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Police-Justice

Le Cran poursuit l'Etat et la Spie pour crime contre l'humanité

La ligne de fer "Congo-Océan" est toujours en fonctionnement.

La ligne de fer "Congo-Océan" est toujours en fonctionnement. - -

La Spie-Batignolles, groupe français de construction, est à l'origine du chantier de la ligne de fer "Congo-Océan", construite dans les années 1920 au prix de très nombreuses pertes humaines.

C'est une ligne de chemin de fer qui s'est construite au prix du sang des ouvriers. Ce mardi, le Conseil représentatif des associations noires (Cran) a donc assigné en justice l'Etat et la société Spie-Batignolles, à l'origine du chantier de la ligne Congo-Océan qui relie Brazzaville au port de Pointe-Noire. Celle-ci a été bâtie entre 1921 et 1934.

Entre ces deux dates, le Cran accuse la société d'avoir conduit à la mort "au moins 17.000 personnes", rapporte 20 Minutes, et parle de "crime contre l'humanité", un délit imprescriptible. A l'époque, les colons n'avaient pas d'accès direct à la mer depuis la capitale, Brazzaville. L'idée a alors germé de construire une ligne de train qui relierait l'intérieur des terres à la côte atlantique. C'est ainsi qu'au début des années 20, des populations ont été déplacées de leurs habitations pour permettre le tracé de 510 km.

Le recrutement des ouvriers s'est fait par la force, lors de véritables rafles. Dans une interview accordée en 2006 au magazine Afrik, l'historien congolais Antonin Madounou raconte: "l'administration prévoyait le nombre de travailleurs dont elle avait besoin pour l’année à venir, puis elle envoyait des miliciens armés dans les villages. Le chef de village africain recevait une récompense financière pour le service rendu, l’incitant à fournir le nombre d’ouvriers demandés. Les plus jeunes d’entre eux étaient capturés au lasso."

Les ouvriers, "des moteurs qu'on nourrissait de bananes"

La main d'oeuvre ainsi "recrutée" devait ensuite aller vivre sur le chantier, pour y travailler sept jours sur sept, dans des conditions exécrables. "Les ouvriers étaient vraiment des moteurs que l’on nourrissait de bananes, explique Louis-Georges Tin, le président du Cran, à 20 Minutes. "Quand le moteur cassait, on en prenait un autre..."

"Nous avons engagé un dialogue auprès de l'entreprise et de l'Etat mais, aucun des deux n'a voulu nous recevoir", explique Louis-Georges Tin pour justifier sa plainte. François Hollande s'est en effet prononcé contre les réparations de la traite négrière lors de la commémoration de l'abolition de l'esclavage en mai dernier. Devant le tribunal de grande instance de Pontoise, le Cran a donc engagé une action au civil contre l'Etat et les trois entités de la société des Batignolles: Spie, Spie-Batignolle et Clayax Acquisitions.

A travers cette plainte, Louis-Georges Tin n'a qu'un souhait: faire condamner la Spie à construire des lieux de mémoire le long de cette voie ferrée. Dans une interview accordée au Monde en mai 2013, l'entreprise aurait loué son "engagement dans nos aventures outre-mer", selon le Cran. Un passé colonial qui pourrait lui coûter cher.

Alexandra Gonzalez