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Délinquance: la bataille des chiffres est ouverte

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Polémique autour des chiffres de la délinquance. "Le Figaro" avance une "explosion", Manuel Valls dénonce "une tromperie"? Pourquoi de telles divergences? Qui dit vrai?

"Sécurité: les mauvais chiffres de Manuel Valls" titrait le Figaro, lundi. Le ministre de l'Intérieur dénonce, lui, "une tromperie". Entre le quotidien et le ministre, la bataille des chiffres de la délinquance est ouverte. Un débat récurrent, qui ressurgit à chaque rapport.

Comment sont calculés ces chiffres et pourquoi divergent-ils? BFMTV.com vous explique.

> Que dit "Le Figaro"?

Selon le quotidien, le "baromètre Valls", "nouvel outil d'analyse" du ministère qu'il dit s'être procuré, révèle une hausse, d'août 2012, peu après l'arrivée de la gauche au pouvoir, à juillet 2013, des atteintes à l'intégrité physique (+2,9%) et aux biens (+3,5%). Les violences sexuelles (+10,4%) et les cambriolages (+9,3%) explosent particulièrement, d'après ces "nouveaux indicateurs d'activité des forces de l'ordre" cités par le journal.

De la même manière, les infractions économiques et financières grimpent de 5,9%, affirme Le Figaro. La "grande criminalité", qui comprend les règlements de comptes, les attentats à l'explosif contre des biens privés ou encore les vols à main armée contre des commerces, monte de 5,2%, ajoute le journal.

> La version de l'Intérieur

"Une nouvelle fois, les éléments rapportés par Le Figaro dans son édition de ce jour méconnaissent les avertissements et les règles méthodologiques rappelées par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP)", proteste le ministère de l'Intérieur dans un communiqué publié tôt mardi matin.

Selon lui, il est "désormais établi que les pratiques de "nettoyage statistique" qui avaient cours jusqu'en 2012 sont de nature à fausser fortement la base de comparaison".

"On ne peut que regretter la publication sélective, tronquée et biaisée d'éléments statistiques, qui ne rend pas service au débat public relatif aux questions de sécurité", insiste la place Beauvau.

> Comment interpréter ces chiffres?

Pour le ministère de l'Intérieur, l'outil statistique des forces de l'ordre dit "Etat 4001", servant de base à la publication des chiffres officiels de la délinquance par l'ONDRP, est "faussé" par de nouveaux logiciels de comptabilisation.

"L’entrée en service du nouvel outil dans la gendarmerie nationale en janvier 2012 a produit une "rupture statistique", repérée et partiellement analysée par l'ONDRP", souligne l'Inspection générale de l'administration, dans un rapport de juin 2013.

L'observatoire distingue désormais les chiffres de la police de ceux de la gendarmerie, qui révèlent de fortes distorsions. Comme l'explique sur son blog Laurent Borredon, journaliste spécialiste des questions de sécurité au Monde, Le Figaro les a additionnés.

Par ailleurs, le journaliste relève que la comparaison des périodes de août 2011 à juillet 2012 avec août 2012 à juillet 2013 est sujette à caution. L'IGA a en effet pointé dans un rapport de juin 2013, que la "politique du chiffre" menée par le gouvernement précédent mais également "certaines directives de l'administration centrale ont pu contribuer à minorer fortement les statistiques de la délinquance en généralisant des pratiques d’enregistrement non conformes".

Le rapport de l'IGA évoque également au cours de la période "une pratique de dissimulation massive". Le contraste entre les deux périodes comparées et "l'explosion" de la délinquance qui en ressort pourraient donc également provenir de ce phénomène.

La conclusion, c'est qu'il est possible de tirer des conclusions différentes des mêmes chiffres et c'est ce que font le Figaro et l'Intérieur.

Magali Rangin avec AFP