UMP : "Cette crise vient d'un décentrement né du discours de Grenoble"

Pour Stéphane Rozès, Nicolas Sarkozy porte une grande part de responsabilité dans le fiasco de l'UMP. - -

Stéphane Rozès est politologue, président de CAP, enseignant à Sciences-Po et à HEC. Au lendemain de la soirée électorale cauchemardesque de l'UMP, qui n'a pas permis de déterminer qui de François Fillon ou Jean-François Copé a remporté la présidence du parti, Stéphane Rozès analyse les raisons de ce fiasco électoral.
L’UMP est-elle en péril ?
L’UMP connaît une crise grave. La culture du peuple de droite était de considérer que c’était aux chefs de se trouver naturellement un leader. L’idée même de primaire n’est pas dans la culture de droite alors qu’elle fait partie de la culture de gauche.
D’autre part, l’aboutissement de la campagne montrait non seulement des différences de personnalité mais des différences d’orientation très claires et le fait qu’il ne soit pas possible de départager ces deux orientations montre la crise dans laquelle la campagne présidentielle a laissé l’UMP.
Nicolas Sarkozy porte-t-il une part de responsabilité dans ce fiasco ?
Oui, absolument. La ligne de Patrick Buisson a déporté les militants UMP vers une orientation très droitière tout en n’étant pas en phase avec ce qu'est le peuple de droite. En témoignent les écarts entre les sondages, très favorables à François Fillon, et le vote des militants. C’est donc qu’il y a eu au travers de la ligne Buisson-Copé, issue de la présidentielle, une droitisation des cadres de l’UMP en déphasage avec ce qui est le peuple de droite. Voilà d’où viennent les hiatus entre les sondages, très favorables à François Fillon, et le résultat qui, quoi qu’il soit, montre deux camps de force égale.
Cette crise vient d'un décentrement né du discours de Grenoble. Il y avait à peine un tiers des électeurs de l’UMP qui étaient favorables à une alliance avec le FN à l’époque. A la suite de ça, l’UMP devient beaucoup plus favorable à une alliance avec le Front national et ça, c’est la ligne de Patrick Buisson.
Quels sont les risques pour le parti ?
Les risques, c’est que ce soient l’UDI de Jean-Louis Borloo et le FN de Marine Le Pen qui récupèrent la mise. L’UDI est forcément gagnant parce que la ligne de droitisation de l’UMP laisse tout un espace à ce qui, selon moi, a fait les échecs de la droite aux dernières élections. La bataille ne se fait pas à droite de la droite mais, au contraire, au centre droit.
Nicolas Sarkozy peut-il bénéficier de cette situation ?
Je pense que quand il y a la moitié des sympathisants de l’UMP qui souhaitent le retour de Nicolas Sarkozy, on ne peut pas facilement penser une telle chose. Le sujet, pour l’UMP, c’est d’incarner l’alternance à la majorité actuelle. Pour ce faire, il faut faire un droit d’inventaire sur ce qu’a été le quinquennat de Nicolas Sarkozy or il n’est pas le mieux placé pour le faire.
Comment l’UMP peut-elle se relever ?
Ça va être très compliqué. Je ne vois que l’arrivée d’Alain Juppé pour pouvoir recoller les morceaux. Il peut être le dirigeant du recours parce qu’il a l’autorité, la légitimité et surtout le positionnement idéologique qui permettrait à la droite d’apparaître comme une alternative alors que la ligne Buisson est du pain bénit pour les socialistes.
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