Quand Macron parlait religion avec Cohn-Bendit: "l'Etat est devenu laïc, la société ne l'est pas"

Emmanuel Macron et Daniel Cohn-Bendit le 10 octobre 2017. - LUDOVIC MARIN / AFP
En octobre dernier, plusieurs mois avant ses déclarations controversées devant les évêques de France, Emmanuel Macron livrait sa conception de la religion catholique, mais dans un tout autre contexte. Le chef de l'Etat incarnera pour la première fois son rôle dans un documentaire qui sera diffusé fin mai sur France 5, réalisé par Daniel Cohn-Bendit et Romain Goupil. Intitulé La Traversée, il met en scène une série de rencontres avec des Français, dont le chef de l'Etat, interviewé dans une séance décrite comme "culte" par l'ancien leader de mai 68.
Macron attablé dans un café de Francfort
Dans cette scène racontée par L'Obs et Le Parisien, Daniel Cohn-Bendit et son compère Romain Goupil sont assis à la table d'un café de Francfort, et débattent tout d'abord de la manière d'interviewer le chef de l'Etat.
"C'est plein de dorures l'Elysée, ça n'est pas neutre! On sera dans la révérence si on y va. On va perdre l'insolence du film", prévient Romain Goupil. "Cinquante ans après mai 68, la seule chose que je ne pourrais pas faire, c'est aller voir le président?", interroge en retour l'écologiste.
"Ce que tu peux faire, c'est le rencontrer dans un café de Francfort", intervient Emmanuel Macron, présent à leurs côtés à la table.
"Relations traumatisées avec la religion musulmane"
Voilà pour la mise en scène. Outre cet échange, le documentaire propose une séquence intéressante dans laquelle le chef de l'Etat évoque la place du catholicisme en France, dans des termes qui annoncent déjà ses récentes déclarations.
"C'est un pays dont la culture profonde est catholique. Après, elle s'est mélangée avec beaucoup d'autres choses... Elle est judéo-chrétienne plus largement, et puis chaque religion y a trouvé sa place, avec parfois des relations traumatisées et que je voudrais apaiser avec la religion musulmane".
S'ensuit une phrase qui retrouver une résonance quelques mois plus tard: "L'Etat est devenu laïc, la société ne l'est pas", estime le président de la République. Une déclaration reprise mot pour mot ce mardi par le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, alors qu'il défendait Emmanuel Macron après son discours devant les évêques.
"L'Etat est laïc en France, mais la société française n'est pas laïque", a-t-il affirmé sur Europe 1.
"Verticalité du pouvoir"
"Dans les fondamentaux de notre société, il y a quelque chose d'ecclésial, il y a une hiérarchie", ajoute le chef de l'Etat dans le documentaire. D'après Daniel Cohn-Bendit, cette séquence a été négociée directement avec lui, et ce malgré "un combat de tous les instants avec l'Elysée et le protocole". "La verticalité du pouvoir, la sacralisation de la fonction présidentielle, il n'a fait que nous dire ce qu'il pense depuis toujours", estime l'ancien soixante-huitard, interrogé par Le Parisien.
Devant la Conférence des évêques de France lundi, Emmanuel Macron a déclaré vouloir "réparer" les liens entre l'Eglise catholique et l'Etat français, estimant qu'il s'était "abîmé". Des déclarations dénoncées par l'opposition, et notamment la France insoumise. "Emmanuel Macron en plein délire métaphysique. Insupportable. On attend un président, on entend un sous-curé", avait réagi Jean-Luc Mélenchon.