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Société

Transmission volontaire du virus du sida: que dit la loi?

Christophe Morat quitte, le 04 janvier 2005, la cour d'appel de Colmar après sa première condamnation.

Christophe Morat quitte, le 04 janvier 2005, la cour d'appel de Colmar après sa première condamnation. - Frédéric Florin - AFP

VIDEO - Christophe Morat, 40 ans, comparaît devant la Cour d'assises pour avoir eu des relations sexuelles alors qu'il était atteint du virus du sida. Il a contaminé une de ses partenaires, et il est récidiviste. En la matière, la loi française reste assez floue.

Christophe Morat comparaît ce mardi devant la Cour d’assises des Bouches-du-Rhône pour avoir consciemment contaminé une de ses partenaires avec le VIH et mis en danger d’autres jeunes femmes. Le verdict est attendu jeudi. Comment la pénalisation de la transmission du VIH est-elle encadrée en France? 

Qui est Christophe Morat?

Séropositif de 40 ans, il est accusé d’avoir sciemment contaminé une de ses partenaires. Cinq autres anciennes compagnes, qui l'ont connu entre 2008 et 2012, ont porté plainte. Christophe Morat avait déjà été condamné en 2005 à six ans de prison pour avoir transmis le VIH à deux autres femmes. Il encourt 30 ans de prison dans le cas de sa compagne contaminée pour des faits commis en récidive et en raison de la circonstance aggravante de la préméditation, retenue parce qu'il fréquentait des sites de rencontres pour trouver de nouvelles partenaires.

Sur quel point de droit reposent les jugements déjà rendus?

En France, la contamination au VIH n'est pas une infraction en tant que telle, ce délit n'a pas de cadre juridique propre.

Les personnes qui ont été condamnées l’ont été sur la base de l’article 222-15 du Code Pénal, qui condamne "l'administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'autrui", autrement dit, l'inoculation d'une maladie quelle qu'elle soit. Les plaignantes qui attaquent Christophe Morat s'appuient sur cet article, y compris celles qui n'ont pas été contaminées car elles considèrent que leur intégrité psychique a été atteinte. La peine peut aller jusqu'à 10 ans d'emprisonnement en correctionnelle et 15 ans devant une cour d'assises.

Est-il nécessaire de savoir que l'on est contaminé pour être responsable devant la loi?

Dans les textes, il n'y a pas de délit sans intention de le commettre. L'auteur d'un délit doit avoir agi en connaissance de cause, même s'il n'avait pas l'intention de contaminer son/sa partenaire. En l'occurrence, il faut donc démontrer que l'auteur se savait malade et qu'il savait qu'un rapport sexuel pouvait transmettre le virus. Mais "la preuve est en pratique très difficile à rapporter", comme l'expliquait en 2009 le bloggeur Maître Eolas.

D’après son avocat, Christophe Bass, Christophe Morat n’a pas voulu contaminer ses partenaires "il n'ose pas dire qu'il est séropositif parce que le sida est encore facteur d'exclusion", assure l'avocat. Mais il lui sera difficile de prétendre qu'il ignorait sa maladie ou son mode de contamination puisqu'il a déjà été condamné pour des faits similaires.

Cinq des plaignantes n'ont pas été contaminées. Leur plainte peut-elle ne pas aboutir? 

Cinq des ex-compagnes de Christophe Morat n’ont pas été contaminées mais ont porté plainte quand même. Pour les associations de lutte contre le sida et pour la défense, leurs plaintes ne doivent pas être prises en compte car cela reviendrait à "pénaliser la non-transmission". Pour certains militants, une personne qui a accepté un rapport non protégé partage la responsabilité même si son partenaire a caché sa séropositivité. 

Un argument qui ne tient pas face à la loi, selon Maître Eolas, qui explique que "l'infraction est constituée dès lors que l'auteur se sait porteur du virus, et a un rapport non protégé avec un partenaire qu'il sait ne pas être infecté. Point. Même si le partenaire, dans un absurde pacte morbide, désirait être contaminé, cela n'exonérerait pas l'auteur: le consentement de la victime est indifférent".

Les précédents sur ce type d'affaire en France sont-ils nombreux?

Une quinzaine d'affaires en France ont donné lieu à des condamnations allant de quelques mois de détention avec sursis à 9 ans de prison ferme.

Comment ce type d'affaires est-il traité à l'étranger?

Une infraction spécifique pour la transmission du virus du sida existe au Danemark et dans une vingtaine d'Etats américains. Certains Etats punissent également les personnes séropositives qui n'ont pas contaminé leur partenaire. Au Canada, en Ukraine, en Suède, en Slovaquie, en Arménie, aux Pays-Bas, en Islande, en Norvège, et en Russie aussi, la simple exposition au risque est passible de poursuites.

Aurélie Delmas