Pour le tribunal judiciaire d’Évry, "les causes peuvent être nombreuses", allant de "charges non payées" au "litige dans le cas d’une succession". Le créancier va engager une procédure judiciaire en assignant le propriétaire en justice et le juge décide ou non d’ordonner la vente aux enchères du bien.
"Les créanciers peuvent être des syndics de copropriété pour des charges non payées, des banques pour un crédit immobilier non remboursé, voire, dans certains cas plus rares, l’État pour le non-paiement de la taxe foncière" détaille maître Amir Ben Majed.
La vente aux enchères dans un cadre judiciaire est vraiment "la dernière solution", explique l'avocat Emmanuel Constant. Dans le cadre de la procédure, le juge va souvent laisser un délai pour permettre au propriétaire de vendre le bien à l’amiable. Mais "si l’économie va mal, il est plus compliqué de trouver un acheteur à l’amiable", explique l’avocat. "Ce sont des explications conjoncturelles."
Une tendance à la hausse des ventes aux enchères judiciaires
"Je remarque une augmentation de ce type de vente depuis le Covid" constate, maître Amir Ben Majed. L’avocat explique que "cela a vraiment augmenté mi-2023". Avant la pandémie, il participait à des audiences "avec quatre à cinq bien mis aux enchères".
"Aujourd’hui les audiences sont pleines, avec plus de 12 biens en vente", décrit-il.
Un constat partagé en Île-de-France par le site Vench (site de vente aux enchères immobilières en France) qui note des "hausses notables" du nombre de ventes aux enchères à Paris au 1er semestre 2024 (+34% par rapport à 2023), et en Essonne (+28% par rapport à 2023), traduisant "une montée des difficultés économiques pour les propriétaires locaux". A l’inverse, d’autres départements comme les Bouches-du-Rhône, la Seine-Saint-Denis et le Val de Marne voient une "diminution significative" des ventes aux enchères judiciaires, analyse le site.
L’augmentation de ce type de procédure devrait être "un cri d’alerte" selon Amir Ben Majed qui y voit le signe d'une dégradation économique et de la difficulté de propriétaires surendettés à payer taxes et crédits immobiliers.