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Pour l'historien Pierre Rosanvallon, la France traverse "la crise démocratique la plus grave" depuis "la fin du conflit algérien"

Pierre Rosanvallon le 28 janvier 2015 à Paris

Pierre Rosanvallon le 28 janvier 2015 à Paris - Bertrand GUAY / AFP

Le très respecté professeur au Collège de France a étrillé Emmanuel Macron après son allocution lundi soir. "Ce que nous vivons là, c’est la répétition des gilets jaunes, mais en beaucoup plus grave", a avancé l'historien sur le plateau de "Quotidien", regrettant le manque de "modestie" du chef de l'État.

Des propos très remarqués. L'historien Pierre Rosanvallon a porté un regard sévère sur l'atmosphère sociale en France après l'allocution d'Emmanuel Macron. Si l'Élysée cherche à enjamber la mobilisation sociale depuis trois mois, le professeur au Collège de France affiche son inquiétude.

"Nous sommes en train de traverser, depuis la fin du conflit algérien (en 1962 NDLR), la crise démocratique la plus grave que la France ait connue", a assuré le spécialiste d'histoire contemporaine dans "Quotidien" sur TMC lundi soir.

"Une répétition des gilets jaunes en beaucoup plus grave"

Le président de la République a bien dit "regretter" qu'un "consensus n'ait pu être trouvé" sur la réforme des retraites lors de son discours. "Cette réforme est-elle acceptée? À l'évidence non", a même reconnu Emmanuel Macron.

Mais la réforme a bien été promulguée dans la nuit de vendredi à samedi, dans la foulée de sa validation partielle par le Conseil constitutionnel.

"Ce que nous vivons là, c’est la répétition des gilets jaunes, mais en beaucoup plus grave. Aujourd’hui, il y a ce même sentiment de ne pas être écouté ", a ajouté Pierre Rosanvallon.

"Une pente glissante"

"Nous sommes entrés dans une crise qui peut être gravissime parce que c’est une pente glissante. Et cette intervention n’a mis aucun frein, aucun point d’arrêt", a regretté l'universitaire, qui avait soutenu une partie de la très controversée réforme d'Alain Juppé sur les retraites en 1995.

Emmanuel Macron s'est de son côté donné "100 jours" pour faire avancer les chantiers de la santé et de l'éducation, "l'économie verte" et la lutte contre l'immigration illégale, sans aucune nouvelle annonce.

"Personne et surtout pas moi, ne peut rester sourd à cette revendication de justice sociale et de rénovation de notre vie démocratique. Personne, et moi en particulier", a encore souligné Emmanuel Macron lors de son discours. Sans guère convaincre Pierre Rosanvallon.

"Nous sommes entrés dans une crise qui peut être gravissime parce que c’est une pente glissante. Et cette intervention n’a mis aucun frein, aucun point d’arrêt", a encore souligné le chercheur.

Un président qui est "passé de l'ombre à l'Élysée"

Pierre Rosanvallon a également pointé du doigt la personnalité du président, à qui il manque une "chose importante: la modestie". Et de citer ses prédécesseurs qui "ont eu une vie politique, une vie sociale, qui ont été sur les marchés, tenu des permanences".

Emmanuel Macron, qui a d'abord été secrétaire général adjoint de François Hollande puis ministre de l'Économie, "est passé en quelques mois de l'ombre à l'Élysée".

Ce n'est pas la première fois que l'universitaire Pierre Rosanvallon étrille le Président. Dans un entretien à Libération, il avait dénoncé début avril son "arrogance nourrie d'ignorance sociale et de méconnaissance de l'histoire des démocraties".

Les syndicats n'ont pas non plus été tendres avec le chef de l'État. Laurent Berger, le numéro 1 de la CFDT, a déploré sur BFMTV "l'espèce de vide" des propos du Président, qui "n'a rien compris" à la colère des Français.

Marie-Pierre Bourgeois