Emmanuel Todd : «la notion d'austérité est véhiculée par des pourris»

Emmanuel Todd était ce vendredi l'invité de Jean-Jacques Bourdin, à 8h35 en direct sur RMC et BFMTV. L'historien anthropologue co-auteur de « Le mystère français» est revenu sur la droitisation de la France et sur les conflits d'intérêts entre fonction publique et système bancaire, après avoir émis des doutes sur la viabilité de l'euro.

Jean-Jacques Bourdin recevait ce vendredi à 8h35 sur RMC et BFMTV l’historien et anthropologue Emmanuel Todd, qui co-écrit le livre Le mystère français (éd. du Seuil) avec le démographe Hervé Le Bras. Adepte de la pensée à rebrousse-poil, Emmanuel Todd a expliqué les causes de la droitisation de la société française, il a questionné la viabilité de l'euro et a rejeté la responsabilité de l'austérité sur les élus corrompus en lien avec la finance. Enfin, l'historien s'est montré confiant envers la population française, « solide », mais qui fait les frais selon lui de dirigeants « fébriles ».

Sur la transparence

8h55 - Emmanuel Todd : « Le vrai problème de la transparence en France, c'est cette interaction entre le haut de la fonction publique et le système bancaire, on trouve une mafia de gens qui circulent de l'un à l'autre. Ce dont on a besoin, ce n'est pas une interdiction du cumul des mandats, c'est de rétablir des règles d'étanchéité entre haute fonction publique et système bancaire. Mon rêve serait que le Parlement nomme une commission d'enquête sur ces interactions entre haute finance publique et privée ».

Sur la radicalisation des mouvements homophobes

Le débat sur le mariage pour tous s'est clôt ce vendredi après une nuit très agitée dans l'hémicycle.

8h51 - Emmanuel Todd : « Quand je vois des députés prêts à se taper dessus, je sens une extrême fébrilité en haut de la structure sociale. La situation est une prise de conscience chez les gens qui dirigent. C'est angoissant d'être aux commandes quand on a perdu toutes ses boussoles. Mais la population se tient solide, fait des enfants. Les gens normaux ont des impératifs de survie économique qui empêchent de délirer ».

Sur l'affaire Cahuzac

8h49 - Emmanuel Todd : « Les banquiers ne comprennent pas ce qui se passe parce qu'ils ne peuvent pas en accepter la réalité. Si on veut faire redémarrer les économies occidentales, il va falloir effacer des dettes et spolier les riches ».

8h48 - Emmanuel Todd : « L'affaire Cahuzac est une très bonne nouvelle pour la démocratie en France. Il s'occupait du budget, il était là pour mettre en place l'austérité. Et on s'aperçoit que le père la vertu est un pourri. Mais il ne faut pas s'imaginer que c'est une exception. La notion d'austérité est véhiculée par des pourris, des gens qui ne sont pas nets, comme Mario Monti ou Mario Draghi, qui ont des liens avec la spéculation et avec Goldman Sachs. Toute personne qui prône l'austérité devrait faire l'objet d'une enquête de moralité ».

Sur l'euro

Vous avez récemment dit à François Hollande « l'euro détruit l'industrie française ».

8h44- Emmanuel Todd : « L'euro permet d'analyser la crise des élites françaises. C'est une monnaie qu'il faut sauver à intervalles réguliers. On devrait se poser la question de sa viabilité. La débâcle industrielle s'est accélérée avec l'euro. On devrait, dans un pays normal, avoir une commission ou de gens qui réfléchissent. Le zéro de réflexion à ce niveau-là relève de la pathologie ».

Sur l'état de la France

Sur l'état économique du pays :

8h42 - Emmanuel Todd : « C'est la débâcle économique. Mais les taux de suicides et d'homicides ont baissé. Les femmes font des enfants. La population est saine et vivante. Une partie du mystère français, c'est cette économie en déroute, correspondant à une population dont on sent qu'elle pourrait beaucoup mieux faire. C'est comme si les gouvernants ne voyaient pas les Français comme ils sont réellement. Ils se sont basés sur des politiques mimétiques de l'Allemagne. Les Français existent et les gouvernants doivent l'admettre. ».

Sur la droitisation de la société :

8h40 - Emmanuel Todd : « Deux causes fondamentales à la droitisation de la société : le vieillissement de la population, avec le fait que les personnes âgées sont plus à droite, et le renversement de la pyramide éducative. Avant, les gens "d'en bas" pouvaient participer à la vie démocratique. Aujourd'hui, les gros bataillants de moins de 35 ans sont ceux qui ont fait des études supérieures. Au milieu, on trouve une masse importante qui a fait des études technologiques, et puis en bas, 10-12% de gens sans diplômes. La France n'a jamais été aussi éduquée mais a cessé de progresser. Ceux du milieu ont peur de retomber en bas. C'est ça qui mène à droite. La gauche et la droite sont proches d'atteindre des niveaux d'égarement équivalents ».

Retrouvez aussi l'émission Bourdin & Co de ce vendredi matin.

Claire Béziau, avec Jean-Jacques Bourdin et BFMTV