Affaire Fillon contre Jouyet: le tribunal correctionnel ordonne une relaxe générale

L'ancien Premier ministre François Fillon (à gauche) et le secrétaire général de l'Elysée Jean-Pierre Jouyet (à droite). - Montage AFP
François Fillon a-t-il demandé à l'Elysée d'accélérer les procédures judiciaires contre Nicolas Sarkozy, comme l'ont écrit deux journalistes du Monde? Saisi par l'ancien Premier ministre, qui dément, le tribunal n'a pas répondu sur le fond de l'affaire, mais rendu une relaxe générale pour Jean-Pierre Jouyet et les deux journalistes du Monde mis en cause. Ainsi la justice reconnaît le caractère diffamatoire des propos reprochés, mais retient aussi la "bonne foi" en faveur des prévenus.
En novembre, dans les colonnes du quotidien du soir et dans leur livre Sarko s'est tuer, les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme écrivent que, lors d'un déjeuner le 24 juin 2014, François Fillon demande au secrétaire général de la présidence, Jean-Pierre Jouyet, que l'Elysée intervienne sur la justice contre l'ancien président pour empêcher son retour.
Fillon, déterminé à "laver son honneur"
Déterminé à laver son honneur, l'ancien Premier ministre, concurrent de Nicolas Sarkozy pour la candidature des Républicains (ex-UMP) à la présidentielle de 2017, a assuré qu'il ne s'était jamais livré à de tels procédés, ni n'avait envisagé de le faire.
Convaincu que Jean-Pierre Jouyet était en "service commandé", à la barre de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, François Fillon s'est posé en victime d'une "opération" visant à le "décrédibiliser" et à "semer la zizanie" au sein de sa famille politique.
Son avocat, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, a même parlé d'une "affaire d'Etat", mettant en cause le président François Hollande. Maintenant leurs informations, les journalistes du Monde ont rétorqué que cette thèse n'avait aucun sens.
Un enregistrement clé
Dans leur offre de preuve, ils ont produit neuf minutes extraites de l'enregistrement de leur rencontre avec Jean-Pierre Jouyet leur faisant son récit du déjeuner du 24 juin. Le secrétaire général de l'Elysée est lui aussi poursuivi en diffamation. Le troisième participant à ce fameux repas, Antoine Gosset-Grainville, a quant à lui défendu la version de François Fillon.
Au terme d'une journée d'audience marathon le 28 mai, "on ne sait toujours pas ce qui s'est passé et on ne le saura jamais", a conclu la procureur Annabelle Philippe. La magistrate du parquet a conclu à la relaxe générale, sans prononcer explicitement le mot. A l'issue de son délibéré, ce jeudi, le tribunal ne devrait vraisemblablement pas en dire davantage sur les faits.
A moins qu'il ne considère que les journalistes ont rapporté la preuve parfaite de ce qu'ils avancent - ce qui est très rare - il ne pourra que se prononcer sur la diffamation. C'est à dire déterminer si les propos litigieux constituent, ou non, un fait précis portant atteinte à l'honneur et à la considération de François Fillon.
Un euro de dommages et intérêts, ou une relaxe?
Dans l'affirmative, les juges devront dire si les journalistes avaient suffisamment d'éléments pour pouvoir l'affirmer, c'est-à-dire s'ils doivent être relaxés au titre de la "bonne foi", ou s'ils doivent être condamnés. La représentante du parquet a considéré à l'audience que l'enregistrement représentait une base factuelle suffisante.
Pour ce qui est de Jean-Pierre Jouyet, sa responsabilité ne peut selon elle être retenue, faute de preuve que le secrétaire général de l'Elysée ait "participé en son nom propre à la diffusion de l'information". Absent à l'audience, il y était représenté par son conseil, Me Jean Veil. Sa position consiste à contester l'interprétation de ses dires faite par les journalistes du Monde et à soutenir qu'il a été enregistré à son insu, version contestée par les journalistes.
Dans chacun des quatre dossiers dans cette affaire, François Fillon demande un euro de dommages et intérêts et des mesures de publication de la décision. Les avocats de la défense ont quant à eux plaidé la relaxe. L'un des avocats du Monde, François Saint-Pierre, a dénoncé une procédure "totalement abusive", estimant que François Fillon a "utilisé ce procès" pour se justifier "vis-à-vis de Nicolas Sarkozy".