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Police-Justice

Surveillance des frères Kouachi: les failles du contrôle judiciaire de Chérif

Un portrait non daté de Chérif Kouachi, diffusé par la police après la tuerie de Charlie-Hebdo.

Un portrait non daté de Chérif Kouachi, diffusé par la police après la tuerie de Charlie-Hebdo. - Police française - AFP

Les deux frères se sont rendus au Yémen, en 2011, pour y apprendre le maniement des armes dans un bastion d'Al-Qaïda. Or, le cadet était à ce moment-là placé sous contrôle judiciaire, et avait pour interdiction de quitter le sol français.

Le passé des frères Kouachi remonte à la surface au fil de l'enquête sur les attentats perpétrés à Paris, la semaine dernière. Un détail interpelle notamment dans leur parcours: en juillet 2011, Chérif Kouachi a rejoint son frère au Yémen, terre d'accueil pour les jihadistes, durant deux semaines. Ils ont notamment été formés au maniement des armes pendant trois jours, dans le désert de Marib, bastion d'Al-Qaïda dans la région.

Or, à cette période, Chérif Kouachi était théoriquement soumis à un contrôle judiciaire en France, qui lui interdisait formellement de quitter le territoire français, et l'obligeait à se présenter une fois par semaine au commissariat de Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine. Comment son absence n'a-t-elle pas davantage interpellé les autorités? Et comment a-t-il pu franchir les frontières sans être repéré?

"Jamais l'objet de contrôles stricts"

Sous couvert d'anonymat, un juge exerçant en Île-de-France, interrogé par Le Figaro, reconnaît des faiblesses dans le système: "Il est vrai qu'en région parisienne, les pointages au commissariat dans le cadre de contrôle judiciaire ne font jamais l'objet de contrôles stricts. Au mieux, ce n'est qu'au bout de la quatrième ou cinquième absence dans le registre que le commissariat prévient le tribunal…"

Chérif Kouachi était soumis à ce contrôle judiciaire depuis octobre 2010, dans le cadre de l'enquête sur la tentative d'évasion de Smaïn Ait Ali Belkacem, condamné à perpétuité pour l'attentat du RER C de 1995, a indiqué une source judiciaire. 

La surveillance téléphonique interrompue à tort?

Une autre zone opaque a surgi dans le dossier des frères Kouachi: six mois avant le massacre de Charlie Hebdo, le renseignement français a interrompu la surveillance téléphonique de Saïd Kouachi. Selon des éléments révélés par Mediapart, Chérif a fait l'objet de filatures et d'écoutes téléphoniques entre décembre 2011 et décembre 2013. Son frère, lui, a été surveillé jusqu'à l'été dernier. Pourquoi la procédure, qui n'était pas placée sous l'autorité judiciaire, a-t-elle été interrompue? L'enquête va devoir l'expliquer, mais l'hypothèse la plus probable est qu'aucun élément probant reliant Saïf à une quelconque organisation terroriste ne permettait de poursuivre les interceptions de ses échanges.

Pointée du doigt par Le Figaro, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) réfute avoir empêché la poursuite des écoutes de l'aîné Kouachi. D'autant que, comme elle le rappelle dans un communiqué, son avis n'est que purement consultatif, et n'a pas valeur d'autorité. Selon le 21ème rapport 2012-2013 de la Commission, 6.145 demandes d'écoutes ont été effectuées en 2012, dont 2123 renouvellements (après la durée légale de quatre mois). La CNCIS n'a émis que 50 avis défavorables. In fine, 6.095 écoutes administratives ont été autorisées par le Premier ministre cette année-là.