Terrorisme: qui sont les 1.100 agents que le renseignement va recruter?

Le Premier ministre Manuel Valls a annoncé le renforcement des services de renseignement d'ici les trois prochaines années. Zoom sur ces policiers, militaires et civils qui surveillent la France.
La machine a été mise en branle mercredi, au travers des annonces de Manuel Valls pour mieux lutter contre le terrorisme en France: parmi les 2.680 nouveaux emplois créés dans cette optique, quelque 1.100 seront alloués aux services de renseignement, chargés de repérer les menaces terroristes et d'arpenter le terrain.
Dans le détail, 500 iront grossir les rangs de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), réformée en 2013 et missionnée à déjouer les attentats sur le sol français et démanteler les filières terroristes; 500 seront affectés au service central du renseignement territorial (SCRT), héritier des RG et chargé aussi bien de la surveillance de l'islamisme radical ou des mouvements sociaux comme à Sivens, que des violences urbaines et des mouvances ultra de gauche et de droite. Et enfin, 100 rejoindront la direction du renseignement de la Préfecture de police de Paris, équivalente du SCRT et de la DGSI mais sur la région parisienne.
> Qui sont les agents?
Parmi les 500 agents qui seront recrutés au renseignement territorial, 350 sont policiers, et 150 sont gendarmes. A la DGSI en revanche, des civils devraient faire partie des 500 nouveaux recrues. "Il nous faut des linguistes pour les écoutes et la surveillance multimédia, des analystes informatiques, des experts en géopolitique, des ingénieurs...", explique une source policière à BFMTV.com.
Côté police et gendarmerie, tous peuvent prétendre à demander un poste, quel que soit leur profil, sans garantie d'être retenu cependant. "Il y a de la demande, car les missions sont intéressantes, on n'est pas dans le statique devant un immeuble, ou dans le transport de détenus. On est au coeur du métier, à savoir la recherche de renseignements pour assurer la sécurité du pays", poursuit la même source.
> Comment sont-ils recrutés?
Un appel d'offres va être lancé d'ici les trois prochaines années. Si un fonctionnaire de police ou un gendarme souhaite postuler, il doit se signaler auprès de sa direction. Si c'est un civil, il doit envoyer une candidature à l'état-major de la DGSI. Il est ensuite "tapissé" en fonction du poste souhaité: des questions lui sont posées pour évaluer son niveau, ses motivations, ses aptitudes à remplir les fonctions demandées. La sélection est, sans surprise, très exigeante.
S'il est retenu, il doit ensuite faire l'objet d'une enquête avant de pouvoir recevoir une habilitation donnant accès à des informations classifiées. Il existe trois niveaux d'habilitations: confidentiel-défense, secret-défense, ou très secret-défense. Certains critères peuvent être disqualifiants, comme le fait de vivre avec un(e) journaliste. A l'issue de ce processus, si sa candidature est validée, il quitte ses services pour rejoindre le renseignement. Il suit alors un "stage" avant d'intégrer définitivement son poste. En France, contrairement à d'autres pays, il n'y a pas de formation continue prévue dans le renseignement.
> Quelles sont leurs missions?
Le renseignement territorial, créé l'an dernier sur les cendres des RG, est implanté dans chaque département et a pour mission de repérer les signaux faibles de radicalisation politique ou religieuse, ou de détecter un éventuel risque d'émeutes dans une cité ou sur une zone comme à Sivens ou Notre-Dame-des-Landes. Les agents surveillent également l'économie souterraine dans les banlieues, et doivent en permanence avoir un oeil sur les mouvances ultras d'extrême gauche et d'extrême droite.
Ils fonctionnent en milieu ouvert, c'est à dire qu'ils se présentent en tant que policiers sur le terrain, et ne se cachent pas de leurs fonctions. Ils tissent des liens avec les gardiens d'immeuble, les proviseurs de lycée, les agents pénitentiaires, les responsables religieux... Sans oublier les "tontons, qui sont immatriculés chez eux en tant qu'indics, comme ceux de la police judiciaire. Autant de relais susceptibles de les informer d'un individu ou d'une situation à risques. Quand une alerte survient, ils font un travail d'enquête plus approfondi. Si un lien avec le terrorisme est identifié, le dossier est transmis immédiatement au renseignement intérieur, la DGSI. Si les signaux sont faibles, le renseignement territorial garde la main et continue la surveillance.
Le renseignement intérieur travaille plus dans l'ombre, sur les dossiers plus sensibles, directement liés à des menaces d'attentat sur le sol français. Ils disposent de plusieurs sources d'information, outre les surveillances administratives qu'ils effectuent eux-mêmes sur autorisation du Premier ministre: le renseignement étranger, le renseignement territorial, la DGSE (renseignement français à l'étranger), leurs indics, et les "tuyaux" qui remontent directement depuis les commissariats. Une note de ces services dévoilée en novembre dernier fait état de cinq projets d'attentats déjoués depuis 2013 dans des grandes villes françaises.
> Ce renforcement est-il suffisant?
Frédéric Lagache, secrétaire national adjoint du syndicat de police Alliance, estime que "ce plan va dans le bon sens, mais il est insuffisant au regard des besoins sur le terrain". Et le responsable syndical de citer l'exemple de Paris, où "les agents ont en moyenne 20 cibles à surveiller, alors qu'il en faudrait 7 au maximum pour être efficace. De fait, ils ne gèrent principalement que l'urgence."
Par ailleurs, lui estime que "les services territoriaux et ceux de la voie publique ne doivent pas être négligés" dans la lutte contre le terrorisme. "Il arrive qu'un fonctionnaire de police récolte une information importante pendant une patrouille, et rédige ensuite un rapport aux services compétents. Le renseignement se fait à chaque niveau en réalité." Un constat partagé par un "flic de terrain", interrogé lundi par BFMTV.com. "Il faut des moyens pour le renseignement, mais aussi pour ceux qui s’occupent d’assurer la sécurité quotidienne des commerçants, des passants, de l’imam ou du rabbin."

Alexandra GONZALEZ
Journaliste
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